La jeunesse en 2020, quel constat ?

, par Meghann Verryken

La jeunesse en 2020, quel constat ?
European Youth Event de 2016. Crédits : EYE

La jeunesse européenne est souvent pointée du doigt pour son manque d’intérêt pour les questions politiques ou son manque de prise d’action dans la société en général. Ce postulat est il justifié ? Et quelles en sont les raisons ?

La jeunesse dans l’économie

Les jeunes sont-ils la dernière roue du carrosse en Europe ? En 2008 déjà, ils faisaient office de grands oubliés de la crise. En 2016, selon une étude menée par le Parlement européen, 57% des jeunes au sein de l’UE se sentaient marginalisés et exclus de la société en raison de la crise de 2008. Huit ans après la crise donc, les jeunes ne se sentaient toujours pas concernés par les mesures politiques et économiques prises dans les retombées de 2008.

Quatre ans plus tard, alors que les différents pays de l’UE se retrouvent confrontés à la plus importante crise économique que l’OCDE ait enregistrée selon Jose Angel Gurria, provoquée par la crise sanitaire liée à la Covid-19, les jeunes se retrouvent à nouveau oubliés. Ils sont surreprésentés dans les emplois précaires tels que les CDD (43,3% des 15-24 ans contre 14.1% de l’ensemble des travailleurs en 2015), les emplois intérimaires ou encore à temps partiels, et de facto les premiers à partir en cas de crise économique majeure, sans le filet de sécurité offert par la sécurité sociale pour amortir leur chute dû aux différentes réglementations par États membres. Ils sont donc, une fois encore, victimes d’un marché du travail qui s’est totalement effondré. Le chômage chez les jeunes a augmenté de plus de 10% entre février et septembre 2020. En 2013 déjà, et selon une étude menée par le Conseil européen, un jeune sur trois était en danger, au sein de l’UE, de subir une exclusion sociale ou économique.

La même année, la Commission européenne lançait le programme Youth Guarantee avec pour objectifs de trouver un emploi pour tous les jeunes de moins de 25 ans dans un délai de 4 mois ou de leur fournir une formation de qualité en vue de trouver un emploi. En 2020, le programme a été étendu aux moins de 30 ans et renforcé en raison de la nouvelle crise économique. Même s’il faut saluer la mise en place d’un tel programme ainsi que son renforcement, il faut souligner qu’il ne résout pas la précarité de l’emploi chez les jeunes, les postes proposés étant souvent précaires.

La Commission Von der Leyen a fait de la jeunesse sa priorité par l’intermédiaire de l’instrument de relance Next Generation EU, se targuant de préparer l’avenir pour la génération suivante. Toutefois, même si son programme est ambitieux à l’échelle européenne, l’accord sur le budget prévoit des coupes budgétaires importantes dans la jeunesse (dont le programme Erasmus+), la durabilité et l’innovation. Conséquences ? La plupart des programmes sectoriels se concentrant sur la jeunesse ou la transition vers une société plus sociale, plus juste et plus durable n’atteindront pas leurs objectifs, faute de financements.

On observe au sein de l’UE que la jeunesse est un des premiers secteurs à subir les coupes budgétaires, et ce, aussi au bien au niveau national qu’européen. L’UE et ses membres n’ont donc pas encore pris les mesures nécessaires pour intégrer les jeunes à notre société et leur donner les moyens économiques de participer pleinement au façonnement de cette société.

La jeunesse dans la politique

La jeunesse actuelle ne se sent pas représentée sur la scène politique, alors qu’il existe bel et bien un désir de participation. Trop souvent, même si de nombreuses organisations reconnaissent la nécessité d’écouter et d’inclure la jeunesse, elles utilisent la situation à des fins symboliques et non concrètes, ce qui crée chez cette jeunesse le sentiment de l’illusion de la participation, qui, à son tour, provoque le désintérêt de cette jeunesse pour une participation active dans la politique.

On observe donc un cercle vicieux même si les tendances actuelles montrent un regain d’intérêt chez les jeunes. Les jeunes ne sont donc pas inintéressés par la politique et les événements qui ont lieu dans leur pays ou région, mais le système en place les en a désintéressés par un manque d’inclusion, de considération pour leurs idées et le sentiment d’être abandonnés par la classe dirigeante. Les jeunes font donc bien preuve d’un désir de participation au processus décisionnel mais ne l’exprime pas par les canaux traditionnels tels que le vote, ils favorisent en effet d’autres médium d’actions, comme les manifestations ou encore les grèves, illustrées par les grèves scolaires du vendredi.

Les moins de 25 ans représentent un tiers de la population européenne alors qu’ils sont un des groupes les moins représentés dans les institutions. On observe actuellement chez les jeunes une participation croissante au processus électoral : lors des élections européennes de 2019, le taux de participation des jeunes a augmenté de 14 points de pourcentage pour l’ensemble de l’union, soit une augmentation de 50%, passant de 28% à 42% des moins de 25 ans. Toutefois, l’âge moyen des députés européens de la législation actuelle est de 49,5 ans. En France, en 2020, l’âge moyen des membres de l’Assemblée nationale est de 51 ans. En Allemagne, l’âge moyen des députés est de 49,4 ans. Il n’est donc pas étonnant de se retrouver dans une société où les jeunes ne se sentent pas représentés par le système politique traditionnel, que ce soit au niveau national ou supranational et que ce manque de représentation mène à un désengagement de la jeunesse.

Selon un rapport commandé par le Conseil de l’Europe, la jeunesse cherche cependant d’autres moyens de s’exprimer et de se faire entendre, en dehors des carcans habituels en recourant, par exemple, à la manifestation, le boycott, la pétition ou encore le port d’un badge ou d’un sticker politiquement connoté, outils de participations extérieurs au processus politiques habituels mais qui témoignent d’un intérêt de la jeunesse pour les questions politiques et de société.

Jeunesse négligée ?

La jeunesse en 2020 n’a toujours pas trouvé sa place dans la société, que ce soit d’un point de vue économique ou politique. Même si la nécessite d’intégrer cette jeunesse est bien réelle et reconnue, trop peu d’efforts sont entrepris et de mesures mises en place pour y parvenir.

Les dirigeants de nos pays devraient peut-être remettre en question le système politique actuel afin de faire de la place à un système traditionnel réformé et inclusif, qui répondrait aux besoins politiques de toutes les tranches d’âge de notre société. En outre, le système économique est lui aussi à revoir, des filets de sécurité étant nécessaires afin de protéger les jeunes d’une précarité presque inévitable en 2020. En effet, avec la population de plus en plus vieillissante de nos pays, les jeunes devront soutenir les coûts économiques des retraites. Sans un accès suffisant au marché de l’emploi, à des formations de qualité et à des possibilités d’évolution, comment cette génération-ci est-elle censée être assez productive pour encourager la croissance économique et assurer la stabilité sociale ?

Comme l’a très bien écrit Helen Lewis dans un article du Guardian en 2015 : « Plutôt que de se demander pourquoi les jeunes ne s’intéressent pas à la politique, demandons-nous pourquoi le reste d’entre nous se préoccupe si peu de cette jeunesse que nous la laissons se sentir exclue à ce point-là ? » [1]

[1] : “Instead of asking why young people don’t care about politics, let’s ask why the rest of us care so little about young people that we allow them to feel so excluded”

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