Un rejet inédit du budget
C’est le rejet en novembre dernier, par les deux formations de gauche radicale, le Bloc de gauche (BE), socialiste anticapitaliste, et la Coalition démocratique unitaire (CDU), du budget 2022 présenté par le gouvernement d’António Costa, qui a précipité ce scrutin. Avant même son passage dans la chambre monocamérale du parlement portugais, le Président de la République Marcelo Rebelo de Sousa, avait prévenu qu’il convoquerait des élections anticipées à l’issue du vote de la loi de finance qu’il qualifiait de « fondamentale » pour la reprise économique du pays.
C’est la première fois dans l’histoire de la démocratie portugaise (née en 1974) que le budget n’est pas approuvé par le Parlement. Cependant, les deux partis de gaucheavaient prévenu : le budget devra prévoir une abrogation des dispositions du code du Travail souhaitées par la Troïka durant les heures sombres de l’économie portugaise (crise de 2008), la gratuité des crèches ainsi qu’une augmentation des salaires et du montant des retraites pour obtenir leur aval. On connaît la suite.
Un scrutin anticipé qui ne ravit personne… ou presque
Dans un contexte continental de flambée de la pandémie de Covid-19, attisée par le très partageur Omicron, difficile d’organiser une élection sereine. Le gouvernement prévoit notamment l’augmentation de bureaux de vote mobiles afin de permettre aux électeurs isolés car « cas contact » (ils sont estimés à plus de 100 000) de pouvoir s’exprimer.
Le parti au pouvoir, le Parti socialiste, d’après les sondages, et la forte popularité de son dirigeant António Costa, devrait une nouvelle fois remporter ce scrutin. D’ailleurs, le Président Rebelo de Sousa, pourtant issu de l’opposition, forme un tandem de confiance avec Costa. Non négligeable après la réélection sans appel du Président il y a tout juste un an (60% au premier tour). Costa a même reçu le plein soutien de son homologue allemand, le nouveau chancelier Olaf Scholz.
Pour l’opposition en revanche, les choses s’annoncent différemment. Le principal adversaire du PS, le Parti social-démocrate, est encore englué dans une guerre des chefs intestine, malgré la victoire surprise de Carlos Moedas à la mairie de Lisbonne. Confiné depuis six ans dans l’opposition, le parti peine à retrouver une ligne claire.
Le rejet du budget sonne donc comme un pari risqué pour le Bloc de gauche et la Coalition démocratique unitaire. À la peine dans les sondages, ils sont éclipsés par les socialistes au pouvoir, allant jusqu’à être accusés d’avoir fait tomber un gouvernement majoritairement apprécié.
La droite radicale, sous la bannière Chega (Assez), a contrario, y voit là une opportunité de confirmer son très bon résultat à la présidentielle de 2021. Son leader André Ventura avait recueilli 11,9% des votes, dans un pays qui n’avait pas connu d’extrême droite depuis longtemps.
Enfin, à la manière d’Emmanuel Macron en France, l’Initiative libérale souhaite faire lever la voix du centre lors de ce scrutin.
Une gauche majoritaire, presque unitaire
En 2019, les dernières élections législatives du pays n’avaient pas réussi à mobiliser la moitié des électeurs avec seulement 48,5% de participation. Le Parti socialiste avait obtenu la première place en engrangeant 36,3% des voix et ajoutant 22 sièges aux 86 qu’il possédait. Les sociaux-démocrates réunissaient alors 27% des électeurs, et assuraient 79 représentants, 10 de moins qu’au scrutin précédent. Venaient ensuite le BE et la CDU en léger recul à 9,5% et 6,3% respectivement des votes, soit 19 et 12 sièges. Au niveau des petites formations, le Parti Personne-Animaux-Nature doublait son score et faisait élire 4 députés. Les animalistes néerlandais trouvaient là leurs premiers collègues députés en Europe ! Chega, les libéraux et Libre (écosocialistes) obtiennent chacun un strapontin.
Fort de cette belle victoire, António Costa fait le choix téméraire de diriger un gouvernement minoritaire, en se passant d’un accord de coalition avec ses traditionnels alliés à gauche, espérant obtenir des ralliements au cas par cas. Une stratégie risquée, qui l’avait fait tomber en novembre dernier.
Finalement, à l’issue d’un scrutin qui s’annonçait serré et que 42% des électeurs ont boudé (-9% par rapport à 2019), c’est encore le socialiste qui arrive en tête, et de loin ! Avec 41% des voix (en hausse de 5% par rapport à 2019) et 117 sièges sur 230, il s’assure la majorité absolue sur le fil. António Costa pourra ainsi se passer de ses alliés encombrants qui chutent lourdement : la gauche radicale perd 20 sièges au total, ayant rassemblé autour de 4,4% des votants pour le BE et la CDU.
Du côté de l’opposition, les sociaux-démocrates ne progressent pas, engrangeant environ 30% des voix et 71 sièges. Une maigre déception pour un parti qui n’a pas retrouvé les moyens de diriger le pays. La surprise vient néanmoins de la droite radicale : Chega obtient 7,15% des voix et passe d’un député à 12. Résultats en trompe l’oeil puisque son leader avait obtenu plus de 100 000 voix supplémentaires lors de l’élection présidentielle de janvier 2021. Quand aux Libéraux, ils frôlent la barre des 5% de voix, et obtiennent 8 strapontins, un record.
Les électeurs portugais ont donc renouvelé une deuxième fois leur confiance dans le gouvernement socialiste d’António Costa, une rareté que la quasi-totalité de la gauche européenne, particulièrement française, doit lui envier. António Costa aurait-il trouvé la formule magique ?
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