Le moteur européen en alerte rouge
C’est sans satisfaction que la presse européenne s’est emparée du sujet : l’économie allemande ne va pas si bien qu’on le dit et elle pourrait même être, à terme, le vecteur d’une nouvelle récession en Europe. En effet, pour le Monde ou encore le quotidien conservateur et eurosceptique britannique le Telegraph, il n’y a pas de quoi pérorer : le contexte est beaucoup trop effrayant. En 2014, la croissance du pays devait s’élever à 1,9 %, puis à 2 % en 2015. Depuis le 9 octobre, les chiffres ne sont plus que de 1,2 et 1,3 %. Une baisse pas encore catastrophique, mais évidemment symptomatique d’un malaise.
De fait, en août, les commandes à l’industrie allemande se sont contractées de 5,7 %. La production industrielle a chuté de 4 %. La production de biens d’équipement a quant à elle diminué de 8,8 %. Tandis que la production automobile s’est proprement effondrée de… 25,4 %. « La conjoncture industrielle traverse actuellement une phase de faiblesse », a pudiquement déclaré le ministère allemand de l’Economie, Sigmar Gabriel.
Berlin est en effet en plein bras de fer avec la France et Bruxelles afin de persévérer dans les politiques d’austérité entreprises depuis plusieurs années. Les mauvais chiffres de l’économie allemande ne sauraient être, pour Angela Merkel, la marque d’un échec de cette stratégie. Il s’agirait d’un camouflet insupportable.
Pourtant, le constat est là. Berlin ne sait plus – ou ne souhaite plus – investir. Le culte de l’économie et de l’équilibre budgétaire est désormais usé jusqu’à l’os. Et les coupes ont touché tous les domaines. Y compris l’importantissime canal reliant la ville de Hambourg à la mer du Nord. Faute d’une maintenance suffisante, rapporte le Telegraph, la navigation a dû être arrêtée pendant deux semaines. Cela n’était jamais arrivé auparavant, même durant les deux guerres mondiales.
Tout ceci devrait constituer autant d’arguments pour François Hollande, Manuel Valls et Michel Sapin au moment de défendre le budget de la France devant la Commission européenne. Ce dernier est en-deçà des attentes européennes, mais la position française visant à infléchir la rigueur pour relancer l’économie devrait se trouver renforcée. D’autant que le Fonds monétaire international et la Banque centrale européenne – qui ne sont pas précisément des paniers percés – sont également en train de changer de paradigme.
Investir dans les PME
Et pour relancer l’économie, il n’y a guère de mystère. La solution réside dans l’investissement. Investir dans les infrastructures en Allemagne. Investir dans les petites et moyennes entreprises, comme en France et ailleurs en Europe. C’est en tout cas la conclusion de la troisième assemblée des PME qui a eu lieu à Naples du 1er au 3 octobre.
Leur santé générale est en amélioration, et elles devraient être en mesure de créer 740 000 emplois en 2014, à en croire Euronews. Une tendance positive, mais qui reste encore à consolider. « Nous n’avons pas de baguette magique. Mais nous allons mettre en œuvre l’ensemble des mesures d’intervention globales et des programmes spécifiques qui permettront aux PME d’obtenir des instruments de garantie pour décrocher des prêts auprès des banques », a ainsi décliné Ferdinando Nelli Feroci.
Le commissaire européen à l’Industrie et l’Entrepreneuriat de la Commission Barroso II, l’Italien Antonio Tajani, ne s’y trompe pas : le financement des petites et moyennes entreprises est difficile. Les investisseurs sont réticents à s’engager dans des entités fragiles. Toutefois, des solutions commencent à émerger. La dernière en date est Lendopolis, plate-forme de prêts aux très petites et moyennes entreprises du site de financement participatif KissKissBankBank. Elle fait suite à d’autres possibilités déjà existantes comme Enternext, filiale d’Euronext, pensée par Dominique Cerutti, qui ont le vent en poupe. Lancé en 2013, Enternext a d’ores et déjà levé plus de 1,8 milliard d’euros, et commence à faire des émules. L’année 2014 n’est pas encore achevée que les résultats de 2013 sont déjà dépassés. Un développement salutaire lorsqu’on a en mémoire que 99 % des entreprises européennes sont des PME et que seulement un tiers des entrepreneurs a eu accès au financement dont il avait besoin pour lancer sa société en 2013.
Un plan d’investissement européen au stade embryonnaire
Conjugué à ces initiatives alternatives, le plan d’investissements de 300 milliards d’euros étalés sur trois ans, proposé par le nouveau président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, semble tomber a point nommé. Ce « New deal », comme l’a qualifié le ministre de l’Economie français Emmanuel Macron, s’il n’est pas encore conclu, fera l’objet de discussions entre les partenaires européens dans les prochaines semaines. Banque européenne d’investissement (BEI) et Commission vont quant à elle mettre en place une task force, au sein de laquelle chaque Etat membre aura un représentant. Les choses semblent bien engagés, mais l’affaire est encore loin d’être dans le sac.
Visant à promouvoir « des projets durables, créateurs d’emploi, qui aident à restaurer la compétitivité en Europe », le « plan Juncker » en est encore au stade embryonnaire. S’il ne propose pas de creuser davantage la dette, mais de redéployer des fonds existants tout en incitant le secteur privé à investir, faire accepter ce plan à l’ensemble des Etats membres ne devrait pas être une partie de plaisir. L’Allemagne en particulier, emmenée par Angela Merkel, farouche partisane de l’orthodoxie budgétaire, devrait se montrer réticente. La solution semble à portée de main, mais le bras de fer pour l’adopter ne fait que commencer.
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