Il est important de rappeler que chaque État européen possède sa propre législation relative à l’avortement. En effet, la Cour Européenne des Droits de l’Homme de Strasbourg, n’a pas reconnu ce droit comme protégé par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales dans plusieurs décisions, et s’est donc refusée de condamner les États l’interdisant ou le restreignant. Au niveau de l’Union Européenne, ce droit n’est pas inclus dans la Charte des droits fondamentaux de l’UE, malgré un souhait en ce sens des députés européens réunis en session plénière le 7 juillet 2022. On peut néanmoins imaginer l’opposition de certains États membres à une telle évolution.
Avortement interdit ou limité dans plusieurs pays
En dehors de l’Union européenne, il y a le cas d’Andorre. Le petit pays entre la France et l’Espagne a inscrit l’interdiction de l’avortement dans sa Constitution, et les sanctions vont à 6 mois d’emprisonnement pour la femme à trois ans pour la personne ayant réalisé l’acte. Au sein de l’UE, Malte est le seul État interdisant totalement l’IVG, quel que soit le contexte ou la situation. Les médecins ayant pratiqué l’avortement ou les femmes ayant avorté peuvent risquer jusqu’à trois ans de prison. Il y a quelques mois, cela a mis en danger une Américaine qui s’était vue refuser un avortement alors que son bébé était condamné, et a fini par être transférée en Espagne pour procéder à l’intervention.
D’autres pays, comme la Slovaquie ou la Hongrie ont cherché à entraver ou à interdire le droit à l’avortement, comme la Pologne en 2016. Depuis janvier 2021, ce pays d’Europe de l’Est n’autorise l’IVG qu’en cas de viol ou de danger pour la vie de la mère. Cela a entraîné des contestations suite aux décès de femmes enceintes, les médecins refusant de réaliser un avortement car la loi les en empêchait ou car ils craignaient d’éventuelles poursuites s’ils pratiquaient un avortement, même dans les cas théoriquement autorisés. Ce fut tragiquement le cas d’Agnieszka, une femme de 37 ans qui était enceinte de jumeaux et qui a dû garder un des fœtus qui était décédé pendant sept jours dans son corps car les médecins refusaient d’intervenir tant que l’autre vivait encore. Depuis un décret du 12 septembre 2022, les femmes hongroises voulant avorter se voient contraintes d’écouter les battements de cœur du fœtus avant l’intervention.
Un droit en danger dans certains pays...
Dans les pays où l’Église catholique possède une grande influence, le chemin pour avorter peut être difficile. En Italie par exemple, où l’IVG est légale, la clause de conscience des médecins est un obstacle fort : en 2016, 71% des praticiens refusaient de pratiquer l’avortement, lequel pouvait heurter leurs convictions morales, religieuses ou éthiques. Cette clause de conscience peut amener une pénurie de médecins pouvant pratiquer une IVG, ce qui fait de facto reculer le droit à l’avortement. 23 pays européens prévoient cette disposition. Selon le gouvernement italien, cela entraîne entre 12000 et 15000 avortements clandestins par an dans le pays.
De nombreux gouvernements ont tenté de restreindre l’accès à l’avortement : au Portugal l’avortement est devenu payant en 2015 après avoir été légalisé en 2007 ; en Espagne le gouvernement de Mariano Rajoy a tenté de passer une législation très restrictive sur l’avortement, mais qui a échoué par l’absence de majorité ; en Slovaquie pas moins de 11 propositions de loi ont cherché à limiter l’accès à l’IVG en à peine 2 ans.
... Et en progression dans d’autres
À contre-chemin de ces pays, l’Irlande a assoupli sa législation concernant l’avortement. Après avoir été un des pays les plus restrictifs en la matière, interdisant sans exception et sanctionnant jusqu’à 14 ans de prison, le pays a revu sa réglementation après un référendum en 2018 où 66,4% des suffrages ont soutenu la légalisation de l’avortement. Cela a conduit la même année à abroger le 8e amendement de la Constitution (lequel prohibait l’avortement) et le Parlement a voté une loi autorisant l’IVG sans justification pendant les 12 premières semaines de grossesse, et jusqu’à 24 en cas de risque grave pour la santé de la mère.
En France, l’avortement a été dépénalisé et encadré légalement en 1975 par la célèbre loi Veil. La loi autorise l’IVG pendant les 12 premières semaines de grossesse, délai étendu à 14 semaines en 2022. Même si la clause de conscience existe pour les médecins en France (comme dans 22 autres pays européens), une loi a été adopté par le Parlement en 2017 créant un délit d’entrave à l’IVG : cette législation vise les sites de désinformation qui, intentionnellement, cherchent à dissuader les femmes d’avorter ou cherchent à les induire en erreur. Allant encore plus loin, les députés de l’Assemblée nationale ont voté en novembre 2022 pour inscrire le droit à l’avortement dans la Constitution, le Sénat a quant à lui voté pour inscire la « liberté » de la femme à avorter dans le texte consitutionnel le 2 février 2023.
En Europe, le droit à l’avortement est plutôt bien protégé, mais ce n’est pas pour autant que ce droit est protégé ad vitam aeternam. Les différences pour les délais sont assez importantes sur le continent : 10 semaines de grossesse (soit 12 semaines d’aménorrhée, depuis les dernières règles) pour la majorité des états, 14 en France ou 22 aux Pays-Bas. Des disparités existent encore entre les pays européens, le débat sur l’avortement n’est pas encore clos sur le Vieux continent.
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