Forbundne, forpligtet, for Kongeriget Danmark : Histoire du drapeau du Danemark

, par Gabriel Brachet

Forbundne, forpligtet, for Kongeriget Danmark : Histoire du drapeau du Danemark
Drapeau danois au vent © Stockvault

Ce 5 juin, il est fêté au Danemark le Grundlovsdag, « le jour de la Constitution ». La fête nationale danoise est l’occasion de faire un rapide résumé de l’histoire du drapeau danois.

Røt og hvid

Le drapeau est nommé Danneborg, soit littéralement « vêtement rouge » ou « vêtement danois ». Il est composé d’un fond rouge traversé de deux bandes blanches perpendiculaires, formant une croix inclinée du côté de la hampe. Ce croisement de ligne est nommé la croix scandinave, qui est fréquemment présente sur d’autres drapeaux de cette région.

Les couleurs blanche et rouge du drapeau n’ont pas de signification particulière, malgré l’interprétation populaire que le rouge symbolise le sang versé sur le champ de bataille.

Faldt fra himlen : un drapeau tombé du ciel

Cette année, le Danneborg fête son 805e anniversaire : faisant de ce dernier l’un des plus vieux drapeaux du monde, remontant – selon les légendes – à l’époque médiévale.

En s’intéressant à la composition du drapeau, nous pouvons remarquer que la présence de la croix sur l’étendard s’inscrit dans un contexte de croisade en Europe de l’Est (de l’an Mil au XIIIe siècle). Ces conflits sont le théâtre d’une lutte entre les princes chrétiens Allemands et Scandinaves, contre les Etats païens baltes. Cette logique de guerre sainte développe l’utilisation d’une bannière rouge avec une croix blanche, un sentiment d’appartenance à la communauté des chrétiens qui lutte contre les paganismes d’Europe centrale et orientale, et ce, sans aucun lien avec le royaume de Danemark. Le Danneborg pourrait être ainsi l’héritier de ces conflits européens.

Christian August Lorentzen — Statens Museum for Kunst

Selon l’une des légendes, le drapeau apparu en 1219 à Valdemar II, roi du Danemark, lors de la bataille de Lydanisse, dans l’actuelle Tallinn (Estonie). Les troupes du roi et les croisés allemands étaient en grande difficultés contre les païens Estoniens. Puis vint un miracle : au plus fort des combats, un drapeau rouge avec une croix blanche tomba du ciel. Signe du soutient divin à leur camp, les troupes de Valdemar gagnèrent en courage et, en bons chrétiens, massacrèrent les païens Estoniens.

Dans ce récit, le Danneborg devient une manifestation divine avec symbole christique. La légende de la bataille de Lyndanisse rejoint presque celle de la bataille antique du pont Milvius, en reprenant la vision de Constantin version nordique.

Ad fontes

Cependant les sources contredisent ce récit légendaire. En premier lieu, les versions anciennes du mythe du Danneborgne ne sont pas liées à Lyndanise, ni même à l’année 1219 ! Au XVIe siècle, temps de renouveau historiographique important au Danemark, la légende du drapeau tombé du ciel prend place en 1208 à Viljandi (en Estonie). Plus tard, elle est commentée puis modifiée pour devenir la légende que nous connaissons : la journée du 15 juin 1219, à Lyndanise.

Folio 55v de l’Armorial de Gelre

Puisque rien n’est évident, et bien que la création du drapeau pourrait remontrer au XIIIe siècle, l’usage et la création du Danneborg reste encore floue pour cette époque. Il faut attendre la rédaction de l’Armorial de Gerle à la fin du XIVe siècle, un recueil d’armoirie du duché de Gueldre (Pays-Bas) qui compile plusieurs séries d’armoiries. Rassemblé et rédigé sur plusieurs années, il comporte la plus ancienne représentation colorée du Dannebrog, faisant remonter son utilisation comme bannière à partir du règne de Valdemar IV (1340-1375).

Autant résumer la situation : bien que la légende raconte que le drapeau est apparu en 1219, aucunes sources ne semblent attester son utilisation avant la fin du XIVe siècle. De plus, son existence ne signifie pas un usage populaire. Pendant de nombreuses années, le Danneborg est le drapeau du roi, et par conséquent, du pouvoir de l’Etat. Il reste une figure exclusivement régalienne. Une loi est même appliquée en 1833 pour interdire son usage par les particuliers.

C’est dans un contexte d’un important nationalisme au milieu du XIXe siècle, notamment avec la Première guerre des Duchés (1848 – 1851), que les choses vont changer. En guise de soutien aux soldats et d’amour pour leur patrie, la population arbore massivement le drapeau rouge et blanc accrochés sur leurs maisons et dans les rues. C’est cet évènement populaire qui permit la levée de l’interdiction en 1854, et qui favorise un usage populaire et quotidien du Danneborg. Résultat de la première guerre nationale du Danemark : les Danois sortent victorieux des Allemands et préservent (momentanément) les deux duchés.

Danish soldiers return to Copenhagen, 1849

Symbole d’une identité nordique commune

Le Danemark est le premier pays à adopter la croix scandinave comme emblème, qui est aujourd’hui symbole d’appartenance à la famille des pays nordique. Cette croix se trouve notamment présente sur les drapeaux de la Suède, de la Norvège, de la Finlande, de l’Islande et également des territoires des îles Féroé et Åland. La croix développe le sentiment d’appartenance à une identité géographique et culturelle commune. En témoigne la volonté en Estonie de proposer un drapeau arborant une croix scandinave au couleurs bleue, noire et blanche.

Cochons et ballon rond

Mais surtout, le Danneborg est un symbole patriotique auquel les Danois sont très attachés depuis les guerres des Duchés. Le drapeau est régulièrement présent pour marquer les fêtes et les rites populaires, comme en décorant avec sa version papier les pâtisseries et des gâteaux d’anniversaire ; ou bien même sur les sapins de Noël. Le drapeau marque aussi les commémorations et célébrations nationales, comme le Jour de la Libération (4 mai), la fête de la st.-Valdemar (15 juin) et l’anniversaire du souverain, qui sont autant d’occasions de ventes de petits drapeaux. Et même si ce 5 juin semble être le jour de le plus propice pour les Danois de hisser leur drapeau, le Danneborg possède néanmoins son propre jour : Flagdag (le jour du drapeau, 5 septembre).

Le drapeau est aussi présent là où on ne l’attend pas, comme dans certaines fermes allemandes et sur les terrains de football.

Après la Seconde guerre des Duchés (1864), le Schleswig et le Holstein sont annexés à la Prusse. Les Danois habitant ces régions ont alors interdiction d’afficher les couleurs de leur drapeau. C’est à ce moment que l’idée d’élever un cochon rouge et blanc a émergé. Cette race porcine est alors nommée husumer, car élevée autour de la ville de Husum, et même protestschwein (« cochon de protestation »). Toujours dans le domaine culturel, l’équipe nationale de football du Danemark emprunte aussi les couleurs de son pays : De Rød-Hvidei (les Rouges et Blancs).

La présence festives et quotidienne du Danneborg témoigne de l’attachement des Danois pour leurs couleurs, qui, bien loin d’être qu’un simple morceau de tissu à leurs yeux, semble incarner l’histoire et l’identité culturelle du Danemark.

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