L’Europe, pionnière et leader des énergies propres ?

Un article de la série « énergies en Europe : un état des lieux »

, par Théo Boucart

L'Europe, pionnière et leader des énergies propres ?
Crédit : Pixabay

ANALYSE. Le Taurillon inaugure une nouvelle série consacrée aux énergies en Europe. 2020 ayant été une année charnière pour les objectifs climatiques et de transition énergétique de l’Union européenne, il est nécessaire de dresser un état des lieux de la production et consommation de l’énergie sur ce continent très dépendant des importations et marqué par les nouvelles dispositions du Pacte Vert.

Paquets énergie (à ne pas confondre avec « paquets climat-énergie »), Union de l’énergie, Plans nationaux intégrés énergie-climat, Pacte Vert pour l’Europe, stratégies pour l’hydrogène propre… Vous n’y comprenez rien dans cet entrelacs de notions plus ou moins claires ? C’est normal, la politique énergétique de l’UE est difficile à comprendre, de par l’aspect très technique de l’énergie et de la position inconfortable de l’Union européenne vis-à-vis des États membres, très jaloux de leur souveraineté dans le domaine.

Malgré cela, force est de constater que l’UE développe une politique de plus en plus autonome, et ce depuis la fin des années 2000 avec le vote du premier paquet climat-énergie en 2008. Instituant pour l’année 2020 des objectifs contraignants de réduction des gaz à effet de serre, de développement de l’efficacité énergétique et des énergies renouvelables, cet ensemble de mesures a permis à l’UE et ses institutions de se poser en pionnier et en leader de la transition énergétique, en dépit de sa faible capacité diplomatique sur la scène internationale. Des objectifs qui ont été globalement atteints au niveau européen (-24% d’émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2020, 23% d’énergies renouvelables dans le bouquet de l’UE). Au niveau national, les progrès sont très hétérogènes : la France est ainsi le pays le plus en retard sur ses objectifs de développement des énergies renouvelables.

Pourtant, l’on ne saurait établir un panorama complet de la situation énergétique sans parler des autres sources d’énergie, en l’occurrence des hydrocarbures et du nucléaire.

L’Europe toujours très dépendante des importations d’hydrocarbures

Ce qui caractérise particulièrement l’Europe dans sa situation énergétique, c’est sa dépendance aux énergies fossiles, en particulier les hydrocarbures (gaz naturel et surtout pétrole). Au total, l’UE importe 55% de son énergie, dont plus 70% de gaz naturel et 90% du pétrole. Ces chiffres diffèrent également d’un pays à l’autre. Ainsi, certains pays d’Europe centrale et baltique sont dépendant à 100% du gaz russe. D’autres pays (souvent les mêmes d’ailleurs) sont encore très dépendants au charbon, une source d’énergie particulièrement polluante. L’Allemagne est ainsi un des pays du continent les plus friands de ce minerai.

Cette situation de dépendance est non seulement de plus en plus flagrante (les réserves domestiques d’hydrocarbures, surtout en mer du Nord, s’amenuisent à vue de nez) mais aussi problématique d’un point de vue géopolitique. En effet, la plupart des pays exportateurs souffrent de problèmes structurels de gouvernance (Algérie, Asie centrale) ou sont des dictatures, parfois totalitaires (Russie, pays du Golfe arabo-persique). Le besoin d’indépendance énergétique de l’UE revêt un caractère à la fois économique et politique.

Nette progression des énergies renouvelables

Une des solutions à cette dépendance extérieure serait de développer des sources énergétiques domestiques, en particulier les énergies renouvelables. A l’heure actuelle, les principales sources sont l’hydraulique (surtout dans les régions montagneuses), l’éolien et le solaire, mais également la biomasse ou encore la géothermie. En fonction des régions d’Europe, le bouquet énergétique renouvelable diffère : l’énergie photovoltaïque est surtout présente en Europe du Sud, ensoleillée, alors que l’éolien onshore et offshore se développent en particulier sur les côtes des mers de l’Europe du Nord. Au centre, l’Allemagne concentre de nombreuses énergies renouvelables en importante quantité, il suffit de se promener à travers les différentes régions pour se rendre compte de la forte présence des éoliennes et des panneaux photovoltaïques.

