L’intégration européenne de la Suisse : un désaccord bien compris

, par Le Courrier d’Europe, Tom Krejci

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L'intégration européenne de la Suisse : un désaccord bien compris
Discussion entre Ignazio Cassis, à droite, et Maroš Šefčovič. © Commission européenne

Bien que située géographiquement au cœur de l’Europe, la Suisse a opté pour une intégration européenne particulière. En effet, tout en restant en dehors de l’Union européenne (UE), la Suisse a cultivé des liens étroits avec le reste de l’Europe à travers plusieurs accords bilatéraux.

Ces accords ont couvert divers domaines tels que l’économie, la recherche, la mobilité, et ont contribué à façonner la relation complexe de la Suisse avec les institutions européennes. En 2023, deux ans après avoir mis fin aux négociations d’un accord cadre, la Suisse a opté pour une relance ces même négociations avec l’Union européenne. L’UE vise à convenir d’un accord sur une coopération plus étroite avec la confédération helvétique d’ici la fin de l’année.

L’intégration européenne suisse, une histoire qui fait date

La Suisse occupe une place significative dans l’intégration européenne grâce à son adhésion à l’Association européenne de libre-échange (AELE), aujourd’hui aux côtés de l’Islande, de la Norvège et de son voisin, le Liechtenstein. Il faut toutefois rappeler que plusieurs autres pays européens étaient membres de cette association, notamment le Royaume-Uni, le Danemark ou encore la Suède qui ont tous les trois fait le choix de finalement rejoindre l’Union européenne.

D’une part, l’AELE, une organisation indépendante de l’UE, vise principalement à favoriser le libre-échange entre ses membres et avec l’UE. Aujourd’hui, et depuis le départ du Royaume-Uni qui lui a préféré une adhésion à l’Union, la Suisse est un acteur majeur de l’AELE. Par le biais d’accords bilatéraux, la Confédération bénéficie d’un accès privilégié au marché unique de l’UE tout en conservant son autonomie politique, notamment en préservant l’usage du franc suisse. D’autre part, bien qu’étant géographiquement au cœur de l’Europe, la Suisse a choisi de rester à l’extérieure de l’Union. Bien que les accords bilatéraux offrent des avantages économiques, certains estiment qu’ils impliquent des compromis, limitant l’influence de la Confédération dans les décisions de l’UE, qu’elle est obligé d’appliquer pour préserver ces mêmes accords. Le paradoxe découle ainsi de l’importance que la Suisse accorde à sa souveraineté nationale. Cette priorité entre évidemment en conflit potentiel avec les demandes d’une intégration plus profonde à l’UE.

Le fait que la Suisse fasse partie de l’AELE, et qu’elle entretient des liens étroits avec l’UE sans pour autant être membre, met en lumière les paradoxes de son intégration européenne. Elle bénéficie des avantages économiques du marché unique tout en préservant son indépendance politique, jonglant ainsi entre la souveraineté nationale et les avantages d’une intégration plus poussée dans l’UE. Ce choix met en évidence la complexité des défis auxquels la Suisse est confrontée en matière d’intégration européenne.

Les relations politiques avec l’Union européenne : tensions et (des)accords

La Suisse peut maintenir cette relation singulière avec l’Union malgré son statut de pays non-membre, notamment grâce à plusieurs accords bilatéraux. Les Accords bilatéraux I et II étant les plus significatifs.

Les Accords bilatéraux I, en vigueur depuis 2002 après leur signature en 1999, couvrent des secteurs tels que la libre circulation des personnes avec l’accord sur la libre circulation des personnes (ALCP), les transports aériens, l’agriculture, la recherche et les marchés publics. Ces accords permettent à la Suisse de participer à certains aspects du marché unique de l’UE sans être membre, favorisant ainsi des liens principalement économiques renforcés entre la Suisse et l’UE.

Les Accords bilatéraux II, entrés en vigueur en 2009 après leur conclusion en 2004, ont élargi la coopération entre la Suisse et l’UE. Ils ont principalement abordé des sujets comme la sécurité intérieure, l’environnement, la fiscalité et la participation suisse à des programmes de recherche et de formation européens. Malgré les avantages économiques et de coopération permis par ces accords, ceux-ci suscitent des débats en Suisse. Certains partisans à davantage d’intégration européenne estiment que ces accords ne permettent pas à la Suisse d’influer suffisamment sur les décisions de l’UE, contrairement à une adhésion complète qui offrirait une plus grande influence sur les directives et règlements européens. Au contraire, certains opposants à l’adhésion craignent que cette dernière n’affaiblisse la souveraineté helvétique ne et contraint le pays à adopter des réglementations européennes sans possibilité de participation à leur élaboration. Ainsi, les Accords bilatéraux I et II sont des piliers des relations Suisse-UE, permettant à la Suisse de participer partiellement au marché unique européen, tout en préservant son indépendance politique. Ces accords illustrent les défis et compromis que la Suisse doit administrer pour maintenir une relation étroite avec l’UE sans devenir membre à part entière.

Un froid dans l’adhésion, une étincelle dans les négociations ?

Le Conseil fédéral suisse avait annoncé qu’un mandat de négociation avec l’Union européenne (UE) serait prêt avant la fin de l’année 2023, deux ans après la fin abrupte des négociations de l’accord-cadre.

En 2021, la Suisse avait mis fin aux négociations de l’accord-cadre avec l’UE, créant ainsi des tensions entre le pays et l’Union. La reprise des négociations en 2022 concerne des accords potentiels dans des domaines tels que l’électricité, la réglementation financière et la recherche scientifique. Le Conseil fédéral essaie aujourd’hui de relancer la reprise des négociations, mais des dissensions politiques internes pourraient compliquer la recherche d’un consensus. Les négociations impliquent des discussions avec l’UE et des négociations internes pour construire des coalitions politiques favorables.

La visite d’Emmanuel Macron fin 2023 en Suisse a visé à « réaffirmer la profondeur des liens » avec la France, mais également avec l’Union européenne. Pour rappel, la visites officielle française prenaient place dans des relations franco-helvétiques au plus bas, refroidies après la décision de Bern d’acheter des avions de combat américains, au détrimenet de l’équipement militaire franco-européen. Malgré cela, il faut toutefois rappeler que plus de 69% des importations suisses viennent de l’UE, et 50% des exportations suisses sont destinées à l’UE…de quoi motivé les deux parties à trouver un nouvel élan dans les négociations de l’accord-cadre.

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