Les Français pour une autonomie stratégique européenne
Pour le président français, le recentrage des États-Unis sur eux-mêmes, qui ne veut plus être le gendarme du monde, n’est pas qu’une “parenthèse Trump”. C’est un basculement durable. Et il compte prendre le devants. Le changement avait d’ailleurs débuté sous Barack Obama. L’ancien président américain avait lui aussi retiré des troupes américaines du Moyen-Orient en Irak, n’était intervenu en Libye qu’avec réticence et n’avait pas respecté ses propres lignes rouges sur la Syrie en 2013.
Le paradigme actuel, qui est de se reposer sur l’OTAN, donc les États-Unis, pour défendre l’Europe face à une éventuelle guerre avec la Russie, n’est plus réaliste, ni actuel. À la place, la France veut une vraie souveraineté européenne en matière de défense, et un dialogue avec la Russie.
Pour ce faire, elle envisage un effort de défense à 2% de la richesse nationale (PIB) d’ici 2025, le développement d’un avion de combat avec l’Allemagne et l’Espagne, a lancé de l’initiative européenne d’intervention et participe activement dans les programmes issues de la coopération structurée permanente.
L’Alliance, pilier de notre sécurité commune
Le discours de nos partenaires d’Europe de centrale et de l’Est est tout autre : l’OTAN est indispensable à la sécurité de l’Europe. Sans l’Alliance, elle ne saura pas se défendre face à une invasion russe, une menace crédible à leurs yeux, sans l’aide des Américains.
Ils disposent notamment de 35.000 soldats stationnés en Allemagne et ont la capacité de déployer des forces en nombre. Leur capacité de frappe est sans commune mesure avec les pays européens. À côté, la France possède moins de chars de combat qu’une division russe et aurait besoin de plusieurs mois avant de déployer 15.000 soldats à l’Est.
Pour la Pologne par exemple, la protection américaine demeure la seule option possible. Et l’attitude du président Macron est très mal vue : elle fragilise l’OTAN. Au contraire, le repli des États-Unis n’étant que temporaire et ils demeurent un Allié fiable.
La pertinence de la menace russe
L’invasion russe en Ukraine en 2014 a fait ressurgir la conviction de nombreux pays d’Europe de l’Est, que la Russie pourrait envahir les pays baltes ou la Pologne de la même manière. Néanmoins, cela semble peu probable pour plusieurs raisons : l’utilisation possible de l’arme nucléaire en rétorsion, la faiblesse économique actuelle de la Russie ou le peu d’intérêts stratégiques à envahir ces territoires. Cela n’empêche pas de ne pas s’y préparer.
Par contre, il semble bien plus pertinent pour Moscou de continuer à saper les démocraties occidentale, via des cyberattaques et des opérations d’influence, dans les élections, ou au travers de sa chaîne d’information RT, qui permettrait l’arrivée de dirigeants politiques favorable à la politique russe. Cette perspective exige une réponse forte, diplomatique et économique, et potentiellement même militaire.
L’option d’une défense européenne, alternative de l’Alliance
L’Union européenne, première puissance commerciale mondiale, qui a un PIB plus de dix fois supérieur à celui de la Russie et presque égal à celui des États-Unis, ne peut-elle pas construire une défense souveraine ? Pourtant cette question relève qu’un tabou absolu, alors qu’elle devrait être au minimum posée.
L’OTAN, ou plutôt la garantie américaine qu’elle crée, ne se justifie plus à moyen-terme. L’Europe a les moyens financiers — si non politiques — d’avoir une défense autonome. Pourquoi ne pas convenir avec les États-Unis une période de 15 ans, le temps pour l’Europe d’investir et de pouvoir se passer de l’aide américaine.
Concrètement, cela voudrait dire porter les dépenses européennes de défense entre 2% à 2.5% du PIB en 2035 (1 point de PIB de plus qu’aujourd’hui), au bénéfice de de l’industrie européenne, d’investir dans des technologies maitrisées à ce jour uniquement par les Américains (frappes dans la profondeur, renseignement, …), et se créer une plus grande indépendance pour sa politique étrangère.
L’évolution vers un nouvel équilibre entre Alliés
L’alliance entre les États-Unis et les démocraties européennes ne sera pas rompue, mais doit évoluer vers un nouvel équilibre. C’est d’ailleurs ce que les États-Unis nous demandent ! Au-delà de la Russie, les tensions avec la Turquie et l’instabilité de nombreux pays à la frontière sud de l’Europe exigent de prendre au sérieux la sécurité de l’Union européenne, un non-sujet depuis la fin de la guerre froide, qui est désormais un sujet de premier plan.
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