Le Taurillon : l’Union européenne a donné son feu vert pour déplacer 160 000 réfugiés provenant d’États membres subissant une très forte pression migratoire. A ce jour moins de 1000 personnes pouvant prétendre au droit d’asile ont été transférées. Qui est responsable de l’échec de ce relogement ? Les États membres ou bien la Commission Européenne ? Qu’en pensez-vous ?
Julian Lehmann : Dans le domaine de la politique européenne des réfugiés, je vois la Commission comme un acteur progressiste en général. Elle fait beaucoup de propositions constructives, qui sont souvent sabotées dans les détails lors des négociations avec les États membres. En ce qui concerne le transfert il y a quantité de raisons pour lesquelles les chiffres sont aussi restreints pour le moment. Le nombre de places formellement confirmées n’atteint pas la barre des 4000. Il y a des pays qui n’acceptent pas les personnes de certaines nationalités. Les États membres prennent beaucoup de temps à répondre aux demandes de relogement et refusent simplement les « candidats » sans justification. Mais voici le problème principal avec le relogement : le mécanisme n’est pas prévu pour les nombres élevés que l’on voit au quotidien. Plus de 100 000 personnes arrivent en Grèce chaque mois – on a besoin de main d’œuvre et de suffisamment de possibilités pour accueillir les personnes correctement pendant une demande de relogement. Mais ces deux critères ne sont pas réunis. Jusqu’à aujourd’hui il y a simplement eu la possibilité de voyager individuellement, ce que la plupart des demandeurs d’asile ont effectué.
Le Taurillon : On observe de nombreux réfugiés qui se rassemblent à proximité de la ville grecque d’Idomeni près de la frontière macédonienne, plutôt que de voyager vers les zones à risques pour effectuer leur demande d’asile au sein de l’UE. Est-ce que le relogement échoue à cause des réfugiés eux-mêmes ?
Julian Lehmann : Les zones à risques ont été instaurées pour les demandeurs d’asile avec un fort taux de reconnaissance – 75% et au-delà - elles n’ont pas été prévues en tant que centres d’accueil pour tous les demandeurs d’asile. Le relogement sera seulement une alternative au voyage individuel si les ressources augmentent significativement. Mais il n’y a aucune volonté politique à ce sujet, en partie parce que chacun se concentre sur la coopération avec la Turquie. Malgré les doutes concernant la légalité de cette coopération : dans chaque cas de figure, un programme de rapatriement nécessite une grande quantité de personnes depuis les États membres jusqu’en Grèce et les États membres ont déjà suffisamment de soucis à régler afin de mobiliser le personnel nécessaire sur leur sol. On a donc un conflit d’intérêts en ce qui concerne la coopération avec la Turquie et le relogement des réfugiés.
Le Taurillon : À Idomeni on entend souvent dire : « On veut aller en Allemagne ! » D’où vient cet engouement pour l’Allemagne ?
Julian Lehmann : Une grande partie de cet attrait vient du bouche à oreille. Les gens ont une famille et des amis en Allemagne. Ils ont des smartphones et ils peuvent se renseigner. Non seulement on reconnait de meilleures perspectives économiques en Allemagne mais cette dernière fait également office de modèle envers les autres États membres, en prônant que l’Europe dans son ensemble peut mieux faire et en encourageant une politique plus humanitaire. Par le passé le système d’asile en Allemagne a été - et demeure encore aujourd’hui - meilleur que dans la plupart des autres États membres. On peut identifier l’ensemble de ces éléments, mêmes s’ils sont déformés car les conditions se sont dégradées en Allemagne. Désormais on trouve de meilleures conditions d’accueil des réfugiés dans les pays d’Europe de l’Est, avec de bonnes chances d’intégration économique – en partie parce qu’au total seulement un faible nombre de personnes arrive là-bas.
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