Israël, un ancrage diplomatique et européen par le sport

Première partie : une place au bal des nations sportives du Vieux continent

, par Volkan Ozkanal

Israël, un ancrage diplomatique et européen par le sport
Photo de la victoire d’Israël contre l’Argentine en basket en 2018. Image : Sven Mandel / Wikimedia Commons

Depuis quelques semaines, Israël semble revenir sur le devant de la scène d’une manière plus sereine. Entre qualification européenne au football, médaille d’or en gymnastique rythmique et actualité diplomatique intense mais fructueuse, l’Etat Hébreu semble avoir enclenché un « soft » power maîtrisé et de grande ampleur tant dans sa zone d’influence qu’en Europe.

Entre histoire complexe et activité diplomatique intensive : retour au premier plan pour Israël

Lorsque l’on parle du Proche-Orient en général et d’Israël en particulier, les clichés véhiculés sont irrémédiablement les mêmes depuis de nombreuses années. D’un côté, une région incandescente en proie à quantité de problèmes et des conflits latents sur fond interreligieux. De l’autre, dans cette poudrière sous tension permanente, Israël se retrouve souvent sous le feu de l’actualité, entouré de pays niant jusqu’à son existence depuis 1948 et la date de création de l’Etat d’Israël.

L’actualité du pays se résume par ailleurs, comme partout dans le monde actuellement, à tenter de freiner l’épidémie du « Covid-19 ». Entre crise sanitaire, (re)-confinement et pic de contagion, les nouvelles ne sont pas forcément les meilleures avec un contexte sécuritaire toujours vif. Sans compter la convocation d’élections suite à la dissolution du Parlement au sein d’une vie politique où les coalitions se font et se défont à un rythme incroyablement soutenu. Pourtant, dans ce magma de problèmes tous plus insolubles les uns que les autres, il existe malgré tout quelques raisons d’espérer. Tout d’abord, en effet, depuis un mois, la diplomatie israélienne semble s’être engagée sur une voie très remarquée et qui a même de quoi surprendre les plus sceptiques.

Depuis sa création en 1948, Israël a fait l’objet de deux visions radicalement opposées. Reconnaissance diplomatique rapide à l’ouest et en Europe avec des relations privilégiées notamment avec les Etats-Unis pour qui ce pays d’à peine 10 millions d’habitants représente un rempart face à leurs nombreux ennemis au Proche-Orient. Ces relations intenses feront que tous les Premiers ministres israéliens ont l’écoute des différentes administrations américaines depuis lors.

De l’autre côté, la « Nakba » (toujours) de 1948 faisant référence, elle aussi, à la date de création d’Israël. Mais ce terme signifie la « Catastrophe » en arabe et résume le sentiment de bons nombres de pays du Proche-Orient pour lesquels la notion même d’Etat Hébreu est une hérésie. Ce qui a laissé augurer de la considération que ressentent des pays tels que l’Iran par exemple pour qui l’existence d’Israël en tant qu’entité n’est pas reconnue. Même au Maghreb où la cause palestinienne et sa défense sont au firmament face à ce qui est considéré comme « l’envahisseur » israélien. Entraînant de facto des relations diplomatiques inexistantes de la part des pays arabes pour qui seule la Palestine devrait exister en lieu et place de l’Etat Hébreu. Dans ces conditions, pas étonnant qu’Israël se soit davantage tourné vers les Etats-Unis et l’Europe que sa région d’origine où ses voisins ne lui reconnaissaient aucun droit.

« L’accord signé prévoit une reconnaissance mutuelle qui doit déboucher sur l’ouverture d’ambassades, de lignes aériennes directes et de relations commerciales dans des secteurs aussi divers que la haute technologie, les télécoms, l’environnement ou le tourisme. Même si, depuis des années, les échanges entre ces trois pays (Israël, Emirats arabes unis et Bahreïn, NDLR) relevaient du secret de Polichinelle − particulièrement dans le domaine du renseignement pour les Emirats −, l’officialisation de cette relation permet aux trois nations d’assumer publiquement un partenariat rendu nécessaire par la lutte contre les visées expansionnistes des grandes puissances de la région que sont l’Iran et la Turquie. » - Le Monde.

Pourtant, depuis quelques semaines, les relations commencent à sérieusement se réchauffer entre Israël et trois pays que l’on pouvait considérer comme « hostiles » au pays du Premier ministre Benyamin Netanyahou. En effet, un « accord de paix » a été signé il y a un peu plus de deux mois entre Israël, le Bahreïn et les Emirats arabes unis, ce qui n’a pas manqué de surprendre. Celui-ci s’est suivi, quelques semaines plus tard, d’un réchauffement des relations entre le Maroc et Israël, grâce à la reconnaissance par ce dernier, de la primauté du Sahara occidental au Maroc. Pour Rabat, cette zone a toujours été revendiquée comme faisant partie de sa sphère d’influence malgré le « Front Polisario » qui est opposé à la présence marocaine sur ce territoire depuis 1976. Il s’agit d’une percée au Maghreb étonnante pour l’opinion aussi bien arabe qu’israélienne. Certains spéculent même sur le fait que la Palestine avait été « mise en balance » dans ce « donnant-donnant ». Israël cautionnant sa reconnaissance du Sahara occidental pour le Maroc en échange du « retrait » de Rabat à son soutien à la cause palestinienne.

Quoiqu’il en soit, un tel accord est à mettre au crédit d’Israël et a contribué à « réchauffer » un tant soit peu les relations avec le monde musulman. Sur cet élan, même un contempteur aussi acharné que le président turc Recep Tayyip Erdoğan souhaite désormais « entretenir de meilleures relations avec Israël », malgré la question palestinienne toujours bloquée. Une sacrée avancée pour qui se souvient du forum de Davos en janvier 2009 où Erdoğan avait vivement tancé le président israélien de l’époque, Shimon Peres, avec son fameux « one minute » qui fit le tour du monde.

