Fémin’histoire : Lise Meitner

, par Chloé Lourenço, Voix d’Europe

Fémin'histoire : Lise Meitner

Autrichienne, Suédoise, physicienne oubliée du Prix Nobel. Voilà comment la vie de Lise Meitner pourrait être résumée. Née au sein d’une famille juive autrichienne, elle sera naturalisée suédoise par la suite. Nommée trois fois pour le Prix Nobel, elle ne recevra jamais la distinction suprême, alors qu’elle est à l’origine de la découverte de la fission nucléaire. Comme Rosalind Elsie Franklin, elle fait partie de ses nombreuses femmes qui n’ont pas été reconnues à leur juste valeur.

Enfance et jeunesse viennoise

La jeune fille qui voit le jour le 7 novembre 1878 ne s’appelle pas Lise Meitner, mais Elise Meitner. Le couple Meitner aura sept autres enfants, mais il veillera à les élever dans un environnement stimulant, ouvert intellectuellement et culturellement. Le père de la petite Elise poussera ses filles à suivre des études supérieures, à une époque où la scolarité féminine s’arrêtait à l’âge de 14 ans.

L’université autrichienne s’ouvre aux femmes en 1897. Toutefois, pendant les premières années, les jeunes filles devaient passer un examen externe, semblable à la Matura (l’équivalent du baccalauréat). Effectivement, le lycée leur étant fermé, elles devaient essayer d’être admises comme candidates libres. Lise Meitner suit une préparation en accéléré dès 1899 et finit par être admise en 1901 à l’âge de 22 ans.

Après une première année généraliste, elle décide, en deuxième année, de se concentrer sur la physique, une matière qui la passionne. En décembre 1905, Lise obtient, avec la plus haute mention, son doctorat qu’elle effectue sur la conduction de la chaleur dans les solides inhomogènes. En tant que femme, elle peut difficilement prétendre à une carrière académique mais, soutenue par son père, elle poursuit malgré tout ses activités de recherche et s’initie à l’étude de la radioactivité et de l’absorption dans les métaux des rayonnements alpha et bêta. En 1907, elle part à Berlin suivre les cours de Max Planck avec l’accord de ce dernier. L’université berlinoise n’étant pas encore ouverte aux femmes, il lui fallait absolument obtenir l’accord du professeur pour pouvoir suivre ses cours. Bien qu’il soit généralement contre l’éducation des femmes, Max Planck sera un soutien important pour la jeune femme.

Le « projet uranium »

Lise n’est pas une physicienne qui passe inaperçue. Elle se fait rapidement remarquer, et on lui propose des offres d’emplois dans différents laboratoires. Elle accepte celle d’Otto Hahn : ce fut le début d’une collaboration de trente ans. Otto Hahn et Lise Meitner furent de proches amis, et le restèrent leur vie durant malgré les événements ultérieurs. En 1912, Otto Hahn est embauché au nouvellement créé Institut Kaiser Wilhelm de Chimie, et Lise l’y rejoint, d’abord sans salaire puis en tant qu’assistante de Max Planck. Il faut qu’elle reçoive une offre d’emploi à Prague pour être promue associée l’année suivante.

Pendant les deux premières années de la Première Guerre mondiale, Lise s’engage comme manipulatrice d’équipements à rayons X pour les blessés du front avant de reprendre ses recherches. En 1917, elle devient directrice du département de physique de son institut et poursuit sa collaboration avec Otto. Ensemble, ils découvrent plusieurs isotopes, notamment le protactinium en 1918. En parallèle, Lise étudie également les spectres de rayonnements bêta et gamma. En 1923, elle découvre la transition non-radiative, qui prendra par la suite le nom d’effet Auger, en l’honneur du scientifique qui découvre cet effet de son côté… deux ans après Lise. En 1934, avec Otto Hahn et le chimiste Fritz Strassmann, elle s’implique dans le « projet uranium », qui découvrira la fission nucléaire quelques années plus tard.

La fission nucléaire, la découverte d’une vie

Le destin de Lise Meitner bascule avec l’arrivée d’Hitler au pouvoir. Au début des années 1930, sa nationalité autrichienne la protège un peu, malgré le fait qu’elle soit juive. Toutefois, en 1938 et après l’Anschluss, elle ne peut plus rester en Allemagne et décide de fuir pour la Suède. Elle dire, des années plus tard, qu’elle aurait dû quitter le pays plus tôt. Elle poursuivra ses recherches clandestinement sur la fission nucléaire dans un laboratoire de Stockholm.

Otto Hahn et Fritz Strassmann réalisent, à Berlin, les expériences planifiées avec Lise, et découvrent les effets du bombardement de l’uranium avec des neutrons. En pleine Seconde Guerre mondiale, la physicienne ne peut figurer parmi les coauteurs de la publication, et son rôle majeur dans la découverte est écarté. Rapidement, la communauté scientifique réalise que la fission nucléaire peut avoir des usages militaires. Le « projet Manhattan », qui aboutira à la mise au point de l’arme nucléaire, est lancé à Los Alamos ; Lise refuse, de son coté, de participer à la création d’une bombe.

En 1944, Otto Hahn reçoit le prix Nobel de chimie. Nommée trois fois pour le prix Nobel, Lise ne le recevra jamais, mais obtiendra de nombreuses autres distinctions. En 1949, elle prend la nationalité suédoise. En 1960, elle part s’installer en Angleterre, où elle meurt huit ans plus tard, le 27 octobre 1968.

Un article écrit initialement par Chloé Lourenço pour Voix d’Europe. Nous remercions l’autrice et le site de nous laisser reproduire ici cet article.

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