En Europe et dans le monde, 27 élections reportées à cause du coronavirus

, par Alexis Vannier

En Europe et dans le monde, 27 élections reportées à cause du coronavirus
Image par pjedrzejczyk de Pixabay

L’épidémie du coronavirus représente un immense défi pour tous les États : les démocraties doivent maintenir l’équilibre entre droits fondamentaux et sécurité et les régimes autoritaires doivent maintenir leur contrôle face au principe de réalité. Les nombreuses mesures de confinement prises à travers le monde sont autant d’obstacles au maintien de scrutins électoraux. Ainsi, ce n’est pas moins de 27 consultations populaires, en Europe et dans le monde, qui sont reportées à cause du virus. À l’heure actuelle, très peu ont une nouvelle date fixée.

La Corée du Sud cependant, grâce à sa lutte reconnue contre la propagation a néanmoins décidé de maintenir ses élections législatives. Ce fut un succès pour le Président Moon, dont sa majorité sort confortée, mais également pour la démocratie puisque le scrutin a rassemblé les deux tiers des sud-coréens, plus haut taux de participation depuis 1992.

En Europe…

La refonte du pouvoir continue en Arménie

Le référendum constitutionnel arménien qui devait se tenir le 5 avril est une conséquence directe de la « révolution douce » de 2018. Cette gigantesque manifestation populaire avait poussé l’ancien Président Serge Sarkissian, au pouvoir depuis 2007, à la démission et porté au pouvoir le très populaire Nikol Pachinian qui a fait de la liquidation de l’ancien régime gangrénée par la corruption sa priorité.

La réforme proposée par le Premier ministre Pachinian revient sur une disposition constitutionnelle permettant à la majorité des juges de la Cour constitutionnelle de rester en place jusqu’en 2036. Acquise à la cause de l’ancien Président déchu, elle bloque farouchement toute tentative de réforme. Il est toujours délicat de s’attaquer à une cour constitutionnelle, mais gageons que le peuple arménien saura manifester de nouveau sa colère contre d’autres dérives autoritaires.

Dépendances britanniques : entre progrès sociétal et représentation

Alors qu’elle s’inquiète des répercussions du Brexit sur ses échanges locaux, la caribéenne Anguilla a vu ses élections législatives repoussées de plusieurs mois, jusqu’au 11 septembre. Une consultation sur la formation d’une circonscription unique devait se tenir sur l’archipel des Malouines, au large de l’Argentine, proposition qui n’emballe pas les Malouins qui ont déjà refusé la modification en 2001 et 2011. Enfin, un référendum sur l’avortement a été programmé à Gibraltar. Il permettrait aux femmes d’avorter dans les situations de viol, d’inceste ou de risque sur la vie du fœtus et/ou de la mère. La proposition comporte une objection de conscience pour les personnels de santé refusant cette pratique. En outre, la prison à vie serait toujours appliquée pour les autres cas.

Un référendum qui porte malheur en Italie

Ce référendum est décidément maudit… Déjà soumis en 2016 par Matteo Renzi, il avait été rejeté par les Italiens, qui avaient ainsi poussé Renzi à la démission, entrainant de nouvelles élections et la formation de la coalition Movimento 5 Stelle et la Lega d’extrême droite… Cette modification constitutionnelle propose de réduire le nombre de parlementaires (de 600 à 400 pour les députés, et de 315 à 200 pour le Sénateurs). Soutenu par la majorité de la classe politique, le référendum a de grandes chances d’être adopté, ce qui pourrait donner des idées au Président Macron qui a fait la même promesse en 2017.

Scandale mafieux derrière les élections en Val d’Aoste

Selon certains journalistes, le président de la région aurait bénéficié du soutien de la mafia pour remporter les élections depuis des décennies. Le scandale a entraîné la démission du président et d’une partie de ses proches. Dans ce petit territoire du Nord ouest de la Botte, c’est la Lega qui caracole en tête des sondages.

Les espoirs de réunification suspendus aux urnes nord-chypriotes

Le Président sortant de la République turque de Chypre du Nord, État reconnu seulement par la Turquie voisine, Mustafa Akıncı est en mauvaise posture face au candidat du Parti de l’Unité nationale, fervent soutien du président Turc Erdoğan. Ce scrutin est d’autant plus crucial que les négociations piétinent, et une réunification de l’île perdrait là un de ses soutiens de poids.

Les maires français en attente du deuxième tour

Difficile de commenter un résultat partiel dans ces circonstances si particulières. En effet c’est à la veille du confinement que les Français étaient appelés aux urnes pour élire les exécutifs locaux. La prime au sortant semble avoir fonctionné dans de nombreuses grandes villes notamment à Paris avec la victoire au 1er tour d’Anne Hidalgo (parti socialiste), Lille, Toulouse ou encore Rennes. À noter également une poussée des écologistes dans les métropoles. Les autorités, devant la propagation du virus et les très mauvais chiffres de la participation pour le premier tour ont donc logiquement décidé de reporter le second tour, dans les rares (14%) mais grandes communes où il est nécessaire.

Les nationalistes de la périphérie espagnole gonflés à bloc

En Espagne, ce sont trois régions qui doivent renouveler leur Parlement local, et pas des moindres, puisqu’il s’agit de la Catalogne, le Pays-Basque et la Galice, les régions où l’indépendantisme est le plus marqué. Ainsi, si le Parti populaire est en tête dans les intentions de vote dans son bastion galicien, ce sont les nationalistes qui dominent pour l’instant dans le Pays Basque et en Catalogne, et ce, alors que le parti indépendantiste catalan de gauche fait vaciller la coalition gouvernementale dirigée par les socialistes du PSOE et la gauche anticapitaliste Podemos, sur la stratégie économique de déconfinement.

