Que répondez-vous à ceux qui jugent cette adhésion comme une menace pour la Zone euro , considérant la Lettonie comme un nouveau « Chypre » ?
Nous croyons tout d’abord que l’adhésion de la Lettonie à la Zone euro renvoie pour celle-ci un vrai signal de stabilité. Si vous vous rappelez, il y a quelques années, on croyait l’euro sur le point de s’effondrer et plus nombreux étaient ceux désireux de l’abandonner plutôt que de l’adopter.
Vis-à-vis de ceux qui ont tentés de comparer la Lettonie à Chypre, nous présentons plusieurs contre-arguments. La taille de nos pays est peut-être similaire mais il n’y a pas que la Lettonie et Chypre qui soient des petits pays dans la Zone euro. Un deuxième aspect porte sur nos secteurs bancaires : vous ne pouvez comparer ni leur poids, ni leur volume respectifs. Enfin, un troisième élément, auquel nous avons toujours porté beaucoup d’attention, c’est la part des non-résidents dans le secteur bancaire. En Lettonie, ils font face à un niveau d’exigence plus élevé et les règles à leur égard, déjà en place avant le début des négociations pour rejoindre l’euro, sont plus strictes qu’à Chypre.
Nous savons qu’une partie de notre secteur bancaire, environ un tiers, est plus sensible et compliquée à gérer, mais nous avons fait d’importants efforts afin de répondre à toutes les conditions préalables requises du côté européen. Les évènements ont montré que nos efforts ont été reconnus et ont payé.
2014 est le dixième anniversaire de l’adhésion de la Lettonie à l’UE : quelles sont pour vous les principales réussites de l’intégration européenne dans votre pays et comment le « sentiment pro-européen » a t-il évolué pendant cette période ?
2014 marque également le dixième anniversaire de notre adhésion à l’OTAN. Cette adhésion nous a fourni sécurité et stabilité, alors que l’UE nous a apporté ses valeurs et sa culture démocratique. La chose la plus importante, c’est que nous avons fait ce choix définitif de nous tourner vers l’Europe, il ya déjà longtemps. Le principal bienfait, c’est qu’il s’agit d’un choix géopolitique, un choix de valeurs, dont on saisit d’autant plus l’importance à l’aune des événements en Ukraine.
Les possibilités offertes aux jeunes d’étudier dans toute l’Europe grâce à Erasmus, les avantages du marché intérieur, maintenant la monnaie unique, tout cela a contribué à réduire les obstacles et les difficultés pour nos acteurs économiques.
Bien sûr, il y a toujours des « effets secondaires » : certaines personnes quittent le pays pour trouver un emploi à l’étranger et, à l’instar d’autres pays, nous sommes confrontés à une « fuite des cerveaux ». Cependant, personne ne conteste la valeur ajoutée de l’Union européenne, car les enjeux portent comme je le disais sur les valeurs et un choix géopolitique.
Curieusement, lorsque l’on regarde les sondages, nous sommes parmi les pays où le soutien à l’UE est resté stable, mais pas forcément de façon positive : 20-25 % de la population se situe en faveur, la même proportion se prononçant contre, tandis que 50% ne se prononce pas. Si l’on pose par contre la question sous la forme « la Lettonie devrait-elle quitter l’UE ? », le résultat est complètement différent, avec 80 % de la population qui souhaite rester. Tout dépend donc de la façon dont la question est posée.
Où en est la société lettone, en ce qui concerne les relations entre la communauté russophone et les citoyens lettons ?
La première chose à garder à l’esprit, c’est que la Lettonie n’est pas seulement composée de Lettons et de Russes. Il y a des citoyens Lettons, des citoyens Russes, des citoyens Ukrainiens, des citoyens Géorgiens etc . C’est une conséquence de l’appartenance de la Lettonie à l’URSS, au cours de laquelle beaucoup de soviétiques et leur famille ont été envoyés travailler dans les usines lettones.
