De nombreux hommes et femmes, particulièrement de fervents pro-Européens, peuvent de temps à autre se perdre en considérations rhétoriques sur la valeur de l’Europe pour le passé, le présent et l’avenir. Bien trop souvent toutefois, la prévenance promise à l’égard des citoyens reste lettre morte dans le verbiage académique. Il est plus que temps de traduire cette vision théorique en politique concrète, en créant des listes européennes.
L’Union européenne s’est donné pour but de rapprocher et d’unir des Hommes. Tous doivent profiter d’un bien-être économique et social, les conditions de vie doivent s’harmoniser. Autrement dit : on doit aller bien de la même façon. Pour cela, il n’est pas seulement besoin d’avoir partout les mêmes prérequis, il faut aussi un même socle d’égalité en droit. Les droits civils valent en Europe pour toutes les citoyennes et tous les citoyens de la même manière. Le droit de vote, forme élémentaire de notre participation démocratique fait toutefois exception – jusqu’à présent, on cherche vainement une égalité réelle des suffrages aux élections européennes.
A propos des listes et des problèmes en résultant
Pourquoi est-ce un problème que nous n’ayons pas de listes européennes ? Petit calcul : lorsque dans un pays, les électeurs votent majoritairement pour un parti, ce même parti obtient logiquement la plupart des sièges à distribuer. La part des députés nationaux par rapport à l’ensemble des sièges du Parlement européen est cependant limitée. Plus la participation électorale est donc élevée dans un pays et plus le nombre de voix pour un parti particulier est important, plus la valeur de chacune des voix prise individuellement pour ce parti est réduite. En effet, le décompte des voix se fait de manière relative et non absolue. Ainsi aux dernières élections européennes de 2014, les Sociaux-démocrates (S&D) ont obtenu plus de voix en termes absolus (40,4 Millions) que les Chrétiens-démocrates du Parti populaire européen (PPE) arrivés deuxièmes (40,3 Millions).
Toutefois, le groupe politique S&D est nettement plus petit que le groupe du PPE avec 191 députés contre 221 sièges pour le PPE. Comme beaucoup de voix S&D venaient d’Italie, elles ont en quelque sorte été « renchéries » en termes absolus. Ainsi, sans égalité réelle des suffrages entre les Etats membres de l’UE, ce genre de distorsion se reproduira.
L’idée serait donc que chaque famille de parti européen propose une liste des candidat(e)s qui pourraient être élu(e)s à l’échelle européenne. Ainsi, les Allemands pourraient voter pour un député français et les Néerlandais pour un représentant polonais. Jusqu’à présent, il y a toujours des tergiversations concernant cette proposition, en lice depuis un certain temps puisque le nombre de députés est ancré dans les traités européens. Pour cela, il faudrait donc soit enlever des députés aux Etats membres ou alors réformer les traités : les deux solutions sont évidemment complexes.
Pourquoi est-ce différent maintenant ? Si le Royaume-Uni doit quitter l’Union européenne pour la fin mars 2019 au plus tard, le Parlement européen aurait 73 sièges de libres – en ce cas, il y a enfin un espace pour l’idée de listes européennes lors des élections.
Accomplir enfin la création de partis européens !
Naturellement, l’introduction de listes européennes n’aura pas pour effet une diminution drastique de l’abstention aux élections européennes de 2019. Cependant, ce serait non seulement un progrès conséquent de démocratisation de l’Union européenne, mais également l’installation directe de l’idée des « Spitzenkandidaten » (têtes de listes) [1]. Aux élections européennes de 2014, pour la première fois, chaque famille de partis politiques s’est présentée autour d’un(e) chef(fe) de liste, candidat(e) de fait pour la Présidence de la Commission européenne, et a ainsi participé à une ébauche originale de campagne électorale européenne.
Donner un visage concret aux hommes et femmes politiques européens et à la politique européenne n’est qu’une face de la médaille. Sur son revers, l’effet qu’aura cette réforme électorale sur les partis européens sera indéniablement plus durable. Jusqu’à maintenant, les familles européennes de partis sont plutôt faiblement structurées, les décisions importantes y sont rarement prises en leur sein. L’établissement d’une liste à l’échelle européenne confère soudainement aux partis européens une nouvelle signification ! La façon dont on coopère avec ses partenaires dans d’autres pays devient stratégique, de même qu’une plus forte concurrence entre les candidats permet peut-être que les meilleurs hommes et femmes politiques s’imposent, et non pas les candidats préfabriqués par les Etats-membres.
Il faut que ce soit simple !
Comment rendre cette idée populaire ? La règle du jeu exige de la simplicité : « Keep it simple ! ». Nous ne parlons pas ici de « listes transnationales » mais bien de « listes européennes ». Expliquons aux citoyennes et citoyens européens qu’ils possèdent en quelque sorte une deuxième voix européenne. De cette façon, on se base sur quelque chose de connu et de familier [2]. Et cela permet d’en expliquer tous les avantages. Au contraire des députés européens nationaux, les candidats sur des listes européennes seraient bien plus tentés de représenter des intérêts européens et non propres à leur nationalité.
Par ailleurs, les électeurs auront plus de choix le jour de l’élection. Ainsi, les finlandais ont à ce jour seulement la possibilité d’élire 13 députés à ce jour et seuls ces derniers ont à se justifier devant les électeurs. Si on y ajoute ici 73 nouvelles options, ce seraient bientôt 86 députés qui devraient rendre des comptes à la population finlandaise. Notamment pour les petits pays de l’UE, il s’agit d’un gain démocratique non négligeable.
A vos listes, prêts, partez !
Est-ce qu’il s’agit d’une nouvelle folie éloignée de toute réalité, encore une fois inventée de toute pièce par quelque technocrate européen ? Bien sûr que non ! Au niveau européen, les Verts, le chef de file des Libéraux au Parlement européen, Guy Verhofstadt, Emmanuel Macron dans son programme électoral, ainsi que le gouvernement italien (qui a même été jusqu’à faire une proposition au Conseil de l’Union européenne à la fin du mois d’avril 2017) soutiennent le projet. En résumé : il se passe quelque chose !
Le Parti social-démocrate (SPD) et les Verts (Grünen) allemands l’ont ainsi proposé dans leurs programmes respectifs pour la campagne des élections législatives fédérales du 24 septembre 2017 en Allemagne. Il est donc du devoir des citoyennes et citoyens, tout comme des associations comme la JEF (Jeunes Européens Fédéralistes) de veiller à ce que les Chrétiens démocrates (CDU/CSU), les Libéraux (FDP) et la Gauche radicale (Die Linke) se joignent à la proposition et prennent clairement position pour une Union européenne démocratique et proche de ses citoyens, pour un Parlement européen fort et pour des partis politiques européens dignes de ce nom. Dans le cas contraire, nous devrons retourner dans la rue – réelle ou bien virtuelle. Et pour les manifestions, les Pro-européens que nous sommes, devenons expérimentés. Ne l’oublions pas !
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