COVID-19 : le constat sans appel d’une dépendance industrielle
Première puissance industrielle mondiale depuis 2012, la Chine s’avère être un compétiteur industriel de premier ordre. En effet, l’Union souffre d’un déficit de près de 164 milliards d’euros dans sa balance commerciale avec la Chine. Cette situation, il faut l’avouer, nous nous y étions habitués.
C’était sans compter sur la crise sanitaire que nous vivons : des hôpitaux sous tension après des années de coupes budgétaires et une industrie inapte à fournir des produits essentiels. Serait-ce donc le moment tant attendu du retour de l’autonomie stratégique européenne ? Dans son adresse aux Français du 13 avril 2020, Emmanuel Macron a mis l’accent sur le besoin de « rebâtir une indépendance agricole, sanitaire, industrielle et technologique française et plus d’autonomie stratégique pour notre Europe ».
Le 23 avril 2020, le président du Conseil de l’Union européenne, Charles Michel, a repris cette même expression concernant la production de « biens essentiels en Europe ».
Cette résurgence d’un concept emprunté au secteur de la Défense émane d’un constat alarmant ; nous, Européens, avons des dépendances asymétriques dans des secteurs stratégiques qui affectent de manière négative notre capacité autonome d’action, indispensable en temps de crise. Cette capacité est pourtant indispensable à notre sécurité et à notre confiance pour le projet européen.
Une dépendance stratégique jusqu’à notre transition énergétique
L’objectif européen d’atteindre pour 2030 au moins 32,5 % de notre consommation énergétique finale provenant d’énergies renouvelables est essentiel à notre combat contre le changement climatique.
Cependant, est-il aussi un pas en avant vers une autonomie stratégique européenne ? Cela est moins sûr.
En effet, la Chine a pris une avance considérable dans la manufacture de ces énergies vertes et dans la possession de brevets technologiques nécessaires à notre transition énergétique. Cette avance a créé et créera une dépendance conséquente sur la technologie chinoise, contrevenant non seulement aux efforts de l’Union dans la réussite des ambitieux objectifs environnementaux, mais aussi dans le cadre de la protection des données énergétiques européennes.
Une relocalisation des industries pharmaceutiques et textiles sera donc certainement insuffisante face aux nombreuses autres dépendances industrielles et technologiques naissantes.
Une autonomie stratégique européenne ; un nouvel équilibre mondial à trouver
Aujourd’hui, l’Union fait face à l’amer revers que cause ses différentes dépendances : son incapacité à subvenir aux besoins de ses citoyens.
La solution proposée, c’est-à-dire la relocalisation des industries stratégiques, dépendra tout d’abord de la capacité à recréer un environnement compétitif capable d’attirer les entreprises privées, mais également de la capacité à créer un consensus autour de la définition des « intérêts stratégiques européens », inexistante à ce jour. Une grande attention devra donc être portée sur la mise en oeuvre de la stratégie industrielle du commissaire au Marché intérieur, Thierry Breton.
Enfin, n’oublions pas que l’équilibre mondial actuel, déjà miné par de séculaires pratiques anticoncurrentielles internationales, s’en trouvera certainement fragilisé. Il faudra alors trouver un nouvel équilibre, un juste équilibre, pour éviter de succomber aux tendances actuelles, toujours plus fortes en période de crise, du repli sur soi et d’unilatéralisme. Méfions-nous de ces réactions primaires, de ces dogmatismes simplistes qui voudraient répondre à cette crise par la provocation d’une autre. Il faut le rappeler, les échanges internationaux équilibrés et soumis à des règles globalement acceptées et appliquées ne représentent pas un jeu à somme nulle.
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