La paix n’est jamais acquise et ne va pas de soi.
C’est une erreur majeure de penser que l’Europe de la paix est obsolète. Doit-on rappeler que depuis le traité de Verdun (et on est gentil de ne pas remonter plus loin que cela...), l’Europe a été incapable de passer 30 ans sans se battre et se haïr ? Et que ce cycle de violence et de défiance fut brisé grâce à la prolifération du droit international public et d’organismes comme le Conseil de l’Europe et l’Union européenne ?
De nos jours, lorsque deux États ont un différend, ils vont devant une Cour au même titre que deux individus qui ont un contentieux de voisinage. Il est regrettable que la valeur de cette innovation soit mésestimée. Pourtant on sait tous que construire une relation affectueuse et de confiance est tellement difficile là où détruire et haïr est un jeu d’enfant.
Mais regardons un peu ce qu’il se passe ailleurs, en Asie par exemple, où certains pays qui jouissent d’une certaine prospérité économique (en acte ou en devenir) vivent toujours dans un milieu géopolitique tendu. Ainsi la Corée du Sud & le Japon ne sont pas amis malgré leur prospérité économique indéniable, victimes des séquelles de la Seconde Guerre Mondiale qu’ils n’ont toujours pas réussi à dépasser. Le Japon est techniquement toujours en guerre contre la Russie. Devant la peur du progrès chinois, il envisage de réviser sa Constitution pacifique imposée jadis par les américains. La région tremble souvent face à l’hypothèse du danger nucléaire venant de la Corée du Nord. Je pense sans aucune prétention que beaucoup de pays asiatiques peuvent envier le contexte géopolitique européen.
La paix n’est pas qu’inter-étatique.
On fait aussi l’erreur de penser que la paix n’est qu’une affaire intergouvernementale. Or toutes les persécutions, massacres et exactions dont ont été victimes certaines catégories de population tout au long de l’histoire de l’Europe, qu’elles soient juives, protestantes, homosexuelles etc., nous rappellent que les enjeux de paix ne sont pas qu’intergouvernementaux mais qu’ils concernent également les relations entre les États et les individus. L’État de droit, c’est-à-dire le principe selon lequel l’action étatique doit être soumise à des limites juridiques, est un élément clef de la pacification des relations États-individus pour protéger ce dernier de l’arbitraire au même titre que la démocratie et les droits de l’Homme, dont la négligence a engendré les drames que l’on connaît tous. Or ces principes ne vont pas de soi non plus.
Les dérives autoritaires sont tellement faciles. Les récentes discussions autour de la surveillance l’illustrent bien. La région des Balkans et la plupart des pays de l’Europe de l’est montrent que la mise en place de l’État de droit n’est pas chose aisée et qu’il s’agit d’un travail laborieux. Le travail incessant du Conseil de l’Europe, de l’UE et de certaines ONG issues de la société civile montre que l’idéal de paix sociale entre l’intérêt public et l’intérêt privé peut être indéfiniment confortée.
Alors chers amis européens, n’ayons pas la mémoire courte. Ne crachons ni sur le passé, ni sur l’extraordinaire. Bien conscients du fait que l’Europe pacificatrice n’est pas suffisante pour mobiliser nos concitoyens, ne laissons cependant pas les considérations économiques et utilitaristes marginaliser les considérations pacifiques présentes et futures. L’Europe n’a pas toujours été la paix, loin de là. Elle ne va absolument pas de soi. La paix est un travail éternel qui constitue la matrice de notre vivre-ensemble.
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