Un “charabia bruxellois” : c’est comme ça qu’a présenté le commissaire à l’élargissement Olivér Várhelyi l’ouverture du premier groupe de négociation entre l’Albanie et la délégation européenne. Pour le traduire, c’est une manière d’annoncer officiellement le début des négociations d’adhésion de la République d’Albanie, presque 16 ans après avoir présenté sa demande à l’Union européenne.
La République d’Albanie est un candidat récent à l’Union européenne. Elle a tout d’abord été reconnue candidat officiel en 2003, avant de poser officiellement sa candidature en 2009, qui a été reconnue en 2014. Après l’adoption de différents plans d’action pour répondre aux exigences de l’UE, la candidature étant considérée comme sérieuse, les négociations d’adhésion s’ouvrent pour la première fois le 19 juillet 2022, après la levée du veto bulgare. L’ouverture du premier chapitre des négociations du 15 octobre est donc la seconde conférence d’adhésion.
Cette conférence sera divisée en 6 chapitres, dont le premier concerne les “fondamentaux”, c’est-à-dire les sujets couvrant les domaines judiciaires, les droits fondamentaux et le fonctionnement plus global des institutions démocratiques de l’État. Ils traitent aussi l’ensemble des critères économiques qui comprennent les marchés publics et le contrôle financier.
Le principal reproche fait à l’Albanie concernant ce chapitre est la corruption administrative et la non-confiance de la population en son gouvernement - des problèmes à résoudre de toute urgence si l’Albanie souhaite poursuivre son intégration européenne, il semble qu’une réforme de l’administration publique et notamment l’administration judiciaire est vivement encouragée par la partie européenne des négociations : il est ainsi prévue de garantir l’efficacité judiciaire, la transparence et la liberté d’expression, ainsi que l’indépendance et de la responsabilité des juges. Le premier ministre albanais Edi Rama avait annoncé au micro de la radio internationale allemande Deutsche Welle que “nous serons rapides dans la mise en œuvre des réformes afin de s’assurer que cette fenêtre d’opportunité ne se refermera pas sans que nous ayons adhéré à l’UE”.
Cette annonce arrive au moment opportun, car le premier ministre socialiste est accusé de dérive autoritaire. Il est désormais considéré comme un régime hybride ( à mi-chemin entre une démocratie et une dictature), au vu des accusations de blanchiment d’argent issu du trafic de drogue avec la complicité de son gouvernement qui ont poussé l’OCDE à placer l’Albanie sous “surveillance accrue”. Le chef du gouvernement est aussi accusé d’abuser du pouvoir judiciaire afin de réduire au silence une partie de l’opposition de droite après la condamnation d’un député pour diffamation qui l’a conduit en détention. Cette arrestation a provoqué de violentes manifestations exigeant la démission du premier ministre et des combats avec les forces de sécurité occasionnant une douzaine de blessés.
Il sera donc intéressant de voir comment le chef de l’auto proclamé “État le plus pro-européen” fera en sorte de mettre en place les réformes demandées par l’Union Européenne avant une intégration définitive.
L’État “le plus pro-européen” serait-il autoritariste ?
L’Albanie a toutefois dû accorder des contreparties avant de recevoir le feu vert de la totalité des États membres pour ouvrir les négociations d’adhésion ; la libération du député grec Fredi Belleri d’une prison albanaise, où il avait été incarcéré pour avoir acheté des voix lors d’une élection municipale, était une condition sine qua non pour le gouvernement grec. Il semble aussi probable que l’accord d’externalisation des procédures d’asiles italiennes dans le port Shengjin en Albanie ait joué en la faveur de l’ouverture des négociations, l’Italie étant un membre influent de l’organisation.
Ces négociations devraient s’étendre au mieux sur une dizaine d’années mais il est pour l’heure impossible d’en établir un calendrier précis notamment car le nombre de conférences dépend des progrès effectués par l’Albanie dans son chemin vers l’Union européenne.
La candidature albanaise est pour l’heure la plus sérieuse, les différentes déclarations des instances de l’Union Européenne vont dans ce sens saluant “les progrès accomplis par l’Albanie en matière d’État de droit et de la poursuite de la mise en œuvre de la réforme du système judiciaire et de l’administration publique”.
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