Parlons culture
Lors de son discours dans l’amphithéâtre de la Sorbonne le 26 septembre 2017, Emmanuel Macron déclare que « le ciment le plus fort de l’Union sera toujours la culture et le savoir » [1] et propose la création d’universités européennes et l’élargissement des programmes d’échanges au système secondaire et à la formation professionnelle.
Certes, ces propositions sont encourageantes et honorables car bien qu’il soit déjà possible d’effectuer un cycle complet d’études supérieures dans un autre pays européen en dehors d’un programme d’échange, l’exercice reste relativement rude car il n’existe pas de véritable coopération à l’échelle européenne. Dans un pays autre que celui d’origine, la plupart des aides sociales restent inaccessibles car il faut posséder la nationalité du pays d’accueil et il n’existe pas non plus d’aide financière généralisée de l’Union européenne dans ce cas. Les universités européennes pourraient donc remédier à cette carence mais est-ce bien suffisant pour constituer une véritable « politique culturelle européenne » ?
Bien que l’absence d’une politique culturelle au niveau européen ne soit pas récente, [2] je suis à titre personnel surpris de constater qu’il n’existe pas même une direction générale dédiée à la culture. En novembre 2004 lors de son discours à Berlin, José Manuel Barroso - alors nouveau Président de la Commission européenne - déclara : « We are entering a new, challenging, but also delicate, phase for Europe and for our Union. The questions of what Europe can do for culture, and what culture can do for Europe are not new. But in this context, they have acquired a new sense of urgency ». [3] Si la culture est donc considérée au plus haut niveau comme primordiale pour la cause européenne, la création d’une direction générale pour la culture dotée d’un budget honorable et d’un cadre juridique favorable devrait alors s’imposer.
Faisons culture
Alors que le but affiché est de favoriser la fraternité européenne voire même la création d’une identité européenne, le Brexit est là pour rappeler qu’il est vain de croire que les réformes institutionnelles et économiques y parviendront. Cependant, même si des textes appellent à une politique culturelle européenne, comment l’articuler puisque la culture reste malheureusement une prérogative nationale ? [4]
En effet, les Etats pemembres restant très attachés à la culture et réfractaires à toute perte de souveraineté dans ce domaine, l’Union européenne - et en particulier la Direction Générale à l’éducation, jeunesse sport et culture - n’a donc « qu’une compétence d’appui » encadrée par « une stricte subsidiarité ».
Comment donc souhaiter ardemment un réel sentiment d’adhésion populaire dans les institutions européennes lorsque sans projet culturel européen, il ne peut y avoir d’identité européenne et donc de solidarité entre européens. Bien que près de deux tiers des exportations allemandes se font vers d’autres pays de l’Union européenne, les citoyens allemands se déchirent sur les questions de solidarité financière avec l’Europe alors que cette même solidarité entre Länder ne provoque aucun débat, même en Bavière. Le sentiment d’appartenance et l’identité culturelle constituent donc bien un levier fort puissant - au même titre que l’union douanière – lorsque l’on souhaite accomplir une intégration économique et politique réussie.
Une politique culturelle subsidiaire pour un sujet secondaire ? La culture est le ciment le plus solide de l’Europe et celle-ci ne peut se contenter d’être complémentaire avec un budget dérisoire à la politique culturelle des Etats membres. Les conséquences sont déjà profondes et freinent grandement l’avancée de la construction européenne. Cette question doit être abordée comme un besoin vital, car lorsque les crises financières séparent les peuples et accroissent les inégalités, le refuge dans les valeurs communes se manifeste et ressoude les liens de fraternité. « For me, Europe is more than just a single market. More than money, more than a currency, more than the euro. It was always about values. » Jean-Claude Juncker. [5]
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