La ligne de tous les superlatifs
C’est l’aboutissement d’un projet très ancien entre la France et l’Espagne. Officiellement lancée en 2008, mais imaginée il y a plus de vingt ans, l’interconnexion électrique entre Baixas dans les Pyrénées Orientales et Santa Llogaia a été inaugurée hier et entrera en service en juin prochain.
S’étendant sur 65 kilomètres, elle constitue une prouesse technologique. D’une puissance record de 2000 MW en courant continu, c’est la plus grande ligne souterraine à ce niveau de puissance. Conséquence logique, le projet bat également un record en terme de coût : il représente un investissement de 700 millions d’euros. Le prix à payer pour ne pas défigurer les paysages pyrénéens avec des pylônes haute tension.
L’Europe a décidé de financer le projet en bonne partie dans le cadre du plan de relance de 2008. L’Union européenne a ainsi octroyé une subvention de 225 millions d’euros et la Banque européenne d’investissement un prêt de 350 millions. Il s’agit d’une décision d’investissement intelligente, qui promeut à la fois la sécurité énergétique et la transition vers les énergies renouvelables.
Un projet important pour l’Union européenne de l’énergie
Alors que la Commission européenne devrait prochainement annoncer ses propositions pour relancer l’Union européenne de l’énergie, la finalisation de ce chantier constitue une réalisation concrète de bon augure. Il s’inscrit dans la volonté de la Commission européenne de faire passer le taux d’interconnexion des différents réseaux nationaux à 15%, c’est-à-dire que chaque pays soit en capacité de mettre 15% de l’énergie produite nationalement à disposition des autres Etats membres.
Le niveau de maillage du réseau européen est en effet le gage de sa solidité. Plus les interconnexions seront nombreuses moins le risque de panne sera élevé et plus la dépendance vis-à-vis de l’extérieure sera faible. Dans le contexte tendu que nous connaissons avec la Russie, principal fournisseur de gaz naturel et important fournisseur de pétrole en Europe, il s’agit là d’un enjeu crucial. La ligne résout de plus un enjeu spécifique à l’Espagne, relativement enclavée électriquement. Dépendante de la France pour l’accès au réseau européen, elle ne disposait jusqu’à aujourd’hui que de trois interconnexions conséquentes.
La nouvelle ligne est surtout un jalon sur le chemin de la transition énergétique. La production d’énergie renouvelable est en effet dépendante de conditions extérieures, qu’il s’agisse de l’ensoleillement ou du vent. En conséquence, les niveaux de production fluctuent davantage qu’avec l’énergie d’origine nucléaire ou fossile. Il est nécessaire certains jours d’exporter la production excédentaire et certains autres d’importer de l’énergie provenant des autres Etats membres dont la production serait excédentaire. Renforcer les interconnexions entre la France et l’Espagne était d’autant plus important que les mix énergétiques des deux pays sont très complémentaires. Les surplus d’énergie éolienne et solaire espagnoles pourront être exportés vers le marché européen tandis que la majeure partie du temps, la France continuera d’exporter sa production peu chère d’origine nucléaire. Une complémentarité renforcée par le fait que les pics de consommation ne se situent pas au même moment dans les deux pays (19h en France, 21h en Espagne). Comme quoi l’heure de l’apéritif a des implications bien plus grandes que l’on pourrait le croire.
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