La frontière franco-espagnole : lieu de mémoire de la Retirada

, par Lorène Weber

La frontière franco-espagnole : lieu de mémoire de la Retirada
Vue sur la vallée d’Egurgy, sur la frontière franco-espagnole. Image : Gilles Guillamot / Wikimedia Commons

La frontière entre l’Espagne et la France, témoin de mouvements importants de population dans l’histoire est aujourd’hui un lieu de mémoire important, comme le rappellent certains monuments.

La frontière franco-espagnole est l’une des plus anciennes d’Europe, quasi inchangée depuis le Traité des Pyrénées de 1659 et le mariage de Louis XIV avec l’infante d’Espagne Marie-Thérèse. Parsemée de fortifications datant du Moyen-âge et de la Reconquista, de forteresses de Vauban du 17ème siècle, de châteaux construits à travers les époques, théâtre d’affrontements lors des guerres de la Révolution française et de la Bataille des Pyrénées sous Napoléon Ier, la frontière franco-espagnole a traversé l’histoire de France.

Au 20ème siècle, la démarcation entre la Catalogne et les Pyrénées-Orientales a été le triste décor de la Retirada, l’exode des réfugiés républicains espagnols fuyant le franquisme, qui furent internés dans des camps français en 1939. Divers mémoriaux érigés le long de cette portion de la frontière franco-espagnole rendent maintenant hommage à ces exilés et entretiennent le souvenir de ce pan d’histoire.

Les camps d’internement dans les Pyrénées

À partir de février 1939, après la victoire du camp nationaliste de Francisco Franco et la chute de la Seconde République espagnole, commence l’exode des réfugiés espagnols de la guerre civile. 500 000 Espagnols du camp républicain (hommes, femmes, enfants) traversent, souvent à pied, la frontière franco-espagnole des Pyrénées pour fuir l’Espagne et trouver refuge en France. Cet espoir d’asile en République française commence cependant dans des camps d’internement proches de la frontière, dans des conditions de vie et d’hygiène extrêmement précaires.

L’histoire des camps d’internement et de concentration français au 20ème siècle ne commence effectivement pas avec les camps d’internement ou de déportation nazis (comme celui de Drancy) en 1941, ni même avec le camp de redressement nazi pour les Alsaciens et Mosellans réfractaires de Vorbruck-Schirmeck en 1940. Elle commence dès 1939, avec les camps d’internement pour exilés républicains espagnols. Celui du Vernet notamment, commencera par interner ces réfugiés en 1939, et servira par la suite à interner tous les étrangers dits “indésirables”, ainsi qu’à déporter des Juifs jusqu’au camp d’extermination d’Auschwitz.

Entre février et juin 1939, les exilés espagnols s’entassent ainsi dans des camps d’internement ou de concentration français dans les Pyrénées Orientales, comme à Argelès, Rivesaltes ou au Barcarès. Le camp d’Argelès a été le plus grand d’entre eux avec 110 000 réfugiés. Des milliers de républicains espagnols mourront dans les camps français en 1939. Lorsque le régime de Vichy prend le contrôle des camps, les exilés sont transférés dans des camps de travail, enrôlés dans des compagnies de travailleurs étrangers, renvoyés en Espagne, s’engagent dans la Légion étrangère ou encore parviennent à rejoindre la Résistance.

Les circuits de la mémoire : musées, mémoriaux et monuments commémoratifs

De part et d’autre de la frontière entre la Catalogne et les Pyrénées-Orientales, ont été érigés différents lieux de mémoire de la Retirada.

À Argelès, un mémorial a été créé en centre-ville et deux stèles, une signalant l’entrée du camp, aujourd’hui disparu, et l’autre, commémorant les morts du camp au cimetière dit « des Espagnols ». Le mémorial héberge l’association Fils et Filles de Républicains espagnols et Enfants de l’Exode (FFREEE) qui oeuvre pour transmettre cette mémoire, et oeuvre pour permettre à des personnes ayant été séparées pendant l’exode de se retrouver. La ville d’Argelès a par ailleurs installé un Circuit de la Mémoire retraçant l’histoire du camp et le parcours des exilés espagnols.

Le camp de Rivesaltes a également son mémorial, et des expositions ont été inaugurées en 2019 pour le 80ème anniversaire de la Retirada. Le Mémorial des Trois Colonnes, situé sur l’Esplanade des Volontaires Étrangers du camp du Barcarès rend quant à lui hommage aux 15 000 volontaires étrangers venus s’enrôler dans l’armée française en 1939 et regroupés dans un camp proche de celui des exilés du franquisme.

En Catalogne sud, dans la commune de la Vajol, les deux statues du Monument de l’Exil rendent hommage à un exilé espagnol et à sa fille amputée d’une jambe lors d’un bombardement. Le village de La Jonquera abrite quant à lui le Musée Mémorial de l’Exil (Museu Memorial de l’Exili), qui a notamment retracé les Chemins de l’Exil le long des cols de la frontière franco-espagnole.

En France, le village de Bram, dans l’Aude, a inauguré en 2009 un mémorial aux réfugiés espagnols internés au camp du Pigné. La commune de Saint Cyprien, en Catalogne nord, a également érigé un mémorial du camp d’internement de 1939-1940.

Les cols traversés par les réfugiés espagnols font par ailleurs l’objet de sentiers de la mémoire. Une plaque commémorative trilingue (en français, espagnol et catalan) et une exposition mémorielle en plein air ont par exemple été apposées à la frontière franco-espagnole de Cerbère et Portbou, au Colls dels Belitres. Pour le 80ème anniversaire de la Retirada, le président catalan Quim Torra, aux côtés des maires de Mollo (Catalogne) et Prats-de-Mollo (Pyrénées-Orientales), a rendu hommage aux réfugiés devant le monument de la Retirada au Col d’Ares.

Enfin, les sentiers de randonnée du Cami de la Retirada permettent de retracer le parcours des exilés républicains espagnols et de découvrir ces monuments.

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