Comment les priorités de l’UE sont fixées
Malgré ses moyens financiers et son spectre de compétences qui se sont fortement étendus depuis sa création, l’UE doit se fixer des priorités. Mais comment celles-ci sont-elles fixées ?
Avant le début de chaque nouvelle législature européenne — le mandat de 5 ans des commissaires européens et des députés au Parlement européen — les chefs d’État ou de gouvernement de tous les pays de l’Union se réunissent au sein du Conseil européen pour fixer les priorités politiques officielles de l’Union. Ensemble, ces priorités forment le programme stratégique de l’UE, qui contribue à guider les institutions européennes et définit les moyens de concrétiser ces priorités.
Les priorités définissent dans les grandes lignes les principales politiques et mesures que la Commission entend suivre pour atteindre ses objectifs. Le programme stratégique est mis en œuvre conjointement par les institutions de l’UE et les gouvernements de l’UE. Une fois fixées par le/la candidat(e) à la présidence, les priorités de la Commission sont présentées à l’ensemble du Parlement européen en séance plénière, pour ensuite être transformées en déclarations de missions spécifiques pour chaque candidat au poste de commissaire et présentées à la commission compétente du Parlement.
Une fois le programme de travail de la Commission adopté, la Commission, le Parlement et le Conseil publient une déclaration commune sur les priorités de l’UE, afin de permettre une action rapide et de veiller à ce que la réalisation de ces priorités fasse l’objet de l’attention politique requise.
Outre les priorités de la législature, les autres institutions de l’UE fixent souvent leurs propres priorités pour refléter leurs points de vue. C’est le cas notamment de la Présidence tournante du Conseil de l’Union européenne, au sein duquel chaque pays de l’Union fixe ses propres priorités, qui sont rendues publiques sur le site web de la Présidence en cours. Chaque pays, lors de sa présidence semestrielle, joue le rôle de médiateur impartial, faisant avancer les discussions entre tous les pays de l’UE sur la législation de l’Union.
La réunion informelle de Grenade, le 6 octobre 2023
En l’espace de 5 ans, l’UE a été confrontée à de nombreuses crises qui ont mis à rude épreuve sa capacité à réagir. Qu’il s’agisse de la lutte contre le changement climatique, de l’atténuation des effets de la pandémie de COVID-19 ou des mesures sans précédent prises en faveur de l’Ukraine face à la guerre d’agression menée par la Russie, l’UE a cherché à agir de manière rapide et coordonnée.
Alors que le monde devient plus instable et plus complexe, l’UE est confrontée à des défis économiques et géopolitiques. Plus que jamais, les dirigeants doivent établir un plan stratégique clair pour les années à venir et fournir un cadre solide pour les actions des citoyens.
Lors de la réunion informelle du Conseil européen qui s’est tenue le 6 octobre 2023 à Grenade, en Espagne,les dirigeants de l’UE ont débattu pour la première fois des futures priorités du programme stratégique 2024-2029.
Mettant l’accent sur les résultats obtenus à ce jour, les dirigeants de l’UE ont discuté des priorités à long terme en ce qui concerne le renforcement de l’autonomie stratégique de l’UE. Ils ont adopté la déclaration de Grenade, dans laquelle ils ont exposé les priorités essentielles et les mesures nécessaires pour faire de l’Europe une puissance forte, dynamique et compétitive. De plus, le président du Conseil européen Charles Michel a adopté une déclaration sur les migrations.
Vers un programme stratégique pour la période 2024-2029 : des prévisions thématiques après Grenade
Voici de suite une liste des principaux nœuds thématiques qui ont été abordés lors de la réunion informelle et qui pourraient nous servir de guide pour prévoir le programme stratégique à venir.
Sécurité et défense. S’appuyant sur la boussole stratégique en matière de sécurité et de défense, une initiative qui définit une conception commune des menaces et des défis majeurs auxquels l’Europe est confrontée sur le court et le moyen terme, les dirigeants de l’UE se sont engagés à renforcer la préparation de l’UE en matière de défense et à poursuivre le développement de sa base industrielle et technologique.
(Nouveaux) défis du marché européen. Les dirigeants de l’UE se sont montrés déterminés à renforcer la résilience et la compétitivité à long terme de l’UE et à rendre le marché unique de l’UE plus cohérent, davantage axé sur l’innovation et plus interconnecté. Lors de la réunion informelle, ils se sont engagés à poursuivre leurs efforts et à se concentrer sur des domaines tels que la préparation aux crises, les transitions écologique et numérique, l’efficacité énergétique et l’utilisation efficace des ressources, l’adaptation aux changements climatiques et les médicaments et matières premières critiques.
Élargissement. Dans la déclaration de Grenade on lit que « l’élargissement constitue un investissement géostratégique dans la paix, la sécurité, la stabilité et la prospérité ». Les dirigeants de l’UE ont discuté de la perspective d’une UE élargie et ont souligné que tant l’UE que les futurs États membres doivent être prêts.
Migrations. Dans sa déclaration, Charles Michel a dit que l’UE ne laissera pas « pas les passeurs décider qui entre dans l’UE ». Dans l’optique de suivre une approche globale en matière de migrations, dans le respect du droit international et des principes et valeurs de l’UE, il a insisté sur plusieurs aspects tels qu’une action extérieure accrue, une protection efficace des frontières extérieures de l’UE, des partenariats avec les pays d’origine et de transit, la lutte contre les causes profondes des migrations, des possibilités de migrer légalement.
Où en sommes-nous donc ?
Les discussions sur les futures priorités de l’UE se poursuivront dans les mois à venir, avant l’adoption du programme stratégique en juin 2024.
Sur le site du Conseil européen, le 8 novembre dernier, un communiqué de presse a paru sous le nom de « Consultations du président Michel sur le programme stratégique ». Charles Michel y invite ses pairs à un dîner pour poursuivre leurs « discussions sur les priorités du prochain cycle institutionnel, en nous appuyant sur notre premier échange fructueux à Grenade ». En mettant l’accent sur le fait que l’Europe traverse à l’heure actuelle « une époque tumultueuse, allant de catastrophes liées au climat dans le monde entier à des bouleversements technologiques induits par les évolutions numériques de pointe et à la fragmentation de l’ordre multilatéral fondé sur des règles », le président du Conseil européen a saisi l’occasion pour inviter les dirigeants européens à « approfondir ces questions et, en particulier, [à] envisager la manière dont nous devons nous adapter dans l’intérêt d’une Union plus forte, tant au niveau intérieur qu’au niveau mondial ».
Certes, les discussions au cours de cette rencontre alimenteront les préparatifs en cours du programme stratégique, qui continueront d’ici à l’été 2024. Il reste pourtant à voir si l’UE, secouée par les nombreuses crises auxquelles elle est confrontée, saura encore trouver des moyens de renforcer son unité.
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