Le féminicide, grand combat du mouvement féministe, est défini comme l’homicide d’une femme, d’une jeune fille ou d’une enfant en raison de son genre. L’office des Nations Unies contre la drogue et le crime a relevé que 60% des meurtres des femmes sont commis par un partenaire intime ou un membre de la famille. Malgré les rapports inquiétants, le terme féminicide n’est cependant pas encore reconnu juridiquement, du moins pas partout.
Le féminisme lui est défini comme un courant de pensée et mouvement politique, social et culturel en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes. Ce mouvement est largement influencé par le contexte politique, historique ainsi que géopolitique des États, menant alors différents combats, traités avec disparité.
Le traitement judiciaire des féminicides : une différence notable entre les Etats
Le féminicide est une réalité tragique et persistante dans de nombreuses sociétés. Si le terme est de plus en plus utilisé et reconnu dans certains pays occidentaux, son traitement judiciaire diffère d’un État à l’autre. Cette diversité dans la législation et la réponse juridique reflète les différences culturelles, sociales et politiques qui existent en Occident et qui influent sur la manière dont les féminicides sont reconnus et pris en charge par les autorités.
L’Espagne fait figure de pionnière en matière de reconnaissance juridique du féminicide. Depuis la loi organique du 28 décembre 2004 sur les violences de genre, le pays a mis en place un cadre législatif global pour lutter contre la violence domestique et sexiste, incluant la reconnaissance explicite des féminicides. En 2020, l’Espagne a enregistré 47 féminicides, et les autorités espagnoles s’engagent à reconnaître ces crimes de manière distincte dans leurs statistiques officielles. La loi a également institué des mécanismes de protection des victimes, dont des ordonnances de protection et des services d’assistance spécifiques, et a permis l’ouverture d’un dialogue public sur la violence de genre. Le pays a aussi ratifié la Convention d’Istanbul en 2014, une étape importante pour intégrer les normes internationales sur la lutte contre la violence faite aux femmes.
L’Italie a emboîté le pas en 2013 avec l’adoption du « Codice Rosso », une loi visant à accélérer le traitement des plaintes concernant les violences domestiques et sexistes. Elle permet notamment une intervention immédiate des forces de l’ordre en cas de dénonciation de violences et impose un traitement prioritaire des cas de féminicides. En 2019, 142 féminicides ont été recensés en Italie, avec une majorité d’entre eux étant des meurtres dans un contexte domestique. La reconnaissance des féminicides comme une catégorie criminelle distincte en Italie, bien que plus récente que celle de l’Espagne, marque une avancée importante dans la prise en compte de ce phénomène.
En France, la question des féminicides a été davantage médiatisée ces dernières années, avec un véritable tournant en 2019, après une augmentation de 21%, lorsque le gouvernement a mis en place des mesures concrètes pour lutter contre ces meurtres. Malgré cela, le pays peine à adopter une législation spécifique sur les féminicides. En 2020, la France a recensé 102 féminicides, ce qui met en lumière l’ampleur du phénomène, malgré une prise en charge judiciaire encore trop fragmentée, et un manque de reconnaissance du terme féminicide en lui-même. Les actions du gouvernement, telles que le financement de structures d’accueil pour les victimes et l’amplification des campagnes de sensibilisation, restent insuffisantes face à la gravité de la situation. De plus, la reconnaissance juridique du féminicide est encore limitée par la définition du meurtre d’une femme en raison de son genre dans le droit pénal. La France a donc encore beaucoup à apprendre de ses voisins.
Le cas de la Pologne contraste fortement avec ceux de l’Espagne et de l’Italie. Bien qu’ayant ratifié la Convention d’Istanbul en 2015, la Pologne reste très réticente à intégrer une législation spécifique au féminicide. Le pays, sous l’influence d’un gouvernement conservateur, n’a pas mis en place de cadre juridique clair pour reconnaître et traiter les féminicides, malgré les nombreuses manifestations qui ont eu lieu ces dernières années contre les violences faites aux femmes. La situation est d’autant plus préoccupante que le débat autour des droits des femmes, en particulier concernant l’avortement et les violences de genre, reste hautement politisé. En 2020, 30 féminicides ont été recensés en Pologne, mais les autorités peinent à traiter ces meurtres comme un problème systémique.
Les enjeux sous-jacents : une lutte mondiale contre les féminicides et les violences de genre
La lutte contre les féminicides ne se limite pas aux aspects juridiques et judiciaires. Elle touche également à des enjeux culturels, sociaux et politiques qui conditionnent l’efficacité des législations et des politiques publiques dans le monde occidental. La reconnaissance du féminicide est d’autant plus importante qu’elle est le reflet des avancées dans la lutte pour les droits des femmes et pour l’égalité des genres. Cependant, cette reconnaissance reste confrontée à de nombreux obstacles.
Les enjeux culturels et sociaux sont l’une des principales causes de la persistance des féminicides. Dans certaines sociétés occidentales, les stéréotypes sexistes, les attentes traditionnelles envers les femmes et la banalisation des violences domestiques favorisent l’impunité des auteurs de féminicides. En Espagne et en Italie, bien que les législations aient permis une prise de conscience accrue, des défis demeurent au niveau de l’éducation et de la culture sociale. La violence domestique est souvent perçue comme une affaire privée, ce qui complique la dénonciation des féminicides et leur traitement adéquat par les autorités.
Les défis politiques et institutionnels sont également majeurs. Alors que des progrès ont été réalisés, les mécanismes de prévention et de soutien aux victimes restent insuffisants. Les budgets alloués aux services d’aide aux victimes et la formation des policiers, des juges et des avocats demeurent faibles dans de nombreux pays. En France, bien que le gouvernement ait investi dans des mesures comme des « lignes d’urgence » ou des centres d’accueil, ces initiatives ne sont pas toujours accessibles à toutes les victimes, en particulier dans les zones rurales. Le manque de coordination entre les institutions judiciaires, les forces de l’ordre et les associations d’aide aux victimes rend l’action contre les féminicides fragmentée et inefficace.
Les perspectives de changement sont étroitement liées à l’adoption d’une reconnaissance universelle du féminicide, à la fois sur le plan juridique et social. La ratification de la Convention d’Istanbul, à laquelle l’UE a officiellement adhéré le 1er juin 2023, qui impose aux États signataires de mettre en place des lois spécifiques pour lutter contre la violence faite aux femmes, est une première étape essentielle. Un espoir peut-être, bien que depuis les efforts restent disparates. Des résistances demeurent, notamment dans des pays comme la Pologne ou la Hongrie, où des gouvernements conservateurs refusent d’appliquer ces normes internationales. Il est essentiel que les États mettent en place des législations intégrées, qui ne se contentent pas de criminaliser les féminicides, mais qui incluent également des stratégies de prévention et des mesures de soutien aux victimes. L’uniformisation des lois au sein de l’Union européenne, par exemple, pourrait constituer un modèle à suivre pour d’autres régions du monde.
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