Killers of the flower moon : le fédéralisme entre fiction et réalité

, par Alexandre Marin

Killers of the flower moon : le fédéralisme entre fiction et réalité
Conseil des Osages à Washington en 1909, pour défendre leur droits d’exploration et de production de pétrole sur des terres appartenant à la nation Osage © Bibliothèque du Congrès

Il y a quelques mois maintenant, l’immense réalisateur Martin Scorsese, sortait son dernier film, Killers of the flower moon, tiré du récit éponyme de David Grann, traduit sous le titre La Note américaine.

L’ouvrage, passionnant, présente à la fois un aspect humain, la tragédie des Osages, et un aspect politique, l’affirmation, à travers la création du FBI, d’une autorité étatique fédérale qui comble les failles des autorités fédérées et met fin à une situation d’anarchie dont la mémoire subsiste dans les Westerns.

Une histoire de fédéralisme

Résumons le propos : les guerres indiennes sont terminées, et après de nombreux massacres, les Amérindiens sont parqués dans des réserves. L’administration les contraint à adopter le mode de vie des blancs. Si la majorité des tribus survit dans une misère noire, une d’entre elles, les Osages s’enrichit considérablement suite à la découverte de puits de pétrole sur le territoire de sa réserve. S’ensuit une longue série d’assassinats d’Osages dans les années 1920, connue sous le nom de « règne de la terreur », dans le but de s’approprier leurs richesses. Le livre nous présente l’impuissance et la terreur des Indiens face à une société où sévissent le racisme décomplexé, la cupidité reine, et le crime ordinaire. Il montre les autorités locales de l’Oklahoma dépassées, privées de moyens dignes de ce nom, incompétentes, corrompues, et complices des meurtriers.

Ces autorités entrent en confrontation avec une agence de police fédérale naissante, le Bureau of investigation (BOI, devenue aujourd’hui le Federal Bureau of Investigation, ou FBI), qui amène avec elle des méthodes modernes d’analyse portées par des fonctionnaires désireux de construire des dossiers solides fondés sur des raisonnements rigoureux.

L’histoire d’un fédéralisme

On mesure à la lecture de La Note américaine l’échec des Etats fédérés à constituer une autorité face à l’anarchie. Le Texas fait en partie figure d’exception avec la création des Texas rangers, milice formée en 1835 pour défendre le jeune Etat face aux raids des Indiens et des Mexicains, avant de devenir une force de police digne de ce nom. C’est au sein cette force de police que Tom White commencera sa carrière, avant d’intégrer le BOI en 1917, et d’être envoyé pour enquêter sur les meurtres des Osages en 1925. Si White a pour but de mettre fin aux tueries de masse en appréhendant leurs auteurs, le patron du BOI, Edgar Hoover ambitionne moins de remplir sa mission que de convaincre les responsables politiques et le grand public que c’est le cas et que tout se passe comme prévu. L’important pour Hoover, c’est de convaincre de la nécessité d’une administration encore jeune et entachée par des scandales s’étant produits sous la direction de son prédécesseur. Pour ce faire, le BOI va concentrer son enquête sur une seule affaire et se sert de son succès pour se mettre en scène dans la défense des Indiens opprimés tout en évitant de s’occuper des autres assassinats, effaçant ainsi jusqu’à leurs existences. Hoover évite tout échec de ses services et toute interrogation sur le nombre réel de meurtres. De fait, les meurtres d’Osages continueront, au moins jusque dans les années 1930, dans l’indifférence générale.

La Note américaine relate un chapitre important de l’Histoire de la fédération américaine. Celui d’une entité fédérale qui construit sa légitimité sur la protection d’une minorité opprimée face à des autorités locales défaillantes et racistes. Mais dans les faits, l’échelon fédéral se révèle tout aussi raciste et injuste envers les minorités que les échelons fédérés. La fusillade de Pine Ridge, qui a lieu en 1976, montre que, un demi-siècle après la tragédie des Osages, les relations ne sont toujours pas apaisées entre le FBI et les habitants des réserves amérindienne.

Un film, Cœur de Tonnerre, sorti en 1992, témoigne de ses tensions, et de la violence que subissent les populations vaincues par l’Homme blanc. On le voit, l’Etat fédéral a participé, au même titre que les Etats fédérés et les institutions locales à un génocide dont les traces sont encore visibles. Wind River, autre film sorti en 2017, et portant sur les féminicides commis dans les réserves indiennes se conclut sur cette information : le FBI ne tient pas de statistique sur les disparitions de femmes amérindiennes.

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