D’aucuns pensent toutefois que ces énergies ne seraient pas rentables et souffriraient de nombreuses lacunes, les plus importantes étant l’intermittence et les faibles capacités de stockage. Pourtant, de nombreuses études montrent que les renouvelables connaissent actuellement un essor considérable et seraient de plus en plus intéressantes financièrement. Selon l’IRENA (l’agence internationale des énergies renouvelables), les coûts de capacité se réduisent de 14% et 21% pour l’éolien en mer et en terre, de 30% pour le solaire à concentration, et de 35% pour le photovoltaïque, chaque fois que leur capacité double dans le monde entier. Les pouvoirs publics accompagnent également cette évolution, l’Union européenne ayant adopté à la fin 2019 une taxinomie des investissements durables, quelques mois après que la Banque européenne d’investissement (BEI) a décidé de bannir les hydrocarbures des projets qu’elle finance.

Toutes ces incitations publiques permettent une belle envolée des énergies renouvelables dans l’UE : pour la première fois en 2020, la production d’énergies renouvelables a dépassé celle issue des énergies fossiles (38% pour les premières, contre 37% pour les dernières). L’éolien semble particulièrement bien adaptées aux côtés venteuses du Vieux Continent. Le bouquet électrique européen est également 30% moins carboné qu’il ne l’était en 2015, année de la signature de l’Accord de Paris sur la protection du climat.

Le nucléaire au cœur de la controverse

Pourtant, une énergie a bien du mal à trouver sa place entre les hydrocarbures polluants et les énergies renouvelables en pleine expansion, mais confrontées à de vraies difficultés : le nucléaire. Véritable énergie miracle pour les uns (dû au fait qu’elle émet encore moins de gaz à effet de serre que certaines sources renouvelables), danger public pour les autres, surtout à mesure que les centrales vieillissent, l’atome ne laisse personne indifférent en Europe. La France et la Belgique en sont très dépendants, surtout dans le bouquet électrique (près de 80% de l’électricité française en provient), alors que le voisin allemand compte fermer ses dernières centrales l’année prochaine. L’Autriche et le Luxembourg sont également très hostiles à cette source d’énergie.

Au niveau européen, cela n’est pas sans poser de problème. La question du nucléaire s’est posée en des termes plutôt conflictuels pour la taxinomie des investissements durables : alors que la France voulait absolument voir l’atome figurer parmi la liste, les pays anti-nucléaires ne voulaient pas en entendre parler. Au final, la version adoptée par les institutions européennes courant 2020 ne résout qu’assez peu le problème, puisque l’énergie nucléaire pourrait, à terme, être considérée comme durable. Il faut dire que cette dernière représente une alternative à la fois décarbonée et domestique aux hydrocarbures fossiles, mais ne saurait être considérée comme « durable », eu égard aux nombreux déchets que les centrales laissent sous terre. Quant à la fusion nucléaire, elle ne semble pas, d’un point de vue technologique, être opérationnelle pour le moment.

La mise sur l’innovation bas-carbone

Outre le fait qu’elle induise une révolution dans nos modes de production et de consommation, la transition énergétique doit être une révolution technologique. L’Union européenne l’a compris assez tôt, puisque dès le milieu des années 2000, celle-ci a lancé le plan stratégique pour les technologies énergétiques (SET-Plan), intégré plus tard à l’Union de l’énergie afin de créer plus de synergies entre les aspects technologiques et politiques de la transition énergétique. Ce plan permet d’identifier des technologies énergétiques très prometteuses, grâce à l’alliance européenne pour la recherche énergétique (EERA) et les communautés de la connaissance et de l’innovation (KIC). Concernant la recherche dans les énergies propres, l’UE se fait en effet de plus en plus concurrencer par les États-Unis et la république populaire de Chine.

Aux côtés de l’innovation technologique, l’un des enjeux cardinaux pour l’Europe dans la transition énergétique est sa capacité à influencer la scène internationale et d’user une diplomatie énergétique efficace. Alors que l’expression « diplomatie énergétique » est de plus en plus usitée par les institutions européennes, les actes ne suivent pas le verbe, l’UE poursuivant actuellement au mieux une action énergétique extérieure encore peu politisée, sauf dans le cas du controversé Nord Stream II qui doit acheminer du gaz naturel de Russie vers l’Allemagne. L’Union doit ainsi développer son influence dans le domaine énergétique, et notamment les nouvelles énergies, afin de s’affirmer comme un acteur innovant de premier plan dans la mondialisation.

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