Le 20 mai 2022, le Sénat américain acceptait de débloquer de nouveaux fonds vers l’Ukraine. L’aide militaire américaine pour Kiyv s’élève alors à 24 milliards de dollars. De son côté, l’Union européenne a alloué une aide militaire à hauteur de 2,5 milliards d’euros par le biais de la Facilité européenne pour la Paix (FEP)* à laquelle s’ajoutent les livraisons d’armes que les pays européens consentent à envoyer.
Avec 10 fois moins de moyens déployés, la dépendance de l’Union vis-à-vis des États-Unis est totale. L’impossibilité qu’a l’Europe à assurer seule la défense de ses alliés relance les débats concernant la stratégie de défense européenne. Pourtant, avant même la création de l’Union européenne, cette question était déjà présente avec l’idée d’une défense commune aux pays européens. La remise en question de l’intégrité du sol européen est l’occasion pour nous de revenir sur l’échec du premier projet de défense européenne, la CED.
D’origine française, rédigé notamment par Jean Monnet, le projet de la CED fut présenté aux dirigeants européens par René Pleven, alors président du Conseil. Il prévoit la création d’une alliance militaire entre la France, la RFA nouvellement créée et les pays du Benelux régis par trois instances supranationales : un Conseil des ministres, un Commissariat et une Assemblée parlementaire.
Mais les réflexions sont initialement américaines. Face à l’attaque des Nord-coréens et le début de la guerre de Corée, ces derniers craignent une attaque de l’Allemagne de l’Est. L’Otan n’étant pas encore opérationnelle, ils exigent un réarmement rapide de l’Allemagne de l’Ouest. Mais en 1950, les souvenirs de la guerre sont encore trop ancrés dans les mémoires européennes. Les Européens et surtout les Français s’opposent à ce réarmement. La CED se présente ainsi comme une alternative aux demandes américaines où l’armée allemande serait placée sous contrôle européen. Cette alliance n’est pour autant pas indépendante vis-à-vis des États-Unis. La supervision des institutions est laissée au commandant en chef de l’OTAN, lui-même nommé par le président des Etats-Unis.
Ce traité sera signé par les gouvernements des pays concernés le 2 mai 1952 à Paris en attendant sa ratification par les assemblées parlementaires. Entre 1953 et 1954, les assemblées allemande, néerlandaise, belge et luxembourgeoise vont le ratifier. Mais en France, les adversaires de la CED, qu’on appellera les « anti-cédistes » y voient une atteinte à la souveraineté française avec notamment l’interdiction de devenir une puissance nucléaire importante, en contradiction avec les projets français déjà en cours tel le CEA (Commissariat à l’énergie atomique). Le 30 août 1954, par son refus, la France enterre le projet de la CED.
En 2022, comme sur de nombreux sujets, les pays européens ne s’accordent pas sur la stratégie militaire à adopter. Une majorité de pays européens restent favorables à l’Otan malgré la volonté de pays comme la France de développer une armée européenne. Une chose est sûre, la guerre en Ukraine est un vecteur de débats entre les Européens et amène déjà à une remise en cause de la stratégie défensive européenne.
*Active depuis 2021, remplace et élargit le mécanisme Athena et la facilité de soutien à la paix pour l’Afrique avec un plafond de 5,6 milliards d’euros pour la période 2021/2017
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