Géorgie : Des élections municipales sous haute-tension

, par Maxence Gallais

Géorgie : Des élections municipales sous haute-tension
Actuel drapeau de la Géorgie ©Pixabay

Le 4 octobre 2025, les élections municipales en Géorgie se sont soldées par une victoire totale du parti au pouvoir, le Rêve Géorgien. Le résultat de ces élections confirme, une fois de plus, le recul démocratique et européen assumé du gouvernement en place et conforte le pays dans sa crise politique profonde.

Un scrutin sans suspense et sans opposition réelle

Les Géorgiens étaient appelés aux urnes le 4 octobre pour renouveler les conseils municipaux de 64 localités, dont les grandes villes de Tbilissi, Batoumi et Koutaïssi. Le résultat est sans surprise : le parti Rêve Géorgien (GD), au pouvoir depuis 2012, a remporté la totalité des mairies du pays dès le premier tour. À Tbilissi, le maire sortant Kakha Kaladze a été reconduit avec près de 77 % des voix.

Derrière ces chiffres, un constat : l’opposition était absente. Huit grandes formations politiques ont boycotté le scrutin, dénonçant des conditions inéquitables et une érosion profonde du cadre démocratique. Seuls quelques partis, comme Lelo – Strong Georgia ou For Georgia de l’ancien Premier ministre Giorgi Gakharia, ont tenté de participer, sans réel poids. Le taux de participation a plafonné à 41 %, tombant à 31 % dans la capitale. Une abstention massive interprétée comme un signe de désillusion.

Des manifestations réprimées à Tbilissi

Le soir même du scrutin, des milliers de manifestants se sont rassemblés devant le palais présidentiel à Tbilissi, brandissant des drapeaux géorgiens et européens. Les slogans dénonçaient un gouvernement jugé autoritaire et pro-russe, accusé d’avoir détourné les institutions à son profit.

La réponse des autorités fut immédiate. Les forces de l’ordre ont utilisé canons à eau et gaz lacrymogènes pour disperser la foule. 44 personnes ont été placées en détentions provisoires et cinq figures de l’opposition et organisateurs des manifestations, dont l’artiste lyrique et militant Paata Burchuladze, ont été arrêtées pour tentative de coup d’État. Depuis 2024, on estime à une douzaine le nombre de leaders d’opposition arrêtés lors de manifestations pacifiques puis emprisonnées.

Le pouvoir justifie cette répression par la nécessité de maintenir l’ordre public. Mais pour de nombreux observateurs, cet épisode illustre la dérive autoritaire d’un régime qui n’hésite plus à criminaliser la dissidence. Amnesty International dénonce un “usage illicite de la force”.

Une démocratie en déclin depuis 2024

La crise actuelle ne surgit pas de nulle part. Depuis les élections législatives de 2024, la Géorgie connaît une érosion rapide de ses institutions démocratiques. À cette époque déjà, le Rêve Géorgien avait consolidé sa majorité parlementaire dans un climat de forte tension, tandis que les observateurs européens signalaient déjà des pressions sur les médias indépendants, des entraves aux ONG et des changements législatifs favorisant le parti au pouvoir.

L’adoption, en mars 2024, de la très controversée « loi sur la transparence des influences étrangères » — surnommée par ses opposants « loi russe » — a marqué un tournant. Inspirée d’un texte de loi similaire adopté à Moscou, cette loi obligeait les organisations recevant plus de 20 % de financements étrangers à se déclarer comme « agents de l’influence étrangère ». Malgré des manifestations massives, le gouvernement a imposé le texte, provoquant la rupture du dialogue avec plusieurs partenaires européens.

En moins de deux ans, le pays est passé du statut de candidat crédible à l’intégration européenne à celui d’un État où la pluralité politique et la liberté d’expression sont fragilisées. La domination sans partage du Rêve Géorgien, l’éviction de l’opposition du jeu électoral et la répression des manifestations traduisent une concentration croissante du pouvoir, soutenue par un discours souverainiste et anti-occidental. Ce glissement progressif, souvent justifié au nom de la stabilité, creuse le fossé entre le gouvernement et une partie de la société civile, toujours profondément attachée à l’idéal européen. Ainsi, le scrutin du 4 octobre ne marque pas seulement une victoire électorale : il illustre la lutte d’un pays contre lui-même, partagé entre son passé post-soviétique et son aspiration à une démocratie pleinement européenne.

L’Europe condamne les élections

Face à ce résultat, l’Europe s’oppose fermement au déroulement de ces élections et confère son soutien au peuple géorgien. Par l’intermédiaire d’une déclaration conjointe, la Haute représentante à l’action extérieure Kaja Kallas et la commissaire à l’élargissement Marta Kos ont dénoncé un scrutin organisé dans un climat de « répression massive », marqué par les pressions sur les médias, les arrestations d’opposants et des modifications électorales sapant les principes démocratiques fondamentaux. Elles ont appelé les autorités à garantir la liberté d’expression, à libérer les détenus politiques et à renouer le dialogue avec les institutions européennes. Cette position a été rapidement relayée par des membres de gouvernements tels que les ministres des affaires étrangères de Lettonie et de Norvège, qui ont exprimé leur inquiétude face à la dérive autoritaire du gouvernement géorgien.

Une situation qui s’enlise

La répression du 4 octobre confirme la fracture entre deux Géorgies : celle qui aspire à rejoindre l’Europe, à défendre l’État de droit et les libertés, et celle, conservatrice, qui privilégie l’ordre et la souveraineté nationale. Dans les rues de Tbilissi, les militants témoignent de l’éloignement de leur objectif européen.

Malgré la lassitude, les appels à la mobilisation continuent. Des collectifs citoyens préparent de nouvelles manifestations, tandis que des figures de la société civile à l’image de l’ex-présidente Salomé Zourabichvili appellent l’Union européenne à ne pas oublier la Géorgie. De son côté, le troisième président du pays Mikhail Saakashvili appelle la jeunesse géorgienne à continuer les de s’opposer au gouvernement

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