Emmanuel Maurel : « L’Europe a vocation à rester un grand continent industriel ! »

, par Mathieu Moreau

Emmanuel Maurel : « L'Europe a vocation à rester un grand continent industriel ! »

Emmanuel Maurel, second sur la liste PS-PRG de la circonscription Ouest pour les élections européennes 2014, livre au Taurillon sa vision de l’Europe, et évoque les défis qu’elle devra affronter ces prochaines années : lutte contre le chômage des jeunes, harmonisations sociale et fiscale, politiques monétaire et industrielle…

L’Union européenne connaît un fort chômage des jeunes et a mis en place certaines mesures- la Garantie pour la Jeunesse du Paquet Emploi- pour faciliter leur insertion professionnelle… Mais l’Europe en fait-elle assez pour ses jeunes ?

L’Europe, et notamment l’Europe du Sud, connaît un fort taux de chômage des jeunes lié à la conjoncture et à la politique d’austérité menée jusqu’à présent. Une grande partie du chômage des jeunes sera résolue par une politique de relance de l’activité économique. La Garantie pour la Jeunesse est une initiative européenne qu’il faut saluer : François Hollande s’est d’ailleurs investi personnellement sur cette question lors du Sommet de Novembre 2013, où il a été décidé de débloquer 6 milliards d’euros pour contrer cette situation dramatique. C’est insuffisant, mais c’est un premier pas vers une prise de conscience continentale de cet enjeu ! Il faut aller plus loin en élargissant l’action européenne aux apprentis et aux demandeurs d’emplois, pour généraliser leur mobilité à l’échelle européenne.

Comment améliorer concrètement la mobilité professionnelle en Europe ? Les systèmes de formation professionnelle varient grandement d’un pays à l’autre...

En effet, l’apprentissage n’est pas conçu de la même manière en Allemagne et en France. Il sera difficile d’harmoniser les systèmes nationaux d’apprentissage : même si le principe de l’alternance est reconnu partout, les modalités restent très différentes (rémunération des apprentis, etc…). Les jeunes ayant eu la chance de faire un apprentissage dans un autre pays européen voient leur insertion professionnelle nettement améliorée. Dans le cadre de l’harmonisation sociale que j’appelle de mes vœux, il est évident qu’il faudra une harmonisation des systèmes de formation professionnelle. L’idéal est d’arriver à faire pour les apprentis et les demandeurs d’emplois ce qu’on est arrivé à faire avec Erasmus !

« Maintenant la Gauche », le courant du Parti Socialiste que vous animez avec Marie-Noëlle Lienemann et Jérôme Guedj prône une harmonisation sociale et fiscale européenne : mais quelles en seraient les modalités ?

On a présenté l’Europe à nos concitoyens comme un espace de solidarité en voie de construction. Or, 22 ans après le Traité de Maastricht, on se rend compte que l’Europe est plus dans la compétition et la concurrence que dans la solidarité et la collaboration ! L’Europe sociale telle que la présentait déjà François Mitterrand reste balbutiante ! Contre la course au moins disant social, il faut clairement poser la question de l’harmonisation fiscale : empêcher les États membres de rentrer en guerre économique, et les travailleurs d’être mis en concurrence. L’harmonisation sociale est abordée dans le programme du PSE autour de la revendication d’un Traité Social, d’un SMIC européen (mis en place progressivement) et d’une révision de la Directive sur les travailleurs détachés. La question de l’harmonisation fiscale est tout aussi urgente : certains pays pratiquent le dumping fiscal sans être inquiétés, en baissant massivement leurs impôts sur les sociétés...

Cette harmonisation pourrait-elle être un premier pas vers un budget européen plus conséquent ? L’occasion de réfléchir à des ressources propres pour l’UE, à une forme d’impôt européen’ ?

Est-ce que cette harmonisation peut déboucher sur un impôt européen ? Oui, sûrement un jour ou l’autre ! Mais il ne faut pas que ce soit un impôt qui s’ajoute à d’autres impôts, et qui alourdisse la fiscalité pesant sur les citoyens ! Il faudra réfléchir collectivement à sa forme, mais de nouvelles ressources propres seront nécessaires, c’est incontestable ! Le budget de l’UE est minuscule : il faut l’augmenter si nous voulons une véritable ambition européenne.

