Le Parlement européen a adopté mercredi dernier le budget de l’Union européenne pour la période 2014-2020. Comment un tel budget, en baisse par rapport à 2007-2013, pourra t-il financer des politiques de solidarité et de croissance pour sortir l’Europe de la crise ?
Techniquement parlant, le parlement n’a pas “adopté” le cadre financier pour 2014-2020. Le Traité spécifie que le règlement sur le cadre financier est adopté par le Conseil après avoir obtenu le consentement du Parlement. Le PE a voté en faveur du projet de règlement à sa session de novembre, dès lors le Conseil peut adopter le règlement sur le cadre financier dans les prochaines semaines. Bien entendu, j’aurais préféré un cadre financier avec des plafonds de dépenses plus élevés.
La proposition de la Commission de 2011 constituait un gel par rapport aux plafonds de 2013, ce qui en soi me semblait, et me semble toujours, raisonnable. Les États membres en ont décidé autrement, il faut être pragmatique et accepter leur décision.
En tout état de cause, un cadre financier, même réduit, était absolument nécessaire. L’alternative – pas de cadre financier en janvier 2014 aurait été pire : les bénéficiaires de financements européens tels les villes et régions, les entreprises privées, les chercheurs, les ONG et autre ont, grâce à l’accord intervenu, la certitude d’avoir des fonds européens pour les sept années à venir dans les politiques qui les concernent. Cette certitude de financements était absolument nécessaire pour contribuer à faire sortir de la crise l’Europe.
Cela étant dit, c’est vrai que la gestion des futurs budgets européens équivaudra à de la haute voltige : il faudra financer, plus, beaucoup plus, avec moins. Lorsque les négociations pour le cadre courant, 2007-2013, se sont achevées, il n’y avait que 25 États Membres et l’Europe faisait moins qu’aujourd’hui et demain. Depuis, trois nouveaux États membres ont adhéré à l’UE, avec un impact financier sur le budget, et l’Europe est devenue compétente en matière d’énergie, migration, climat, surveillance du secteur financier dans toute l’Europe, surveillance des budgets nationaux, etc. Ce n’est plus la même Europe qu’hier et elle a moins de moyens financiers qu’hier.
Finalement, en réduisant légèrement certains posts tels l’agriculture et la politique de cohésion, nous avons quand même réussi à augmenter la part de la science et de la recherche, de l’éducation et des aides aux petites et moyennes entreprises de toute l’Europe. Ce n’est pas si mal que ça.
Comment réagissez-vous aux propos de Daniel Cohn-Bendit, qui a qualifié le vote du cadre financier pluriannuel de "ridicule" ?
Il serait malvenu qu’un commissaire européen commente les propos qu’un député européen adresse à d’autres députés européens dans l’enceinte du Parlement européen sur une décision du Parlement européen. Je pense que Daniel Cohn-Bendit a simplement voulu exprimer, de la façon qu’il a jugé la plus adéquate, la frustration que beaucoup ressentent au vu des prochaines coupes dans le budget de l’UE, surtout à un moment où les États membres demandent à l’UE de faire plus dans plusieurs domaines.
Un tel vote ne va-t-il pas, à quelques mois des élections européennes, renvoyer un signal désastreux aux citoyens européens, actant l’idée qu’il faudrait moins et non pas plus d’Europe ?
Nous sommes en démocratie : chacun peut interpréter ce vote comme il le souhaite. Personnellement, je pense que l’adoption prochaine du cadre financier dans un climat de grave crise économique envoie au contraire un signal positif à toute l’Europe : L’Europe fonctionne ! Traditionnellement et de par leur nature, les négociations sur la future période financière sont les plus complexes et les plus difficiles en Europe ; cette fois-ci, la crise a encore compliqué les choses, et malgré tout nous y sommes arrivés ! Nous avons un accord sur les priorités politiques de l’Europe pour les sept prochaines années tout en augmentant la part des dépenses susceptibles de relancer l’économie et l’emploi. Je pense que c’est un bon signal.
Quelles propositions la Commission européenne va t-elle faire dans le cadre du "groupe de travail de haut-niveau sur les ressources propres", pour que le budget européen ne soit plus l’otage des contributions des États-membres et donc des égoïsmes nationaux ?
Il est peut-être un peu tôt pour en parler : le groupe sur les futures ressources propres du budget n’est pas encore constitué et à fortiori ne s’est pas encore réuni. Ce groupe comprendra des représentants du Parlement, du Conseil et de la Commission, et sera présidé par une personnalité politique d’envergure, il devra remettre des conclusions de ses travaux dans un peu plus de 2 ans.
Je peux simplement vous rappeler que dans notre proposition de départ, nous avions suggéré d’introduire une ressource supplémentaire (la taxe sur les transactions financière) afin de réduire les contributions des États Membres au budget de l’UE. A ce jour, ces contributions nationales représentent plus de 80% des ressources du budget de l’UE, ce n’était pas le cas par le passé, c’est aussi pour ça que les débats sur le budget de l’UE sont souvent âpres. J’espère que nous trouverons une solution susceptible de satisfaire tout le monde pour l’avenir.
Ce ne sera pas facile, surtout du fait qu’il faut l’unanimité au Conseil et l’approbation des parlements nationaux pour modifier le système des ressources, mais cela vaut la peine d’y travailler.
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