Résultats sportifs probants et Pini Zahavi « parrain » du foot européen

Pour autant, s’il est un facteur de reconnaissance qui permettrait à une nation d’être représentée de par le monde, le sport en serait un excellent exemple. Depuis de nombreuses années, les investissements sportifs étrangers en Europe ont été légion notamment en Angleterre où les capitaux des mastodontes de la Premier League, le Championnat de football national, appartiennent à des Américains (Manchester United, Arsenal, Liverpool), Russes (Chelsea), Egyptiens (Fulham), Chinois (Wolverhampton), Iraniens (Everton) ou Emiratis (Manchester City) notamment. L’idée étant de permettre à des pays de contrôler des clubs pour en faire une vitrine de leur pays d’origine à l’instar de la relation du Paris-Saint-Germain dont le propriétaire qatari en fait un des vecteurs de sa diplomatie. Le sport permet donc non seulement de réunir des personnes que tout opposerait pour un but précis mais de plus ces investissements s’inscrivent et se construisent dans une optique de prestige et de reconnaissance.

C’est aussi valable pour Israël, que ce soit sur le terrain, avec des participations régulières en Coupe d’Europe et un seizième de finale de League Europa programmé pour le Maccabi Tel Aviv face aux Ukrainiens du Chakthar Donesk en février prochain ou en dehors grâce à un personnage digne d’un roman.

Dans son excellent ouvrage, « La Mano Negra » (édition Hugo Document), l’écrivain Romain Molina dresse le portrait du côté obscur du football à travers les fameux agents. Personnage fantasque, sombre ou inquiétant, l’agent de football est depuis quelques années devenu la pièce maîtresse du football européen et mondial. Grâce à des montants de transferts toujours plus élevés, l’économie du football repose désormais en grande partie sur ces mystérieux intermédiaires pour qui les frontières sont sans cesse repoussées.

Parmi ces cadors de l’achat-revente de joueurs, le Portugais Jorge Mendes (agent de la superstar Cristiano Ronaldo) ou l’italo-néerlandais Mino Raiola (agent de Zlatan Ibrahimovic, attaquant suédois de l’AC Milan). Mais le livre de Molina réussit à raconter davantage que les soubresauts liés aux sommes sonnantes et trébuchantes. En effet, l’ouvrage analyse la réelle réussite du « maître des agents », l’Israélien Pini Zahavi. Capable de mettre toute sa science du compromis au service de ses nombreux clients, la galaxie Zahavi s’étend un peu partout en Europe. De Neymar transféré du FC Barcelone au PSG en 2017 au plus petit mouvement de joueurs, le « super-agent » détient sur le Vieux continent un monopole et une capacité exceptionnelle de mise en avant de ses protégés. Une influence considérable et qui permet de mesurer toute l’étendue des possibilités offertes à l’agent sur le monde du football, lui, l’ancien journaliste. Mais surtout, Israël se retrouve également, même indirectement, sur le devant de la scène grâce à l’entregent de son plus célèbre représentant dans le sport.

Un pays européen ? Oui, par le foot et la... chanson

« Le Qatar particulièrement a tout intérêt à jouer un rôle de médiateur dans ces affaires politico-sportives qui sont sa spécialité. Qu’Israël puisse disputer un match international contre une sélection du Moyen-Orient pour la première fois depuis près de 40 ans, ce serait un beau symbole adressé à la Fifa, alors que la Coupe du monde 2022 se profile. » - Extrait d’un article paru sur Sofoot.com.

Football, basket, politique, avancée diplomatique au Maroc, politique africaine croissante, l’éventail de la présence israélienne dans le monde est donc divers et varié. Une nécessité autant qu’une volonté réelle de changer son image ternie entre les nombreuses accusations à son encontre dans les « Territoires palestiniens occupés ». Israël a donc depuis longtemps légitimé son tropisme européen notamment grâce à la chanson car, même si le concours si kitsch mais attirant de l’Eurovision a été annulé en raison de la crise sanitaire, n’oublions pas que l’Eurovision a été remporté en 1998 par la chanteuse transsexuelle israélienne, Dana International, devant de nombreux (ou futurs) pays européens. Une belle mise en avant et un œil fixé sur le pays à l’époque mais qui sera ternie par la « Seconde intifada » un peu moins de deux ans plus tard.

Mais l’actualité n’a pas été uniquement politique et diplomatique et indirectement, la récente disparition d’une grande personnalité du football a rappelé quelques souvenirs aux connaisseurs du ballon rond. Le 14 décembre dernier, en effet, un grand nom du football français s’est éteint à l’âge de 73 ans. Gérard Houllier qui a été notamment entraîneur à Liverpool et qui fut vainqueur de nombreux trophées avec les « Reds » a également été sélectionneur de l’équipe de France entre 1992 et 1993. Si tout le monde se souvient de la défaite fracassante de la France à la dernière seconde face à la Bulgarie d’Emil Kostadinov (1-2) qui a précipité la chute de Houllier en novembre 1993 dont l’équipe sera dès lors privée de la Coupe du monde 1994, peu de gens se souviennent que les « Bleus » ont probablement perdu leur qualification un mois plus tôt en… Israël (3-2). Il s’agit d’un des plus grands exploits du sport israélien dans un groupe composé de la France, de la Bulgarie et de la Suède notamment et qui a permis aux « Blancs et Bleus » de raffermir leur présence dans la zone européenne. Finalement, Europe ou Asie, peu importe, le monde est un vaste village qui permet à toutes les nations d’être représentées.

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