En Allemagne, 1200 milliards d’euros pour lutter contre le coronavirus

, par Sarah Bronsard

En Allemagne, 1200 milliards d'euros pour lutter contre le coronavirus
Photo : Flickr - Arno Mikkor (EU2017EE)

La lutte contre le COVID-19 pourrait revenir plus chère à l’Allemagne que la réunification, selon les experts. Pour faire face à cette crise sanitaire sans précédent, le gouvernement fédéral vient d’adopter en un temps record un plan de sauvetage inédit pour relancer l’économie, qui s’élève à la somme astronomique de 1200 milliards d’euros.

La chancelière allemande : un roc dans la tempête ?

Alors qu’elle fut l’objet de nombreuses critiques au sein même de son propre gouvernement, la chancelière allemande semble être de retour. Fidèle à son style serein et pragmatique, Angela Merkel s’est prononcée pour la première fois lors d’un discours télévisé en direct devant des millions de citoyens allemands - en dehors des vœux de fin d’année, bien entendu.

Appelant à la solidarité collective et au sérieux de chacun, les Allemands retrouvent ces derniers jours les qualités de gestion de crise qu’ils apprécient beaucoup chez « Mutti ». Au-delà des mesures restrictives annoncées au fur et à mesure de l’évolution de la crise, que prévoit-elle pour sauver l’économie du pays ?

La fin de la « sacro-sainte règle du déficit budgétaire public » ...

L’année 2020 sera marquée par les ravages du coronavirus dans le monde entier, qu’ils soient d’ordre humanitaire ou économique. Pour l’Allemagne, la situation a pris un autre tournant, tout autant inattendu : le renoncement à la « sacro-sainte règle du déficit budgétaire public », au « schwarze Null » (zéro noir) qui guide la politique économique de notre voisin outre-Rhin. La chancelière allemande Angela Merkel avait été critiquée maintes fois par ses homologues européens pour la conduite de sa politique économique, toujours fidèle à son équilibre budgétaire strict. Depuis 2014, l’État allemand a donc pu éviter tout nouvel endettement.

Pour faire face aux conséquences économiques du coronavirus, le ministre des Finances Olaf Scholz, surnommé « Mister zéro déficit », a annoncé un nouvel endettement de 156,3 milliards d’euros, rompant ainsi avec la politique actuelle. La chancelière étant actuellement confinée chez elle, il l’a remplacée en justifiant de telles mesures, affirmant que les semaines à venir s’annonçaient difficiles et nécessitaient une solidarité accrue. « Dafür gibt es kein Drehbuch » - Il n’existe pas de scénario pour une telle situation.

... qui nécessite un changement constitutionnel

Le credo budgétaire allemand repose sur deux règles essentielles : le frein à l’endettement, (« Schuldenbremse »), inscrit dans la Constitution allemande depuis les critères de convergence du traité de Maastricht, interdit de contracter toute nouvelle dette fédérale excédant 0,35% du PIB. Ainsi, le gouvernement allemand est contraint de faire abroger cette loi constitutionnelle, du jamais-vu depuis la réunification allemande. La deuxième règle, basée sur un budget fédéral au moins à l’équilibre (« Schwarze Null ») appartient également au passé.

Que prévoit ce plan d’aide colossal ?

Protéger les services de santé, maintenir les rémunérations des citoyens, stabiliser l’économie et préserver les emplois - telles sont les missions de ce plan de sauvetage.

Pour ce faire, le gouvernement prévoit de verser 3 milliards d’euros aux hôpitaux et de doubler le nombre de lits dans les services de soins intensifs, passant ainsi de 28 000 à 56 000 lits. L’Allemagne est ainsi deux fois plus équipée que l’Italie, alors qu’avec 28 000 lits disponibles, elle se situe déjà dans les taux les plus élevés des pays de l’OCDE, avec 6 lits pour 1 000 habitants. A titre de comparaison, l’Hexagone compte 5 500 lits en soins intensifs.

Autre mesure prévue : le soutien financier pour les familles devant garder leurs enfants à cause de la fermeture d’écoles ainsi qu’un soutien pour les locataires.

La mesure la plus importante - et la plus coûteuse - concerne l’économie et le maintien d’emplois. Tout comme en France, l’augmentation du nombre de personnes se retrouvant au chômage technique pourrait aider les grandes entreprises à maîtriser leurs coûts. Le nombre de personnes qui pourrait en bénéficier s’élève à 2,15 millions. Les petits entrepreneurs, les indépendants, les photographes, les musiciens, les aides-soignantes qui n’obtiennent pas de crédits en ce moment, pourront bénéficier d’un programme qui leur versera des indemnités allant de 9 000 à 15 000 euros. Le gouvernement met 50 milliards d’euros à disposition de ces personnes pour assurer leur niveau de vie pendant trois mois.

Quant au sauvetage des grandes entreprises, le gouvernement fédéral prévoit la mise en place d’un fonds de stabilisation économique (« Wirtschaftsstabiliserungsfonds ») à hauteur de plusieurs milliards d’euros. Des entreprises comme la Lufthansa pourraient également être nationalisées avant d’être à nouveau privatisées à la fin de la crise, tandis que d’autres régleraient leur impôts plus tardivement.

Le Conseil économique des sages (« Wirtschaftsweisen ») prévoit une profonde récession

Ces mesures nécessiteront un endettement de 156,3 milliards d’euros. Un endettement qui s’explique majoritairement par ces deux chiffres : 122,8 milliards d’euros pour le coût de programmes d’aide et 33,5 milliards d’euros en moins d’impôts. En tout, ces mesures s’additionnent pour former la somme astronomique de 1200 milliards d’euros. La propagation du virus entraînera une profonde récession économique, selon le Conseil économique des sages. En 2020, l’économie allemande accusera donc un recul important, dont l’ampleur est actuellement encore difficilement prévisible.

Et pourtant, malgré les efforts pour endiguer le virus, les critiques sont déjà nombreuses. Les milliards pour le système de santé ne seraient pas assez, tout comme le montant du chômage technique dont bénéficieront les personnes au revenu faible. Si les inquiétudes des experts devaient être avérées, il semblerait que l’État allemand soutienne davantage les entreprises que les citoyens, pour éviter à tout prix un effondrement de son économie.

Les conséquences morales de cette pandémie s’annoncent également considérables, à l’image du suicide du ministre des finances de l’état de Hesse (la région de Francfort-sur-le-Main), Thomas Schäfer. Selon le ministre-président Volker Bouffier, celui-ci était « profondément inquiet des conséquences du Covid-19 ».

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