Une libéralisation du marché spatial qui attire les entreprises européennes
« Chers voyageurs, le vol A589 à destination de Mars est sur le point de partir, merci de vous diriger vers les portes d’embarquement ». Ces paroles, le fondateur de SpaceX Elon Musk en rêve. L’entrepreneur et milliardaire de 49 ans a pour ambition de « coloniser Mars d’ici 2030 ». Un calendrier très ambitieux qui suscite aujourd’hui de nombreux débats. Pourtant, les voyages ou séjours dans l’espace ne sont pas nouveaux. Entre 2001 et 2009, sept fortunes mondiales ont eu l’occasion de vivre cette expérience hors norme. Depuis, les programmes de vols spatiaux touristiques n’ont cessé de se développer et attirent de plus en plus les entreprises européennes, en partenariat avec les agences spatiales. En Italie, les sociétés Sitael, Altec ainsi que l’Agence spatiale italienne ont noué un partenariat avec l’entreprise Virgin Galactic, filiale du groupe Virgin fondée par le britannique Richard Branson, afin de lancer une plateforme de tourisme spatial dans le Sud de l’Italie. En France, c’est la start-up Zephalto qui est à l’origine du Céleste, vaisseau pionnier du tourisme stratosphérique. En partenariat avec le CNES (Centre National d’Etudes Spatiales), le fondateur Vincent Farret D’Astiès a créé un ballon atmosphérique, fonctionnant uniquement à l’énergie solaire, bientôt capable d’emmener, pendant plusieurs jours, deux à six personnes à 25km d’altitude. Certes, ce tourisme n’est pas un tourisme spatial à proprement parler. La frontière entre la Terre et l’espace est en effet délimitée par la ligne Karman, fixée à 100km d’altitude. Néanmoins, cette hauteur permet d’avoir accès à des paysages incroyables : 25km d’altitude suffisent à être dans le noir de l’espace et voir le Soleil, les étoiles, le dégradé de l’atmosphère et la courbure de la Terre. Bref, de quoi faire rêver à l’heure où notre paysage s’arrête à celui que propose la fenêtre de notre appartement.
Des opportunités à saisir par l’Europe
L’Europe consacre un budget de plus en plus élevé à la conquête spatiale, bien que les montants restent largement inférieurs à ceux investis aux Etats-Unis. Toutefois, si elle ne veut pas prendre de retard dans la course à l’espace, elle doit davantage collaborer avec les acteurs privés en plus de ses programmes publics, pilotés notamment par l’agence spatiale intergouvernementale regroupant 22 pays européens, l’ASE (Agence Spatiale Européenne). Pourtant ce n’est ni l’ambition, ni les capacités techniques qui manquent à l’Europe pour conquérir le secteur du tourisme spatial. Déjà en 2016, le directeur de l’ASE, Jan Worner, avait l’intention de bâtir une base permanente sur la Lune afin de remplacer à terme la Station Spatiale Internationale. Aujourd’hui, l’Agence Spatiale Européenne travaille conjointement avec la NASA sur la station lunaire LOP – Gateway. En fournissant plusieurs équipements clés comme les modules de service, construits par Airbus Defence and Space, l’ASE assure plusieurs sièges aux astronautes européens lors des missions Artemis, qui visent un retour de l’Homme sur la Lune d’ici 2024. L’ensemble de ces projets représentent de véritables opportunités pour l’Europe en termes d’avancées scientifiques et technologiques. Médecine, physique, recyclage, tous les programmes de vols habités œuvrent à améliorer la vie sur terre. Concernant l’Union européenne, l’actuel programme de recherche Horizon Europe 2021-2027 priorise les programmes d’intérêts et de services aux citoyens de renommée mondiale, Copernicus (observation de la Terre des variables climatiques) et Galileo (navigation et positionnement par satellite), même si les projets de vol habité sont toujours envisageables. Si les vols habités sont pour l’instant dédiés à l’exploration et la recherche, l’effet d’entrainement provoqué par l’investissement public sur le privé, et inversement, participe à ouvrir le champ des possibles à l’égard du tourisme spatial en Europe.
Un tourisme de masse encore lointain
Le tourisme spatial n’est pour l’instant destiné qu’aux ultrariches. En effet, si les conditions d’accès pour les vols spatiaux touristiques (conditions médicales, physiques...) sont encore floues, les tarifs, eux, ont de quoi vous faire tourner la tête. Pour un voyage de 5 minutes à 100km d’altitude, la société Blue Origin de Jeff Bezos propose un ticket à 250 000 euros. Quant à SpaceX, le tarif pour un voyage de 31 jours sur la Lune est estimé à 100 millions d’euros. Autrement dit, le tourisme spatial de masse, ce n’est pas pour tout de suite ! Toutefois, soumis aux logiques économiques comme n’importe quelle industrie, le tourisme spatial pourrait devenir de plus en plus accessible au grand public. La libéralisation progressive du marché spatial devrait faire baisser les couts de production. Voilà de quoi motiver les start- ups européennes. Plaisir des uns, destruction de tous ? Dans une tribune publiée sur le site « The Conversation »2, trois chercheurs français s’interrogent sur les conséquences du tourisme spatial. En plus d’accroitre les risques de creusement des inégalités sociales, les excursions spatiales « ont des conséquences environnementales qui augmenteraient considérablement si ce tourisme spatial devait faire l’objet d’un commerce plus large ». En réponse à cet argument, en plus de la création d’appareils réutilisables, d’autres chercheurs soulèvent l’importance de « l’overview effect »3 ou « effet surplombant » qui touche tous les humains ayant côtoyé l’espace. Se retrouver face à la beauté de la Terre vue depuis l’espace, susciterait une prise de conscience quant à la fragilité de notre planète, et éveillerait ou renforcerait les consciences écologiques.
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