La deuxième chose importante à prendre en compte, c’est la façon dont les partis instrumentalisent cette question des communautés. La division des partis politiques entre « gauche » et « droite » est très largement basée sur les questions linguistiques alors que, lorsqu’on examine leurs programmes, par exemple en matière économique , ils ne sont guère différents. Dans le même temps, lorsqu’on parle au quotidien à des Lettons, on constate un vrai mélange des communautés et la question de la nationalité n’est pas posée. De façon générale, ça ne pose pas de problème aux citoyens « lambda ».
Ceux que nous appelons en Lettonie les « non-citoyens » font partie intégrante de la société. Ils disposent des mêmes droits que les citoyens Lettons, sauf qu’ils ne peuvent pas participer aux élections. Ils ont un passeport letton et peuvent bénéficier de la protection diplomatique due aux Lettons quand ils se rendent à l’étranger. Le processus de naturalisation de ces non-citoyens devient de plus en plus lent, car les incitations sont peu nombreuses pour les vieilles générations qui ont encore des liens étroits avec la Russie, alors que les nouveaux nés peuvent être enregistrés comme letton à l’état civil dès leur naissance.
Cette situation est tout à fait unique ...
Dans le cas de l’Estonie, on retrouve une situation, toutes proportions gardées, quelque peu similaire, dans une seule partie du pays, frontalière de la Russie. La Lituanie est moins concernée, car elle a été moins touchée par les transferts de population à l’époque soviétique.
Dans notre cas, la Lettonie a toujours été un pays multiethnique par le passé, avec différentes minorités. Entre la Première et la Seconde guerre mondiale, il y avait dans notre parlement national au moins trois ou quatre partis nationalistes ou de minorités : le parti des Allemands-Lettons, le parti des Juifs-Lettons, le parti des Russes-Lettons… Nous sommes donc confrontés à cette nécessité du vivre-ensemble depuis déjà un long moment. A l’heure actuelle, nous avons toujours des écoles qui enseignent plusieurs langues, selon les minorités nationales : des écoles russes, des écoles ukrainiennes, des écoles polonaises, qui sont toutes financées par l’Etat.
Qu’attendez-vous du titre de « Capitale européenne de la culture » dont bénéficie Riga cette année ? Cette démarche s’inscrit-elle en lien avec la Présidence lettone du Conseil de l’UE prévue au premier semestre 2015, pour affirmer la place de la Lettonie sur la scène européenne ?
Bien sûr, lorsque nous avons postulé pour que Riga devienne capitale européenne de la culture, nous cherchions à relier ces deux évènements. Néanmoins, l’obtention de ce « label » reste toujours une compétition, nous n’étions donc sûrs de rien et nous sommes très heureux d’avoir atteint cet objectif.
Concrètement, nous allons profiter de cette année pour travailler à promouvoir la culture lettone à l’étranger. Bien évidemment, nous travaillons à attirer les touristes à Riga, mais pas seulement, car il y a aussi des événements culturels prévus dans d’autres villes du pays. Nous avons constaté un fort intérêt jusqu’à présent, nous comptons sur vous pour faire passer le message !
Ces dernières années, la Lettonie a connu des moments difficiles et notre pays n’a souvent été mentionné que négativement, lorsque c’était le cas…Cette tendance a changé grâce à l’important travail du gouvernement et de nos diplomates. Ce coup de projecteur, c’est donc l’occasion de renvoyer une impression positive. Je ne doute pas que nous allons réussir à maintenir cette image positive, notamment grâce à la candidature de Valdis Dombrovskis, à nos sportifs victorieux à Sotchi, qui ont presque réussi à battre le Canada en hockey sur glace, grâce à nos opéras célèbres qui sont désormais produits à Bruxelles... Nous avons toutes les raisons d’être fiers de ces grandes personnalités, de ces Lettons qui font aujourd’hui de leur mieux pour réussir partout dans le monde.
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