En février 1952, quelques mois seulement avant l’entrée en vigueur du traité de Paris, qui institua la Communauté européenne du charbon et l’acier (CECA), la reine Elizabeth II accède au trône. Celle qui a assisté à l’entièreté de la construction européenne l’aura également rythmée, bien que de manière discrète, par ses différentes interventions publiques.
L’Europe, “l’idéal de la liberté” d’Elizabeth II
Elizabeth II a toujours montré son attachement pour le projet européen. À la suite de la signature des traités de Rome (instituant les Communautés européennes) en 1957, la souveraine, en visite officielle en France, qualifiait l’Europe comme “l’idéal de la liberté”... Sans pour autant pouvoir en être membre, puisque son voisin outre-Manche maintenait un veto à l’entrée du Royaume-Uni dans la Communauté économique européenne.
Un premier virage s’opère quinze ans plus tard, en mai 1972, lors de sa visite à Paris. Le Président Georges Pompidou venait de lever le véto, apaisant ainsi les relations franco-britanniques. Il n’en fallut pas plus pour que la monarque britannique mentionne le "destin de l’Europe [qui] a coulé à travers Londres et Paris, comme y coule la Tamise et la Seine. Avant d’ajouter : “Je ne doute pas que ces deux grandes cités différentes par bien des aspects mais qui sont attachées aux mêmes valeurs et partagent les mêmes espérances, continueront toujours à exercer leur influence sur l’orientation et les caractères du progrès européen”. Au cours de ses différentes visites officielles sur le Vieux Continent (dont cinq en France), elle n’a jamais tari de compliments pour désigner la construction européenne.
Elizabeth II, cheffe d’État européenne
C’est sans nul doute à Strasbourg, en 1992, qu’Elizabeth II a prononcé son discours le plus marquant sur l’Europe. Alors que venait d’être signé le Traité de Maastricht, la parole de la monarque, bien que théoriquement politiquement neutre, était particulièrement attendue. Drapée du “bleu européen”, la monarque britannique franchit les portes du Parlement européen (qui siégeait alors encore au sein du Palais de l’Europe), avant d’entamer son discours à la tribune en citant Churchill et Monnet.
Préparée en collaboration avec le 10 Downing Street et le Foreign Office - le ministère des Affaires étrangères britanniques -, l’allocution devait indiquer le cap que le Royaume-Uni allait prendre à la tête du Conseil de l’Union européenne (à l’époque Conseil de la Communauté européenne) à partir du mois de juillet.
Se félicitant de “[l’]équilibre nécessaire qui est ressorti [du traité] de Maastricht”, Elizabeth II appela à “renforcer la capacité des Européens d’agir sur une base européenne” et souligna l’importance d’une “réponse européenne” aux grands enjeux de l’époque. Parmi ces enjeux figurait l’élargissement de l’Union européenne, sur lequel la monarque britannique a apporté une réponse très claire : “d’autres pays frappent à la porte, il faut être confiant et ouvrir cette porte”.
Un engagement européen implicite ?
Dans ce même discours, la reine d’Angleterre ira jusqu’à mettre en lumière le rôle du Parlement européen, “dont l’importance ne cesse de croître”. Elle laissa ainsi sous-entendre son appui à une forme plus approfondie de supranationalité, et donc une évolution de l’Union européenne : “Je suis sûre qu’elle doit faire plus encore. J’ai confiance qu’elle le fera”.
Le 10 Downing Street et le Foreign Office avaient initialement prévu un passage rappelant l’importance des parlements nationaux et de leur souveraineté. Pourtant, contre l’avis de ses conseillers, la représentante de la Couronne a décidé de retirer ce passage, jugeant les traditions parlementaires nationales “insignifiantes” en comparaison à la “réconciliation et la démocratie” prônées par l’Union européenne.
Une manière discrète mais transparente de favoriser l’Union européenne à la souveraineté nationale. Cette légère modification du discours révolta l’ensemble des eurosceptiques au Royaume-Uni, qui l’accusèrent d’outrepasser son rôle de monarque.
La question épineuse du Brexit
Lorsque le Royaume-Uni vote le 23 juin 2016 pour quitter l’Union européenne, nombreux sont les commentateurs politiques essayant de deviner la position d’Elizabeth II. Le tabloïde eurosceptique The Sun affirmait ainsi que la reine aurait confié à des convives que l’Union européenne se dirigeait depuis quelques années “dans la mauvaise direction”, une information rapidement démentie par le Palais de Buckingham.
De l’autre côté, le député européen Guy Verhofstadt s’était amusé de la tenue de la reine le 22 juin 2017, à l’ouverture du débat sur le Brexit au Parlement britannique. Elizabeth II était alors intégralement habillée en bleu - tout comme lors de son discours à Strasbourg en 1992 - et portait des fleurs jaunes sur son chapeau. Sa tenue est probablement la seule action politique. Le député y voyait une représentation du drapeau européen, et par conséquent un signe de désapprobation du Brexit, sans que personne ne puisse le confirmer.
Pourtant, il suffit d’écouter le discours de la reine lors d’une visite officielle à Berlin en juin 2015 pour y déceler son avis. Alors que les partisans du Remain et du Leave s’affrontent à coups de joutes verbales au Royaume-Uni, la souveraine prononce ces mots : “au cours de nos vies, nous avons vu le pire mais aussi le meilleur sur notre continent. Nous savons que la division en Europe est dangereuse et que nous devons nous en garder, aussi bien dans l’ouest que dans l’est de notre continent”. Difficile donc de croire que la reine Elizabeth II ait souhaité le Brexit.
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