Une Taxe sur les Transactions Financières vous paraît-elle nécessaire pour l’Europe ? Quel est votre avis sur les positions récentes de la France et de la Grande-Bretagne à ce sujet ?

Le principe de la Taxe sur les Transactions Financières (TTF) me paraît totalement légitime, et plébiscité par les citoyens : le capitalisme financier - qui sert assez peu l’économie réelle- doit être mis à contribution pour financer des projets d’investissements européens. Ce sera une bataille très rude : on s’attaque de front à la finance ! Il faut lutter contre le comportement spéculatif et souvent irrationnel des marchés. La TTF est une bonne idée : on peut voir dans les récents développements politiques –l’accord trouvé entre certains États membres- un verre à moitié plein ou à moitié vide. On peut être déçu par la faiblesse des montants récoltés et des taux frappants les produits dérivés : c’est mon cas ! Mais on peut aussi être satisfait du nombre élevé de pays européens voulant mettre en place cette taxe. Dans tous les cas, il faudra être plus intransigeant avec les banques, les paradis fiscaux, et les fraudeurs…

Votre document « Mettre en œuvre un plan de relance écologique et social pour la France et l’Europe » mentionne la nécessité de faire des investissements en commun pour innover et ancrer les emplois en Europe. Est-ce à dire que vous soutenez l’idée d’une politique industrielle européenne ?

L’Europe n’est pas vouée à être un espace de service, alors que l’industrie serait laissée à d’autres ! De même, au sein de l’UE, il n’y a aucune raison de sous-traiter l’industrie lourde aux allemands : cette idée est insupportable ! L’Europe a vocation à rester un grand continent industriel ! Des coopérations sont nécessaires entre pays et redonneraient du sens à l’Europe : plutôt que de se faire la guerre entre grandes entreprises nationales, on pourrait construire de grandes entreprises à l’échelle européenne qui seraient crédibles à l’échelle internationale. C’était un discours que Jacques Delors portait déjà, mais qui n’a pas pour l’instant été suivi d’actes : les budgets recherche et innovation sont trop faibles. L’Europe peut être leader dans certains domaines comme la transition énergétique : la France et l’Allemagne ont un intérêt commun évident à travailler sur cette question. L’Europe peut être aussi leader sur les transports collectifs, ou encore sur la « transition numérique », domaine dans lequel elle a pris du retard. De plus, pour protéger nos savoir-faire et nos travailleurs, l’Europe devra revoir les conditions d’échange avec ses partenaires commerciaux, dans l’optique d’un ‘juste échange’ - face à des pays qui ne respectent pas nos normes environnementales et sociales.

Pensez-vous que l’Euro soit surévalué ? L’Allemagne ne semble pas handicapée dans ses exportations par ’l’euro fort’ : quelles solutions proposez-vous ?

L’euro est fort par rapport aux grandes monnaies internationales : l’Allemagne est vigilante sur le sujet car Angela Merkel veut avant tout protéger ses épargnants ! La solution est de sortir du dogmatisme qui consiste à dire que le seul objectif de notre politique économique est la lutte contre l’inflation, et qui se traduit par une politique monétaire très rigide ! J’ai visité récemment une entreprise innovante en Charente Maritime réalisant 25% de son chiffre d’affaire aux États-Unis : si l’euro baissait à 1.15 dollars, ses exportations progresseraient d’environ 50% ! La baisse de l’euro aura un rôle décisif dans certains secteurs industriels. Je veux qu’en matière de politique monétaire, l’Europe soit aussi souple que les États-Unis ou la Chine… Il faut une vision politique de la politique monétaire !

Par rapport à cette vision politique nécessaire, quels espoirs suscitent en vous la candidature de Martin Schulz à la Présidence de la Commission européenne ?

Le choix de Martin Schulz représente un changement de cap : il s’est engagé à exclure les investissements productifs du calcul des 3% du déficit budgétaire ! Il défendra également le principe selon lequel le pays où une entreprise fait des profits sera le pays où l’entreprise est imposée ! Martin Schulz a cette habitude du compromis qui est le propre des institutions européennes, et en même temps, il a compris que si on voulait sauver le projet européen, on ne peut pas continuer sur cette voie folle de l’austérité et de la concurrence entre travailleurs ! Il faut lui donner les moyens politiques de ses ambitions : une majorité de gauche au Parlement européen !

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