L’incendie de la cathédrale de Reims : Des étudiants au secours d’un tableau oublié

, par Cyrille Amand

L'incendie de la cathédrale de Reims : Des étudiants au secours d'un tableau oublié
L’incendie de la cathédrale de Reims a fait la une des journaux et a ému la communauté internationale. - невідомий (CC/Wiki).

L’incendie de la cathédrale de Reims, toile d’Enders, fait l’objet d’un projet de mécénat et de restauration, mené par des étudiants. Souvenir du martyre de la ville de Reims pendant la Première Guerre mondiale, la toile incarne également l’espoir d’une réconciliation entre les deux belligérants de l’époque.

« Excellence, le chancelier Adenauer et moi-même venons dans votre cathédrale sceller la réconciliation de la France et de l’Allemagne ». C’est en ces termes que Charles de Gaulle s’adressait à monseigneur Marty, archevêque de Reims, le 8 juillet 1962. Un peu plus de cinquante ans plus tard, toujours à Reims, c’est un projet original qui vient faire revivre cet esprit de paix et d’espoir : la restauration d’un tableau oublié par des étudiants de Sciences Po.

« Le plus grand musée de France »

Le nom du projet, « Le plus grand musée de France », placé sous le haut patronage du président de la République, intrigue. Il part pourtant d’un constat assez simple. Les communes de France sont riches de milliers d’objets d’art souvent méconnus. L’ensemble de ces trésors constitue le plus grand musée de France. La plupart de ces œuvres se trouvent dans les églises et les chapelles des communes. Elles ne sont cependant pas toujours mises en valeur, et nécessitent souvent une restauration. L’objectif du « plus grand musée de France » est donc de repérer ces œuvres et de chercher du mécénat pour permettre leur restauration, afin qu’elles puissent de nouveau être exposées. Cette campagne vise à faire connaître le patrimoine et son intérêt au grand public, tout en donnant envie d’aller le voir et de le partager.

Le projet associe l’expérience de l’association La Sauvegarde de l’Art Français et la motivation des étudiants des différents campus de Sciences Po dans une logique de transmission mais aussi d’apprentissage. Très formateur, ce projet permet aux jeunes d’acquérir de nouvelles compétences, mais il offre surtout la possibilité aux étudiants de ces régions de s’approprier leur patrimoine et de devenir des ambassadeurs pour ces œuvres. « Lorsque l’on est amoureux, on voudrait que tout le monde le soit » s’exclame Olivier de Rohan-Chabot, le président de la Sauvegarde de l’Art Français. Les étudiants du campus de Reims sont, eux, « tombés amoureux » d’une toile du peintre Jean Enders, intitulée « l’incendie de la cathédrale de Reims » et exposée (plus précisément, posée à terre contre un mur dans le fond) dans l’église Saint-Maurice.

L’incendie de la cathédrale de Reims , ou la cathédrale martyre

La peinture représente la scène déchirante du Christ en croix. La position de la tête et du buste très en dessous de l’axe horizontal de la croix, souligne le poids du corps mourant du Christ. Joseph Dassonville décrit le tableau en 1918 dans le magazine Revues : « C’est un grand Christ très humain par une douleur atroce et par les fatigues endurées. Sur le ciel très bas où se détache la croix, court la fuite pressée des nuages livides, et dans le lointain, flambant comme une torche, la cathédrale se profile dans les flammes et la fumée au milieu de trophées de deuil ». Il s’agit de l’incendie du 19 septembre 1914. L’oeuvre aurait été peinte dans les semaines, voire même dans les jours qui suivirent le sinistre.

Peu après le début de la Première Guerre mondiale, les Allemands s’emparent de la ville de Reims. Ils n’y resteront que sept jours. Le 13 septembre 1914, les Français reprennent la « cité des sacres ». Cependant, l’armée allemande s’est retranchée dans les environs de la ville, qu’elle bombardera sans relâche à compter de ce jour, et détruira à plus de 80%. Le 19 septembre, 25 obus atteignent la cathédrale. Un échafaudage placé sur la tour nord prend feu. Les vitraux explosent, la charpente s’effondre, le plomb fond et coule par les gargouilles.

La cathédrale de Reims devient dès lors la « cathédrale martyre », symbole national, et nouvel objet d’une guerre idéologique contre l’Allemagne. « Ils se sont couverts d’une infamie immortelle et le nom allemand est devenu exécrable à tout l’univers pensant. Qui donc, sous le ciel, peut douter maintenant qu’ils sont les barbares et que nous combattons pour l’humanité ? », écrira Anatole France (Le martyre de Reims, Je sais tout n°118, p. 242). La toile d’Enders évoque ainsi la mort en associant le martyre de Reims et de sa cathédrale, à la crucifixion du Christ.

L’espoir de la réconciliation franco-allemande

Cependant, Enders a peint une percée de lumière autour du visage du Christ qui, bien qu’elle demeure dans une tonalité assez froide, délivre un message d’espoir. L’espoir de la réconciliation de deux peuples. « L’œuvre est intéressante à plusieurs égards, nous explique Isabelle Vestris, coordinatrice du projet. L’un d’eux est précisément ce message d’espoir. En effet, si l’artiste représente le double martyre du Christ et de la cathédrale, qui sera repris et instrumentalisé par le camp français comme objet de propagande de guerre, il ne s’y arrête pas et va plus loin. Il peint aussi l’espérance d’une paix partagée par l’Europe entière. » Même si le traité de Versailles ne prendra pas cette direction.

Si la réconciliation de la France et de l’Allemagne n’a pas eu lieu après la Première Guerre mondiale, des aspirations à une paix durable ont donc eu le mérite d’exister. Alors que les commémorations du centenaire de la guerre battent leur plein, c’est aussi un des aspects du tableau que les étudiants de Sciences Po ne souhaitent pas ignorer en sauvant ce trésor. L’œuvre est très endommagée : le support de la peinture la couche picturale demandent une restauration urgente.

Pour plus d’informations ou pour faire un don : Le plus grand musée de France.

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