L’extrême-droite autrichienne ne file plus droit

, par Louis Brand

L'extrême-droite autrichienne ne file plus droit
Alexander Van der Bellen au Parlement européen le 14 févroer 2017 / © European Union 2017 - European Parliament

« Le plus gros concurrent dimanche sera le canapé (…) si la démocratie libérale vous tient à cœur, alors allez voter », tels sont les mots d’Alexander Van der Bellen, chef d’État autrichien, le vendredi 7 octobre, lors de la fin de la campagne présidentielle. Ce rendez-vous politique était très attendu suite à l’élection présidentielle de 2016, marquée par un sursaut nationaliste et ayant pratiquement conduit l’extrême-droite à la fonction présidentielle.

Les Autrichiens sont bel et bien sortis de leur salon, permettant au Président sortant Alexander Van der Bellen d’être réélu dès le premier tour. Âgé de 78 ans, l’écologiste a réuni 56% des suffrages, loin devant les autres candidats. L’attente des résultats n’a pas été marquée par la même fièvre que lors des précédentes élections de 2016. Il faut dire que les solutions alternatives à une reconduction du Président n’ont pas fait grand bruit, si ce n’est le candidat du Parti de la Bière, Dominik Wlazny. Connu sous son nom de scène Marco Pogo, le chanteur punk a construit son programme autour du réchauffement climatique, de la transparence et du breuvage sacré, proposant d’installer des fontaines… à bière dans la capitale autrichienne. Faisant le pari de l’humour, Domink Wlazny a réuni plus de 8% des suffrages aux élections présidentielles, et a même gagné 10 sièges au sein des arrondissements viennois.

L’extrême-droite, seule menace réelle à la reconduction du Président sortant n’a pas su s’imposer comme elle l’avait fait en 2016. Incarnée par le candidat du Parti de la Liberté (FPÖ) Walter Rosenkranz, les résultats n’ont pas été à la hauteur des espérances nationalistes.

Quand l’Europe sombre dans l’extrême-droite, l’Autriche s’en émancipe

Contrairement à la tendance européenne actuelle, ces élections ont été marquées par le recul de l’extrême-droite. Traditionnellement ancré dans le paysage politique autrichien, le parti nationaliste FPÖ recueille « seulement » 15% des voix, alors qu’il avait fait respectivement 35% et 46% au premier et second tour des élections présidentielles de 2016, frôlant de peu la victoire. Ces élections avaient été l’objet d’une grande attention de la part des médias européens et internationaux, en cela qu’elles témoignaient d’un progressif basculement des démocraties européennes vers le national-populisme.

Pour rappel, la République fédérale autrichienne est un régime parlementaire dans lequel le Président de la République, élu au suffrage universel direct, dispose de pouvoirs importants. La République alpine est traditionnellement le plus conservateur des pays d’Europe occidentale. En 2000, la coalition noire-bleu, rassemblant le Parti populaire autrichien conservateur (ÖVP) et l’ultra-nationaliste Parti de la liberté (FPÖ), permet contre toute attente à Wolfgang Schüssel d’accéder à la chancellerie. L’Union Européenne avait aussitôt réagi en plaçant l’Autriche sous « surveillance » et en rompant toute rencontre avec le gouvernement autrichien. En 2017, le parti nationaliste FPÖ avait de nouveau intégré le gouvernement en coalition avec l’ÖVP, propulsant le conservateur Sebastian Kurz à la chancellerie fédérale. Mais accusée de détournement de fonds publics et de rapprochement avec des oligarques russes, la coalition s’effondre et le gouvernement est renversé par une motion de censure en 2019.

Victime de ces scandales et représentée par un candidat inconnu du grand public, l’extrême-droite autrichienne n’a pas su retrouver sa ferveur d’antan, aussi bien lors des élections présidentielles que des élections locales.

Le profil atypique d’un Président populaire

Agnostique et marié deux fois, Alexander Van der Bellen incarne une « troisième voie », en rupture avec le traditionnel conservatisme religieux du petit pays alpin. Fils d’aristocrates germano-russes aux origines néerlandaises, il acquiert la nationalité autrichienne en 1958 et entame sa carrière politique dans les années 1970 au sein du Parti socialiste d’Autriche (SPÖ). Mais c’est au sein du parti des Verts que la carrière politique du Président autrichien décolle, ce dernier ayant été le porte-parole du parti pendant 11 ans.

Profondément européen et écologiste, Van der Bellen fait gage de stabilité dans un contexte énergétique et économique tumultueux. Malgré les crises politiques et sanitaires ayant secoué son précédent mandat, le Président autrichien jouit d’une forte popularité. Selon la politologue Julia Partheymüller, Alexander Van der Bellen est perçu comme “quelqu’un de sérieux, d’intègre, de fiable face à d’autres candidats qui ont une image plus radicale”. Le Président s’engage ainsi pour un nouveau mandat de six ans, sous le signe de la sérénité et de la clarté.

L’Autriche, entre tradition et modernité

Si l’extrême-droite a recueilli un résultat anormalement bas à l’élection présidentielle, on ne peut pas parler d’une victoire de la gauche. En effet, le chancelier fédéral Karl Nehammer et le Président du Nationalrat, qui est la chambre basse de l’Assemblée fédérale, sont tous deux membres de l’ÖVP, le parti chrétien-démocrate. Le gouvernement, quant à lui, rassemble l’ÖVP et Les Verts au sein d’une coalition qui témoigne finalement assez bien de l’identité autrichienne ; à la fois moderne et innovante concernant la transition écologique, mais aussi très attachée à ses traditions religieuses.

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