Quelle est la réaction de votre gouvernement à l’évolution de la situation en Ukraine ? [ L’interview a été réalisée le 28 Février ] Pointeriez-vous un manque de réaction de la part des institutions européennes ?
Tout d’abord, la situation en Ukraine évolue heure après heure, elle requiert donc toute l’attention des Etats membres et des institutions de l’UE. Je ne suis pas d’accord avec l’idée d’une absence de réaction de nos institutions européennes qui ont données à ce sujet la priorité dans leur agenda depuis quelques jours. Les Chefs d’État européens sont tout à fait conscients de la gravité de la situation. Celle-ci sera d’ailleurs discutée lors du Conseil Affaires étrangères qui aura lieu en Mars.
Du point de vue letton, nous croyons fermement que, du côté européen, nous devons envoyer un signal fort disant que l’accord d’association est là prêt, quelque soit le moment où le gouvernement ukrainien voudra le signer. Il nous faut aussi penser, à l’assistance financière à apporter à court et moyen-terme au pays. Sur le plan bilatéral, nous fournissons déjà une assistance médicale et plusieurs personnes en provenance d’Ukraine reçoivent des soins médicaux en Lettonie. Nous avons également acheminé en Ukraine des équipements médicaux afin d’aider les gens qui ont besoin de soins de façon urgente.
Nous devons également penser au soutien à apporter pour entreprendre des réformes structurelles et favoriser un retour à la stabilité. La chose la plus importante, avec la stabilité, est l’intégrité territoriale du pays. Les derniers développements et les signaux envoyés de Crimée ne sont malheureusement pas encourageants mais nous croyons véritablement que la communauté internationale saura se mobiliser pour faire face à la situation.
Enfin, nous devons répondre à cette situation dans une perspective de plus long-terme , en trouvant des moyens de faciliter la vie des Ukrainiens, et pas seulement de l’élite politique, en encourageant une libéralisation de la société, un plan d’action sur les visas... Le message politique à porter doit être que l’Europe a reconnu le choix européen des Ukrainiens. Personnellement, je trouve admirable que ces gens soient prêts, pendant ces plusieurs mois d’hiver, sous -5°c ou -10°c, à se battre pour un tel choix. C’est une énorme preuve de confiance à l’égard de l’Union européenne et de ses valeurs et nous devons réfléchir de notre côté aux manières de l’encourager et de la faire perdurer.
Valdis Dombrovskis est officiellement en lice pour être le candidat du PPE à la présidence de la Commission européenne. Quelle serait sa valeur ajoutée à un tel poste, à la lumière de son expérience politique en tant qu’ancien Premier ministre de Lettonie ?
La position officielle du gouvernement letton, c’est que nous croyons que Valdis Dombrovskis sera le candidat de la Lettonie candidat au poste de Commissaire européen. Bien entendu, le gouvernement soutient pleinement son ambition de devenir le candidat du PPE au poste de Président de la Commission européenne.
Son expérience passée en Lettonie est précieuse, car s’il a fait face à une situation économique et financières très difficile, il a réussi à remettre le pays sur les rails de la croissance, puisque la Lettonie a actuellement l’un des plus forts taux de croissance dans l’UE. Tout ceci n’est pas une simple coïncidence : cela résulte de choix politiques difficiles et de réformes structurelles. La plus grande richesse de Valdis Dombrovskis, c’est qu’il sait toute l’importance des réformes structurelles et en connait le contenu, il connait les problèmes sociaux en temps de crise, les besoins de réforme du système éducatif, la nécessité de faire face au chômage des jeunes… Son leitmotiv, c’est que nous avons besoin de ramener la croissance et la compétitivité en Europe, pas seulement dans l’UE en tant que telle mais dans chaque Etat-membre, puisqu’ils doivent créer, ensemble et unis, une Union européenne plus forte sur la scène internationale.
Son expérience sur ces points constitue donc un bon point de départ pour l’Europe pour les années à venir. Les défis rencontrés par Valdis Dombrovskis en Lettonie sont toujours présents aujourd’hui ailleurs en Europe. Bien sûr, il ne peut y avoir d’approche unique sur de tels problèmes, mais les grandes orientations politiques à prendre n’en restent pas moins les mêmes.
Cette candidature donne par ailleurs davantage de visibilité à l’UE en Lettonie. Elle est largement reprise dans les médias et les gens savent qu’il y a des élections européennes à venir. Nous sommes une jeune nation, un petit pays, et nous sommes fiers de voir notre ancien Premier Ministre se présenter à une telle fonction. C’est un grand pas en avant.
De nombreux sondages ont montré que les Lettons étaient très peu enthousiastes à l’idée de rejoindre la Zone Euro ... Ce sentiment évolue t-il ?
Le soutien du public à l’adhésion de la Lettonie à l’Euro a été en effet très faible jusqu’à la fin de 2013, avec un soutien d’à peine 30%. Cependant, depuis le 1er Janvier, ce chiffre n’a cessé de croître. Les sondages révèlent maintenant près de 60% d’opinions favorables. De tels chiffres peuvent s’expliquer par une approche typiquement lettone, que l’on retrouve dans d’autres domaines, qui est que « si vous ne savez pas quelque chose, vous restez dans l’expectative ». Dans les premiers sondages que je citais, les opinions négatives ne s’élevaient pas à plus de 30%, le reste de la population n’ayant pas d’avis tranché.
Nos expériences de changement de monnaie ces quarante dernières années ont rendu les gens prudents. C’est en effet arrivé trois ou quatre fois et les gens se souviennent qu’ils y ont perdu leur argent. Le gouvernement a eu beau défendre que cette fois, les gens n’y perdraient rien, convaincre était difficile, car c’est aussi une question de confiance.
Après le 1er Janvier, les gens ont réalisé que tout s’était bien déroulé comme annoncé et qu’ils n’avaient pas perdu d’argent sur leur compte en banque. Cela a donné un gage supplémentaire aux Lettons et a permis de leur donner une vision plus favorable de l’euro, ce qui s’est reflété dans les sondages.
Suivre les commentaires : |