Petit pays situé au milieu des Balkans, le Kosovo ne compte que 1,7 million d’habitants répartis sur un territoire de 10 000 km2. Le pays est enclavé entre la Serbie, la Macédoine du Nord, le Monténégro et l’Albanie. Peuplé majoritairement d’Albanais (87%), il compte en son sein de nombreuses minorités, dont les Serbes (5,1%). Du côté de la religion, 95% de la population est de confession musulmane et 3,7% est chrétienne, majoritairement des orthodoxes de rite byzantin. Province autonome de la République socialiste de Serbie sous la Yougoslavie, elle proclame unilatéralement son indépendance le 17 février 2008, devenant ainsi le plus jeune État européen.
Emmanuel Macron ne dit pas non
Le 25 juin dernier, le président français et le Premier ministre kosovar, Albin Kurti, se sont rencontrés à l’Élysée afin de s’entretenir sur les relations entre les deux pays. À l’occasion de la première visite du Premier ministre kosovar en France, Emmanuel Macron n’a pas hésité à revenir sur les relations entre les deux États en rappelant que « La France a été le premier pays à reconnaître le Kosovo » lors de sa déclaration d’indépendance en 2008, et que depuis lors, la France se tient à ses côtés.
Mais les deux dirigeants ont aussi échangé sur la possible adhésion du Kosovo à l’Union européenne. À en croire la déclaration du président français, la France se montre plutôt ouverte quant à un éventuel élargissement de l’UE lorsque « les conditions seront pleinement remplies ». Pourtant, deux ans plus tôt, Emmanuel Macron avait montré quelques réserves à l’égard de l’intégration des États de la région des Balkans lors du sommet UE-Balkans occidentaux qui s’était tenu à Sofia en mai 2018. Emmanuel Macron se montrait alors plus favorable à un approfondissement de l’Union européenne et à une réforme de ses institutions plutôt qu’ à un élargissement de cette dernière. La priorité du président français était alors de renforcer les relations avec la région et « d’ancrer les Balkans occidentaux auprès de l’Union Européenne » avant d’aller plus loin dans les négociations. Selon Sébastien Gricourt, directeur de l’observatoire des Balkans à la fondation Jean Jaurès, « Il y a également un calcul du président français visant à préserver les intérêts géostratégiques de l’Europe. » En effet, délaisser la région supposerait le développement de l’influence russe et turque, alors que le président français défendait l’idée d’une souveraineté européenne sur le plan géopolitique.
Comment peut-on comprendre ce changement de discours ? Toujours selon Sébastien Gricout, « la diplomatie française a depuis (sommet EU-Balkans occidentaux) un problème de crédibilité dans la région, qu’elle tente de résoudre par le dialogue ».
Des conditions d’entrée à respecter
Bien que le Kosovo ne soit ni candidat ni même pré-candidat à l’Union européenne, le pays pourrait prétendre à entrer dans l’UE dès lors que certaines conditions soient pleinement remplies. En 2020, dans un rapport concernant l’élargissement aux Balkans occidentaux, la Commission évaluait et définissait les priorités en matière de réformes pour les pays qui souhaitent intégrer l’UE. À ce titre, le rapport examine divers domaines clés où des problèmes sont à noter et où des améliorations sont à prévoir. Le rapport invitait le Kosovo à « mettre l’accent sur les réformes fondamentales concernant l’État de droit, l’économie et le fonctionnement des institutions démocratiques et de l’administration publique » en vue de « garantir la bonne mise en œuvre de l’acquis de l’Union ».
Sur le plan de la justice et des droits fondamentaux, le Kosovo a réalisé des progrès modestes même si le système judiciaire reste vulnérable. La corruption reste encore largement répandue et demeure très préoccupante. Selon Transparency International, le Kosovo arrivait 104ème sur 179 dans le classement sur la corruption à travers le monde, avec un indice de 36. Par ailleurs, la liberté d’expression est le domaine dans lequel le moins de progrès a été enregistré l’an passé car « l’absence d’autonomie financière laisse les médias vulnérables aux intérêts politiques et économiques » selon le rapport.
De plus, la vie politique du pays reste fragile. En effet, le paysage politique du Kosovo est marqué par une forte instabilité et de nombreuses alternances. Depuis 2008, pas moins de 7 présidents et 5 premiers ministres se sont succédé à la tête du pays. « Au Kosovo, la période de référence (de l’étude) a été marquée par des élections anticipées, des changements gouvernementaux, ainsi que des périodes relativement longues pendant lesquelles seul un intérimaire était en place. ». Le rapport constate des irrégularités dans le décompte des bulletins de vote et une absence de pluralité dans les zones serbes du territoire. Il pointe également du doigt l’instabilité législative du pays puisqu’au « cours de la période de référence, l’Assemblée nationale n’a pas amélioré son efficacité générale en tant qu’enceinte propice à la représentation et à un dialogue politique constructif, comme le démontre l’absence fréquente de quorum ».
Sur le plan de l’économie, le Kosovo a également accompli des progrès limités. En effet, l’économie kosovare repose majoritairement sur les transferts financiers de la diaspora vers le pays qui atteindraient 15,6 % du PIB en 2019. Ces flux de capitaux alimentent le taux de croissance économique du pays, qui atteignait 4,1% sur la période 2015-2018. Malheureusement, la dynamique de croissance reste largement tributaire des exportations de services, de la formation brute de capital fixe et de la consommation privée. Le Kosovo reste encore aujourd’hui le pays le plus pauvre des Balkans occidentaux avec 30% de la population vivant sous le seuil de pauvreté et un taux de chômage qui avoisine les 26% chez les jeunes.
