Face à la pandémie, la BCE décide d’agir

, par Clémence Dogniez

 Face à la pandémie, la BCE décide d'agir

Les conséquences de la pandémie de coronavirus sont désastreuses pour l’économie européenne. La Banque centrale européenne a annoncé la mise en place d’un programme d’achat d’urgence pandémique.

« Ces temps extraordinaires nécessitent une action extraordinaire » : le tweet de la présidente de la Banque centrale européenne (BCE), Christine Lagarde, atteste de la gravité de la situation économique européenne. Une situation face à laquelle l’instance bancaire continentale a décidé de réagir. Mercredi 18 mars, à l’issue d’une réunion téléphonique, le conseil des gouverneurs a publié un communiqué annonçant la mise en place du « programme d’achat urgence pandémique » (PEPP). Ce dernier prévoit l’achat d’obligations pour un montant de 750 milliards d’euros, afin de soutenir la zone euro face aux répercussions économiques de la pandémie mondiale.

Le Corona-Krach ou le spectre d’une nouvelle crise des dettes de la zone euro

Le 24 février dernier, les experts de la BCE annonçaient un taux de croissance de 0,8% en 2020, et attendaient 1,4% pour le mois de décembre. Cependant, ces prévisions ne tenaient pas compte des impacts récents et dévastateurs de la pandémie de covid-19 sur l’économie européenne. En effet, la BCE annonce désormais une « considérable aggravation des perspectives de croissance à court terme » en zone euro.

Face au ralentissement des économies, deux tendances apparaissent et effraient les Etats européens. D’une part, le financement des plans d’urgence nationaux, nécessitant des emprunts à taux croissants, entraînent progressivement l’augmentation des dettes souveraines. D’autre part, la peur d’une dislocation de la zone euro s’intensifie alors que l’écart entre les taux allemands et les taux italiens se creuse, avec des investisseurs qui fuient les pays touchés pour se réfugier dans les pays rescapés. Afin d’éponger les dettes nationales et d’empêcher la division économique de l’Europe, la BCE s’est donc engagée à faire « tout ce qui est nécessaire dans le cadre de son mandat » pour surmonter cette crise.

Un plan de relance inédit

La BCE a fait le choix d’une relance forte par le rachat de dettes publiques et privées pour un montant total de 1050 milliards d’euros. Comme l’explique l’analyste Frederik Ducrozet, stratégiste chez Pictet Wealth Management, cette décision s’annonce « massive à tous les niveaux - taille, flexibilité, portée et engagement à revoir les limites des émetteurs ».

En effet, si par le passé la Banque centrale européenne s’était engagée dans des plans de relance d’ampleur, elle promet cette fois-ci un montant exceptionnel dans ces circonstances inhabituelles. Aux 750 milliards annoncés mercredi 18 mars, s’ajoutent ainsi les 120 milliards accordés la semaine dernière ainsi que les 20 milliards de l’automne dernier. Cette somme représente un investissement de 117 milliards par mois, surpassant largement les 80 milliards mensuels appliqués lors de la crise de la zone euro en 2012.

Au delà de sa valeur massive, le plan de relance surprend également par la flexibilité qu’il permet dans l’achat des dettes des Etats et des entreprises. Concernant les dettes souveraines, la BCE autorise si nécessaire le dépassement du plafond qui limitait le rachat à 33% de stock de la dette d’un pays. A cela s’ajoute une adaptabilité de la mesure selon les zones touchées, permettant ainsi de privilégier l’aide aux pays en plus grande difficulté, avec « des fluctuations dans la distribution des flux d’achat au fil du temps, entre les classes d’actifs et entre les juridictions ». Dans cet esprit d’entraide, la BCE a décidé d’étendre ses achats de dettes souveraines à la Grèce. Du côté des entreprises en zone euro, le rachat de titres de dettes à court terme, sera élargi au marché des billets de trésorerie.

Relâcher la pression sur les taux

En rachetant les dettes publiques et privées sur les marchés, la BCE espère dans un premier temps, soulager les banques et les inciter à effectuer des prêts aux ménages et aux entreprises afin de soutenir la production et l’emploi. De plus, cette stratégie doit permettre un relâchement de la pression sur les taux des obligations des pays qui ont explosé dans la zone euro. En Italie, le taux des obligations à dix ans est passé de 1 % à presque 3 %, entre début mars et mercredi 11 mars.

En achetant elle même les obligations des Etats, la BCE réduit l’endettement de ces derniers en annulant le coupon (les intérêts annuels des obligations). « Les gouvernements vont pouvoir mettre en œuvre leurs programmes de dépenses qui se traduiront par une hausse spectaculaire des déficits publics mais sans avoir trop à se soucier du niveau des taux d’intérêt puisque la BCE sera en face », explique ainsi Philippe Waechter, économiste d’Ostrum Asset Management.

Depuis l’annonce, les Bourses européennes repartent (+4,6% à Londres, +4,4% à Francfort, +4,9% à Paris), signe d’un soulagement chez les opérateurs qui semblent placer leurs espoirs dans les mesures annoncées. A long terme, le plan d’action doit assurer un « impact politique » selon Bruno Le Maire, en « évitant la fragmentation dans la zone euro et permettant de réduire les spread, c’est-à-dire les écarts de taux d’intérêt qui peuvent exister entre la dette française, italienne, espagnole ou allemande ».

La nécessité d’une solidarité européenne

Si la mesure a été hautement saluée, notamment en France où le Président Emmanuel Macron a annoncé son « plein soutien aux mesures exceptionnelles » de la BCE, d’autres acteurs européens demandent davantage de la part des Etats eux mêmes. Le président du Conseil italien Giuseppe Conte, a ainsi proposé la création de « corona-bonds », des obligations mutualisant les dettes des pays européens. Ces euro-obligations se limiteraient à relancer les activités affectées par l’épidémie et préserveraient la dette italienne de toute spéculation.

Cette proposition, soutenue par la France, fait pour l’instant l’objet de simples discussions entre les pays de la zone euro. Mais Giuseppe Conte insiste sur la nécessité d’une action commune européenne, assurant qu’aucun Etat ne sortira « indemne de ce tsunami économique et social » et que l’absence de « réponse commune serait mortelle pour tous ».

En effet, si la BCE rassure pour le moment les marchés financiers par son plan d’action, elle insiste sur l’importance d’une coordination européenne entre les Etats, comme l’atteste sa Présidente Mme Lagarde, selon qui la possibilité d’une récession en Europe « va clairement dépendre de la vitesse, de la force et du caractère coordonné » de la réponse « de tous les acteurs ».

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