Un appel au boycott pour les élections en Serbie

Le Président Vučić avait décidé d’anticiper quelque peu le scrutin législatif, le faisant coïncider avec les municipales, pour asseoir sa majorité et se passer de son allié du Parti socialiste, nécessaire pour obtenir la majorité au Parlement. Seulement, les dérives autoritaires du Président font grincer de plus en plus de mâchoires, et notamment celle de la Commission européenne qui a critiqué les conditions électorales et les attaques de plus en plus insistantes sur la liberté de la presse, mais surtout celles de milliers de manifestants qui défilent contre Aleksander Vučić depuis décembre 2018. La Serbie a ainsi perdu 24 places dans le classement établi par Reporters sans frontières sur la liberté de la presse en deux ans.

Respectant une promesse qu’ils avaient faite à ces mêmes manifestants, trois coalitions d’opposition de gauche et antisystème ont décidé de boycotter ce scrutin, stratégie qui pourrait donner les pleins pouvoirs au gouvernement nationaliste, libéral, pro-européen et pro-russe, et au Président.

Retour aux urnes pour Les Macédoniens après le refus (initial) de l’UE

À la suite du nouveau veto –notamment français– mis à l’ouverture des négociations d’adhésion entre l’Union européenne et la Macédoine du Nord, le Premier ministre Zoran Zaev a décidé d’avancer les élections législatives. En effet ce nouveau refus a sonné comme une douche froide pour le pays qui a changé de nom afin de mettre fin au conflit qui l’opposait avec la Grèce. Néanmoins, cette petite manœuvre – les élections ont été anticipées de huit mois – peut aussi être analysée comme un moyen pour le gouvernement de renforcer sa majorité après sa victoire –sans gloire– aux dernières présidentielles et surtout son adhésion à l’OTAN le mois dernier.

D’autant qu’après l’adoption des réformes sur la politique d’adhésion en faveur d’une plus grande sévérité notamment sur les questions de l’état de droit, les institutions de l’UE ont finalement donné leur feu vert pour ces négociations.

La réforme constitutionnelle russe taillée pour Poutine

La Russie s’apprêtait à approuver des modifications constitutionnelles par référendum et parmi les changements proposés par la Douma, chambre basse du Parlement, et approuvés par le Président Poutine, l’on trouve notamment la garantie que le salaire minimum ne peut être en-dessous du revenu minimum de subsistance, la révocation par le Sénat des juges fédéraux et des Cours suprêmes et constitutionnelle, l’interdiction d’une double-nationalité aux Président, ministres, juges, chefs d’autorités locales, l’allongement de rallonge la durée de résidence en Russie pour être candidat à la fonction suprême à 25 ans contre 10 actuellement, ainsi que la remise à plat des mandats présidentiels, ce qui permettrait théoriquement à Vladimir Poutine de conserver sa place jusqu’en 2036. Gageons que ce contretemps lui en fasse gagner un peu plus…

La politique britannique frappée de plein fouet

Au Royaume-Uni, le coronavirus s’est ici aussi frotté au monde politique. Le Premier ministre Boris Johnson a d’ailleurs fait les frais de son propre laxisme initial face à cette pandémie. De plus, il a été décidé de repousser d’un an les élections locales qui devaient se tenir notamment à Londres, où le maire sortant travailliste Sadiq Khan fait figure de favori.

À noter également le report des élections municipales autrichiennes en Styrie et dans le Vorarlberg.

Ailleurs dans le monde :

Comme l’Europe, tous les continents sont touchés par cette épidémie, reléguant les processus démocratiques à plus tard. C’est ainsi le cas des primaires démocrates en vue de la présidentielle étasunienne de novembre prochain. Si les États n’ayant pas encore désignés leurs grands électeurs semblent tous avoir fixé la date de report, l’ancien vice-président Joe Biden fait désormais la course seul après la suspension de la campagne de Bernie Sanders.

En Bolivie, la grave crise politique et institutionnelle qui a suivi l’élection présidentielle le 20 octobre 2019 et la démission du Président Evo Morales ainsi que du gouvernement et des présidents des assemblées, devait être résolue le 3 mai. Ce sont ainsi les scrutins présidentiel, législatif et sénatorial qui sont repoussés.

C’est également un scrutin de sortie de crise qui devait se dérouler au Chili voisin. De graves tensions ont dégénéré en manifestations massives parfois réprimées dans le sang en fin d’année dernière. Pour apaiser les tensions, refusant une démission, le président Piñera a proposé la rédaction d’une nouvelle Constitution. Scrutin reporté au 25 octobre prochain.

En Asie, les Sri-lankais doivent renouveler leur Parlement et tenter de retrouver une stabilité politique après une année marquée par une dissolution inconstitutionnelle et une crise politique – encore une – larvée ; de plus les habitants de Palawan aux Philippines devaient se prononcer sur la partition administrative de l’île, soumise à des tensions ethno-religieuses.

En Éthiopie, les élections législatives représentent un défi pour le Premier ministre Abiy Ahmed, récemment récompensé pour ses efforts de réconciliation avec la dictature érythréenne voisine du Prix Nobel de la paix. Défi intérieur car il doit faire face aux revendications régionalistes qui ont germé avec une certaine libéralisation politique du pays. Défi extérieur aussi car ce scrutin est un test pour estimer le niveau de démocratie du pays pour les partenaires internationaux.

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