L’économie circulaire : nouvelle marque de fabrique de l’UE ?

, par Alexis Gourdain

L'économie circulaire : nouvelle marque de fabrique de l'UE ?
Le commissaire européen à l’environnement, aux océans et à la pêche, Virginijus Sinkevicius. Crédit : Union européenne 2020 - EC service audiovisuel

Le 11 mars 2020, le commissaire lituanien Virginijus Sinkevičius, en charge de l’environnement, des océans et de la pêche a présenté un nouveau plan d’action pour l’économie circulaire ayant pour objectif d’en faire « une composante essentielle de nos vies (…) pour accélérer la transition écologique de notre économie ». L’économie circulaire constitue en effet l’un des principaux moyens de la Commission européenne pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, au cœur du Green deal, ou Pacte vert pour l’Europe.

L’économie circulaire, qu’est-ce que c’est ?

Apparue au cours des années 2000, l’économie circulaire tend à la création d’un nouveau modèle économique plus durable, que ce soit au niveau de la production qu’au niveau de la consommation. Opposée au modèle économique linéaire, elle consiste à partager, réutiliser, réparer, rénover et recycler les produits et les matériaux existants le plus longtemps possible, afin qu’ils conservent leur valeur. L’objectif est donc de réduire l’utilisation de matières premières ainsi que la production de déchets, en faisant en sorte qu’un produit en fin de vie crée de nouveau de la valeur.

Le passage à une économie circulaire aurait de nombreux avantages. En plus d’avoir une influence positive sur l’environnement et le climat (préservation des matières premières, baisse des émissions de gaz à effet de serre, entre autres), elle permettrait de limiter notre dépendance envers les pays tiers, de développer la recherche et l’innovation, d’augmenter le PIB de l’UE et de créer près de 700.000 emplois, selon la Commission européenne. A noter qu’aujourd’hui, l’économie circulaire emploierait déjà plus de 4 millions de personnes en Europe.

Opération de communication

En 2015, déjà, la Commission européenne avait présenté un premier plan d’action pour l’économie circulaire, comprenant une stratégie plastique présentée en 2018. Le plan consistait surtout en une augmentation de la part du recyclage et en l’abandon de certains plastiques, notamment ceux à usage unique pour 2021. Bien que très peu ambitieux, ce premier plan a mis un coup de projecteur sur les actions de la Commission, en cours de verdissement. La très médiatisée « directive plastique à usage unique » a en effet permis à la Commission européenne de légitimer son rôle auprès des citoyens européens, qui à travers cette directive, voit l’Union européenne agir de manière concrète, modifiant ainsi leurs habitudes avec des produits du quotidien (coton-tige, paille en plastique).

Bien que ces mesures soient une première avancée, elles peuvent toutefois s’apparenter à du « greenwashing », la Commission européenne ne s’attaquant pas prioritairement aux secteurs qui émettent le plus de gaz à effet de serre (transports, industrie, énergie, agriculture). La Commission indique en effet que la fin des plastiques à usage unique permettra « d’éviter l’émission de 3,4 millions de tonnes de CO2 ». Si le chiffre peut paraitre important, il ne représente en fait qu’une infime partie des émissions de gaz à effet de serre. En effet, en 2016, l’Union européenne a émis plus de 4.400 millions de tonnes de CO2. (Eurostat)

Cette même directive a par ailleurs été adoptée par le Parlement européen le 27 mars 2019, soit deux mois avant les élections européennes. Coïncidence de calendrier, la médiatisation accordée à l’adoption de la directive par le Parlement a permis de prouver aux citoyens que l’échelon communautaire est efficace pour agir dans le domaine environnemental, que l’Union européenne comprend les revendications de la jeunesse européenne et que les eurodéputé.e.s ont un rôle jouer.

L’économie circulaire « made in Europe »

La version 2.0 du plan pour l’économie circulaire présentée en mars est bien plus ambitieuse. La Commission européenne s’attaque désormais aux sept secteurs utilisant le plus de ressources, à savoir : le matériel électronique, les batteries et véhicules, les emballages, les matières plastiques, les textiles, la construction et le bâtiment, et les denrées alimentaires. La Commission prévoit différentes stratégies et initiatives dans ces différents secteurs. Parmi les initiatives phares, on retrouve la mise en place d’un « droit à la réparation », l’harmonisation des systèmes de collecte des déchets sur le continent, ou encore la lutte contre l’obsolescence programmée.

Avec ce plan, dont la mise en place devrait s’étaler jusqu’en 2022, l’économie circulaire « made in Europe » n’est plus réduit au simple recyclage, puisque la Commission européenne cible maintenant l’éco-conception, la prévention, le réemploi, la réutilisation et la réparation.

Des stratégies et actions transversales seront mises en place pour soutenir la transition à une économie circulaire, notamment à travers les différents instruments financiers de l’UE comme les fonds structurels et d’investissement (FESI), le programme Horizon Europe pour la recherche et l’innovation, le programme LIFE consacré à l’environnement ou encore le futur Mécanisme pour une transition juste.

La Commission entend également profiter de l’économie circulaire pour prendre le leadership mondial en la matière. Elle souhaite en effet lancer une Alliance mondiale pour l’économie circulaire afin de parvenir à un accord mondial sur les plastiques, et encourager d’autres États à adopter l’approche européenne de l’économie circulaire. De plus, elle compte défendre l’économie circulaire dans ses accords de libre-échange, ses dialogues politiques bilatéraux, régionaux et multilatéraux ou encore dans ses accords environnementaux internationaux.

L’économie circulaire, une solution pour relancer l’Europe post-COVID19 ?

Présenté le 11 mars, au début de la crise sanitaire liée au Covid-19, le plan pour une économie circulaire pourrait bien être une solution pour relancer l’activité sur le continent une fois le confinement levé. Le « monde d’après » sera sans aucun doute le moment propice pour changer nos modèles de production, relocaliser certaines industries et accélérer la mise en place d’une économie circulaire ambitieuse.

Le 10 avril dernier, douze États membres de l’UE (Allemagne, Autriche, Danemark, Espagne, Finlande, France, Italie, Lituanie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal, Suède) ont co-signé un appel proposant de saisir l’opportunité de la crise pour transformer l’économie européenne en une économie durable et neutre pour le climat grâce au Pacte vert pour l’Europe. A noter : l’absence des pays de l’Est, qui ne sont pas tous prêts à franchir le pas. Cette différence Est-Ouest pourrait bien, de nouveau, animer les prochaines discussions entre États membres.

Le 14 avril, c’est Pascal Canfin (député européen du groupe Renew Europe, LREM), président de la Commission Environnement au Parlement européen, qui a appelé à une « alliance européenne pour une relance verte ». Il est rejoint par des eurodéputé.e.s issu.e.s de tous bords politiques, des chef.fe.s d’entreprise (H&M, Coca-cola, L’Oréal, IKEA…), des ONG, des think tanks, des décideurs politiques, des associations et des syndicats. L’appel compte aujourd’hui près de 180 signataires.

Si ces élans pour relancer l’économie de manière durable après le Covid-19 sont plutôt porteurs d’espoir, il faudra toutefois rester vigilant à ce que ces annonces ne soient pas seulement des effets de communication, car il n’y aujourd’hui aucune garantie.

Les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE, réunis en vidéoconférence le 23 avril pour un Conseil européen, ont discuté le futur plan de relance de l’économie européenne, sans annoncer qu’ils allaient placer le Green deal ou l’économie circulaire au cœur de ce plan de relance. Le chemin est encore long, affaire à suivre …

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