L’IVG dans l’Union : droit européen, conditions nationales
Parmi les 27 États membres qui composent l’Union européenne, 25 ont dépénalisé l’IVG et l’autorisent sans conditions. En moyenne, l’IVG est autorisée jusqu’à 12 semaines d’aménorrhée (absence de règles). Les deux États restants, à savoir, Malte et la Pologne, l’autorisent mais avec certains prérequis.
Jusqu’au 28 juin 2023, Malte interdisait complètement l’IVG. Les médecins et les femmes qui le pratiquaient risquaient alors une peine de 3 ans de prison. Dorénavant, le droit à l’avortement est conditionné à Malte. En effet, il faut que le fœtus ne soit pas viable et que la vie de la mère soit en danger pour permettre à la femme d’avorter.
En Pologne, depuis le 27 octobre 2021, l’accès à l’IVG est presque totalement interdit. Une femme ne peut avoir recours à l’avortement que si la vie de la mère et du fœtus sont en danger, si la grossesse résulte d’un viol ou de l’inceste. Si un avortement est réalisé en dehors de ces conditions, le médecin et la et la patiente peuvent être condamnés à 3 ans de prison.
Un droit constamment en danger
De nombreuses régressions, en termes d’accès à l’avortement, sont à déplorer dans les États membres qui pourtant autorisent l’IVG.
En Italie, l’arrivée de Fratteli d’Italia au pouvoir, menés par Giorgia Meloni, a grandement ébranlé l’accès à l’avortement. Le 16 avril 2024, le Parlement italien a validé un amendement autorisant les militants anti-choix à entrer dans les cliniques. De plus, les praticiens peuvent se déclarer objecteurs de conscience et refuser de pratiquer l’avortement. Selon Oxfam France, ces praticiens se multiplient et représenteraient désormais près de deux tiers des gynécologues italiens.
En Hongrie, l’avortement est légal depuis 1950. Mais dans l’alignement de la politique du premier ministre ultra- conservateur Viktor Orbán, un décret mis en vigueur en 2022 force les femmes à écouter les battements de cœur du fœtus avant de pouvoir avorter.
Les restrictions se font également sentir dans la péninsule ibérique, pourtant connue pour son progressissme. En 2015, au Portugal, où le droit à l’avortement est légal depuis 2007, le Parlement a voté un projet de loi qui met fin à la gratuité des procédures. Les femmes ont à leur charge tous les frais médicaux qui surviennent pour une IVG.
Vers l’inscription de l’avortement dans la Charte des droits fondamentaux de l’UE ?
Le 8 mars 2024, la France inscrivait dans sa Constitution que « La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse ». Cet ajout historique à la Constitution permet d’interdire toute remise en cause de la liberté de celle
ux qui souhaiteraient avoir recours à l’IVG. Cette loi, qui vient renforcer la Loi Veil de 1975, qui dépénalise et autorise l’IVG en France, est surtout symbolique : elle ne consacre pas le droit à l’avortement dans la Constitution. L’inscription du mot « liberté » et non du « droit » ne change pas énormément ce qu’il se fait déjà. Si l’IVG avait été consacré dans la Constitution comme un droit, l’État aurait eu l’obligation légale de mettre en œuvre des structures juridiques et institutionnelles pour garantir l’accès aux soins. Par essence, la liberté se limite, elle n’est pas absolue, ainsi un gouvernement pourrait dans les faits, tout de même limiter l’accès à l’IVG.Pour autant, cette décision a permis de relancer le débat sur l’avortement et son accès au sein de l’ Union européenne. L’inscription de l’avortement dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union requiert une révision des traités européens. La révision peut être proposée par un État membre, le Parlement européen ou la Commission européenne.
En ce qui concerne le Parlement européen, le 11 avril 2024, une résolution visant à inscrire le droit à l’avortement dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne a été adoptée. On décompte 378 voix en faveurs et 255 voix contre avec 42 absentions, soit seulement 56% de voix en faveur de l’inscription de l’avortement dans la Charte. La campagne d’Initiative Citoyenne Européenne (ICE) My voice, My choice, tente de récolter un million de signatures, provenant d’un quart des États membres, afin de solliciter la Commission européenne. Cette dernière pourrait alors proposer de nouvelles législations sur la question.Dans tous les cas, l’unanimité des États membres est requise pour modifier les traités et inscrire l’avortement dans la Charte des droits fondamentaux de l’UE.
Ces débats et cette urgence d’inscrire le droit à l’avortement dans les législations européennes fait écho à l’annulation de l’arrêt Roe v. Wade par la Cour Suprême des États-Unis en 2022. Depuis 1973, l’arrêt Roe v. Wade légalisait l’avortement au niveau fédéral. Son annulation laisse la décision à chaque État de légaliser ou non l’avortement. À ce jour, sur les 50 États qui composent les États-Unis, seuls 17 permettent un avortement légal et sans condition. Dans 14 États, l’avortement est devenu complètement illégal. Les Européen
ne s cherchent le chemin inverse.
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