Groenland : l’Union Européenne défend la souveraineté face à l’appétit d’une grande puissance

, par Maëlle Aillet

Groenland : l'Union Européenne défend la souveraineté face à l'appétit d'une grande puissance
Ignazio Roberto Marino (Verts/ALE) lors de sa prise de parole le 6 mai 2025 © European Union 2025 - Source : EP

Alors que les tensions géopolitiques s’intensifient en Arctique, le Parlement européen a réaffirmé, lors de la session plénière du mois de mai, son soutien au droit du Groenland à choisir son destin. Donald Trump, depuis sa réélection en janvier 2025 à la tête de la première puissance mondiale, a affirmé sa volonté d’annexer le Groenland, afin de répondre à des enjeux à la fois économiques et militaires. Dans l’hémicycle, le 6 mai, un consensus rare s’est dégagé, chaque eurodéputé souligne l’importance de l’autodétermination du peuple groenlandais.

L’Arctique au centre des ambitions géopolitiques

Le Groenland est un territoire constitutif, mais autonome du Royaume du Danemark. Après être passé sous la domination danoise en 1721, en 1979, le Groenland devient un pays autonome suite à un référendum d’autodétermination.

Situé au Nord-Est de l’Amérique du Nord, le Groenland est un des territoires les moins peuplés. Pourtant, il a toujours intéressé les États-Unis en raison de sa position stratégique et de ses ressources minières. Dès les premières présidences américaines, les dirigeants nourrissent l’ambition d’acheter le Groenland.

Le Groenland, comme l’explique le député espagnol Lopez Aguilar (Alliance progressiste des socialistes et démocrates (S&D)), se trouve au cœur des ambitions de la Chine, de la Russie, et des États-Unis. Celles-ci s’expliquent par le projet de nouvelles routes maritimes, ouvertes par le réchauffement climatique et la fonte des glaces. Chaque pays souhaite surveiller l’espace maritime, mais également aérien. Les États-Unis, grâce à un accord signé avec le Danemark, sont autorisés à avoir une présence militaire au Groenland. Néanmoins, ils ne disposent plus que d’une base militaire, la base spatiale Pituffik, anciennement nommé Thulé, dans le Nord du territoire. Elle accueillait 10 000 soldats, mais aujourd’hui, elle n’en accueille plus que 140. De plus, le sous-sol du Groënland abrite de nombreuses ressources telles que le fer, l’uranium, le pétrole et les diamants. Autrefois inaccessibles, ces ressources, rendues accessibles par la fonte de glace, deviennent exploitables.

Finalement, Villy Søvndal (Groupe des Verts/Alliance libre européenne) salue la richesse de la culture groenlandaise, affirmant que celle-ci est menacée par les États-Unis, ce qui, selon lui, nécessite l’intervention de l’Union européenne.

Un partenariat stratégique entre l’Union européenne et le Groenland

Membre de la Communauté économique européenne (CEE) depuis 1973 suite à l’adhésion du Danemark, en 1985, après un référendum, le Groenland quitte la CEE, en raison de préoccupations liées à la pêche. Le gouvernement groenlandais, néanmoins, a continué de renforcer sa coopération avec l’Union européenne, elle représente environ 4 % du budget du gouvernement groenlandais (Kaja Kallas, haute représentante de l’Union européenne pour les Affaires étrangères). L’Union européenne a longtemps négligé le Groenland et cherche aujourd’hui à combler son retard. Représentée par Ursula von der Leyen (présidente de la Commission européenne), l’UE s’est rendue au Groenland pour inaugurer l’ouverture du Bureau de l’Union européenne à Nuuk, la capitale. Elle a également signé deux accords de coopération d’un montant de 94 millions d’euros. Von der Leyen déclarait alors « Notre nouveau bureau à Nuuk marque le début d’une nouvelle ère du partenariat UE-Groenland, avec la présence concrète de l’Europe au Groenland et dans la région arctique au sens large. Et grâce à nos deux nouveaux accords, nous investirons dans l’énergie propre, les matières premières critiques et les compétences au Groenland. De nouveaux emplois au Groenland, une meilleure sécurité d’approvisionnement pour l’Europe ; nous pouvons tous deux bénéficier d’une coopération accrue dans ces domaines. »

Ignazio Roberto Marino (Verts/ALE) s’est rendu au Groenland pour étudier cette communauté, et sa culture, il décrit ce territoire comme “une terre de paix, peuplée de personnes charmantes qui vivent pleinement dans un environnement incroyable – un environnement d’une biodiversité exceptionnelle”. Il appelle l’Union européenne à agir et déplore le retard accumulé, n’ayant ouvert un bureau sur ce territoire qu’en 2024.

L’UE propose, ainsi, un partenariat d’égal à égal, en opposition aux ambitions d’annexion des États-Unis, prônant la liberté d’expression du peuple groenlandais concernant son appartenance. Mais ce partenariat apparaît également comme un levier géopolitique, permettant à l’UE de renforcer sa présence en Arctique et sur la scène internationale.

Un consensus rare au Parlement européen en faveur du droit à l’autodétermination

Au nom de la démocratie et du droit à l’autodétermination, l’Union européenne fait bloc pour défendre le respect des droits du peuple groenlandais. Chaque intervention lors de ce débat souligne l’importance de laisser le peuple groenlandais s’exprimer et décider de son destin. Kristoffer Hjort Storm (groupe des conservateurs et Réformistes européens (CRE)) tient à souligner, lors de sa prise de parole, la forte mobilisation des députés danois dans ce débat sur les droits du peuple groenlandais.

L’Allemand Luka Sieper (non inscrit) soulève une interrogation importante : jusqu’à quand les États-Unis continueront-ils à être perçus comme des alliés fiables de l’Europe ? Celui-ci rapporte sa discussion avec le Commissaire au commerce et à la sécurité économique Šefčovič qui affirme que l’on ne peut pas jeter 80 ans d’amitié et d’alliance. Pourtant Sieper affirme qu’il est nécessaire de se méfier de cette alliance historique, et de ne pas se laisser aveugler, au point de ne pas réagir face aux dérives futures.

L’importance d’un cadre juridique international stable

Le danois, Henrik Dahl (Parti populaire européen (PPE)) souligne l’importance d’un ordre mondial fondé sur des règles, et un droit international. Pour garantir la souveraineté du Groenland, il appelle à des sanctions dissuasives pouvant dissuader les pays et leurs ambitions néo impérialistes. Actuellement, les États-Unis, première puissance mondiale, restent impunis, et ses pouvoirs sont peu restreints par le droit international. Il impose sa puissance et ses ambitions, sans véritable contrainte juridique, illustrant l’adage “Might makes right”- la force fait le droit.

Emma Fourreau (groupe de la Gauche (the Left)) met en lumière les tensions qui traversent les décisions de l’UE, déclarant que “celui dont on ne doit pas prononcer le nom ici, au Parlement européen, n’est pas Voldemort, mais bien Donald Trump”. Tandis que l’UE condamne la Russie, la Chine, le Venezuela, les États-Unis restent absents des résolutions et condamnations. Elle conclut son discours en soulignant l’importance du droit : “Alors que les ambitions prédatrices s’intensifient dans l’Arctique, choisissons la boussole du droit, de la paix et de la dignité des peuples.”

Kaja Kallas rappelle finalement que les pays signataires de la charte des Nations Unies sont tenus de respecter les principes énoncés par cette charte, qui conclut l’inviolabilité des frontières et le respect de l’intégrité territoriale.

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