Vučić ne reconnaîtra pas le Kosovo
Une question reste en suspens, celle de la non-reconnaissance totale du Kosovo par son voisin serbe. Malgré les discussions, sous l’égide de l’UE, le conflit politique qui dure depuis l’époque yougoslave entre les deux pays bloque non seulement la reconnaissance du Kosovo en tant qu’Etat indépendant par l’ONU mais bloque également toute solution d’adhésion du Kosovo à l’Union européenne.
Les dirigeants serbes et kosovars se sont rencontrés lundi 19 juillet, en face à face pour la première fois, à Bruxelles. Les discussions n’ont pas semblé mener à des résultats convaincants, mais plutôt à un rétropédalage habituel. Aucun compromis n’a pour le moment été trouvé, les deux pays se rejetant la responsabilité de la guerre.
Ce n’est pourtant pas la première fois que les deux pays dialoguent, puisque les premières discussions entreprises sous l’égide de l’Union européenne datent de 2011. Cependant, pendant près de 7 ans le dialogue stagne, avant de reprendre en 2018, cette fois-ci, sous l’égide de la Maison-Blanche. Malgré les nombreuses tentatives de résolution de conflit, tout reste au point mort.
Seulement, si aucun accord sur la non-reconnaissance du Kosovo par la Serbie n’est trouvé, la Serbie comme le Kosovo ne peuvent espérer intégrer un jour l’UE. Pour la Serbie cet enjeu est crucial dans la mesure où la normalisation des relations entre les deux pays fait partie des conditions fixées par l’UE dans le cadre du processus d’adhésion du pays.
Pour le moment, seuls des accords sur des points techniques ont été trouvés mais pas sur les questions politiques essentielles. Sur quel compromis les discussions peuvent-elles déboucher ? Dans un premier temps, une aide au développement accordée à la Serbie ou une intégration accélérée à l’UE. La deuxième solution envisagée pourrait être un échange de territoires entre les deux pays, projet imaginé après la guerre et remis au goût du jour en 2018. Cependant, ces projets semblent illusoires, trop complexes et pouvant raviver des tensions encore trop récentes.
Si le projet d’échange de territoires paraît logique sur le papier, son exécution reste à revoir. En effet, le plan de délimitation des frontières prévoyait l’échange de certains territoires entre la Serbie et Kosovo. Ainsi, le nord-ouest, comprenant les municipalités de Zubin Potok, Zvecan et Leposavic auraient pu intégrer la Serbie, alors que dans l’est du pays, les municipalités serbes de Medveda, Bujanovac et Presevo, peuplées majoritairement d’Albanais, auraient pu faire le chemin inverse. Cependant, des zones d’ombre compromettent le projet, notamment des mines et des usines, que se disputent les deux pays.
Un souffle nouveau pour le pays
Lors de la même déclaration du 25 juin dernier, Emmanuel Macron notait les efforts constants réalisés par le Kosovo et soulignait l’importance de l’élection d’Albin Kurti, témoignant « d’une belle vitalité démocratique » pour le pays. L’élection de Vjosa Osmani en tant que présidente du Kosovo éclaircit l’horizon de la petite république parlementaire. Première femme à ce poste, elle avait été élue en novembre 2020, pour remplacer Hashim Thasi, inculpé par le tribunal spécial à la Haye pour crimes de guerre durant le conflit du Kosovo (1998-1999). Créant son propre parti Guxo (« Osez »), elle s’allie avec le parti de gauche réformiste du Premier ministre Albin Kurti, avant d’être réélue, le 4 avril 2021, avec 71 votes des députés sur 120.
Son élection représente une avancée majeure pour le pays, notamment sur la question de l’égalité homme-femme. Dans une société encore très patriarcale, le gouvernement actuel compte 6 femmes ministres sur quinze, un niveau inédit. Mais ce n’est pas son seul cheval de bataille, puisque la présidente compte également éradiquer la corruption endémique qui ronge le pays, étant une des premières personnalités politiques kosovares à avoir dénoncé ce phénomène.
Le duo qu’elle forme avec le Premier ministre Albin Kurti marque le début d’un nouveau chapitre dans la vie politique du Kosovo. Remplaçant les anciens dirigeants ayant participé à la guerre d’indépendance, ils ont à cœur de réformer le pays miné par la pauvreté et la corruption. Bien que le chemin soit long avant l’intégration européenne, des signes de démocratisation voient le jour.
Des efforts et des améliorations sont donc à noter, malheureusement les défis que le Kosovo devra relever dans les prochaines années font barrière à une intégration proche du pays à l’Union européenne. L’intégration du Kosovo et plus généralement des pays des Balkans, reste encore difficile en partie à cause de la défiance de la population européenne à l’égard de cette région. Dans un rapport publié en 2021, 65 % des Français jugeaient l’intégration du Kosovo à l’UE comme une « plutôt voire très mauvaise » chose. Ce sentiment se renforce avec la situation actuelle qui touche les pays d’Europe centrale et le non-respect de l’État de droit par la Pologne et la Hongrie.
1. Le 5 septembre 2021 à 15:14, par Ratko En réponse à : Kosovo : une possible intégration européenne ?
500 ans pour virer l’Empire ottoman tout seul ! On attendra moins pour virer les terroristes de l’UCK ! ... Le retrait américain de l’Afghanistan a donné beaucoup d’idée ;-) a quand le départ de ces derniers du Kosovo metochie !
Suivre les commentaires : |