Des contradictions du mouvement fédéraliste

, par Daniel Matteo, David Schrock, Lars Becker, traduit par Odile Romelot

Toutes les versions de cet article : [Deutsch] [English] [français]

Des contradictions du mouvement fédéraliste
Les Jeunes Européens Fédéralistes à Mauerpark, Berlin. Photo : Bowfinger26 - Flickr - CC BY-SA 2.0

Après que les présidents de l’Europa-Union (section allemande du mouvement fédéraliste européen) et de l’Union des Fédéralistes Européens ont été incapables de défendre un thème central de leurs associations, Lars Becker, Daniel Matteo et David Schrock ont publié un pamphlet. Ils ont tous les trois occupé des postes importants au sein des Jeunes Européens Allemagne.

L’échec des fédéralistes européens à mettre en place des listes transnationales a mis un problème sur l’agenda d’Europa-Union et de l’association-mère, mais ce problème n’est en soi pas nouveau. Par le passé, l’Europa-Union a rencontré des difficultés à articuler ses décisions, des conflits de positions empêchant ses représentants élus de défendre efficacement les positions des associations. Bien sûr, il est évident que dans la mesure où des personnes à la tête d’une association et actives politiquement seraient confrontées à des conflits d’intérêt envers leur parti et leur association, la position de l’association devrait passer au second plan. Pas seulement parce que l’engagement associatif est bénévole et le parti politique représente une activité professionnelle, mais aussi parce que le mandat indépendant d’un député européen est quelque chose de précieux et indispensable et ne saurait être uniquement consacré à la réalisation des positionnements politiques des associations.

L’Europa-Union est une association sans but lucratif avec des objectifs politiques clairs, définis dans la Charte, les documents constitutifs, le programme politique et à travers les différentes résolutions adoptées. Si toutes ces idées n’ont pas été couchées sur le papier pour se reposer tranquillement dans les archives, mais constituent réellement des apports à la future organisation de l’Union européenne, alors elles doivent être défendues. Et si nous ne parvenons pas à appliquer ces mêmes idées alors qu’elles sont au cœur de notre programme politique, alors nous devrions sérieusement reconsidérer notre capacité à partager nos idées.

Cette exigence ne date pas d’aujourd’hui. Elle refait régulièrement surface depuis des années, parfois sous la plume autocritique d’importants cadres du parti. C’est le cas de Christian Wenning, qui a autrefois été Secrétaire Général de l’Union des Fédéralistes Européens. Lucide, il déclara « Ce dont nous avons maintenant besoin, c’est de fournir un effort pénible. Il faut en finir avec les congrès (d’auto-)validation. » Il mentionnait ici un problème de taille. Trop souvent, nous nous réjouissons de réussir à rédiger une résolution bien raisonnable. Parfois, un suivi est assuré sous la forme d’un rapport écrit, dans lequel nous indiquons aux députés les décisions prises par l’association. Nous considérons ensuite que notre travail est terminé. Pourtant, un bon lobbyiste sait pertinemment que c’est à ce moment-là que le véritable travail commence, après la rédaction de résolutions et d’écrits en tout genre.

L’année suivant la publication de l’article « Stratégie des européens fédéralistes », Manuel Müller, le blogueur européen le plus connu d’Allemagne, a eu de nombreuses réflexions intéressantes issues de ses propres observations en tant qu’invité d’un congrès des associations. Il remarque que « à la fin, tous les participants se donnaient raison, plus par courtoisie que par conviction. On décidait de faire un peu de tout, de ne pas se disputer quant à l’ordre des priorités, et de poursuivre la discussion lorsque l’occasion se présente. » Il décrit là un mode d’action largement répandu dans l’association et tire la conclusion que l’Europa-Union est plus engagée à maintenir le statu quo qu’à devenir une véritable actrice fédéraliste progressive.

Les observations extérieures d’historiens étrangers à l’association, tels que Benjamin Zeeb et Brendan Simms, ont aussi de quoi nous laisser pensifs. Dans un petit livre intéressant paru en 2016, “L’Europe au bord du gouffre” (non traduit en français), tous deux constatent le faible succès du mouvement fédéraliste, en particulier de l’Union des Fédéralistes Européens et d’Europa-Union, durant les dernières années. Ils citent aussi Rainer Wieland, qui estime que « les listes des candidats européennes ne sont pas une préoccupation majeure », et en concluent que cette déclaration contribue à la « désunion du mouvement ». Si cette perception est aussi pessimiste, c’est parce qu’elle est fausse. Bien que notre mouvement ait des désaccords internes, les listes de candidats transnationales n’en font pas partie. Elles sont au cœur de notre programme politique (Programme de Düsseldorf, thèse 7) et de nombreuses résolutions de tous les organes, toujours approuvées à une écrasante majorité. Mais cela, seul le membre informé de l’association le sait. L’observateur externe, lui, interprète nos positions à l’aune de ce qui est transmis vers l’extérieur et de ce que nos porte-paroles expriment sur l’association.

Notre incapacité à communiquer plus clairement sur nos positions ne nuit pas seulement à nos idées, mais aussi à nous-mêmes. Simms et Zeeb sont des fédéralistes convaincus. Ils ont créé leur propre organisation, « Projet pour l’Union démocratique », avec pour objectif, entre autre, de mesurer nos performances. Leurs membres, engagés et brillants, seraient très bien accueillis chez nous, si seulement ils avaient l’impression que nous sommes encore aujourd’hui un acteur essentiel de l’intégration européenne.

Les conflits de position ne sont qu’une des raisons expliquant pourquoi nous sommes plus mauvais que nous devrions l’être dans la diffusion de nos idées. Cependant, nous sommes convaincus qu’ils sont une raison importante de notre échec qui pourrait facilement être résolu. En effet, il ne s’agit pas d’une tâche intellectuelle particulièrement ardue que de penser qu’une personne élue en tant que porte-parole ne devrait pas se trouver dans une position de conflit d’intérêt. Dans la mesure où notre président a bien servi l’association, il mérite sans aucun doute que nous lui accordions notre confiance. Toutefois, nous pensons que son successeur ou sa successeuse devra être élu/e selon ce nouveau critère. La transition ne devrait pas soulever de problème particulier ni n’avoir de conséquences personnelles. Ainsi, le Président et le Bureau de l’association accorderaient au Secrétaire Général un mandat politique fort, afin de le rendre plus puissant. En contrepartie, il devrait s’assurer d’accorder une place prépondérante aux positions de l’association lors des communications officielles. Dans les cas où le Président échouerait, le Vice-président sans risque de conflit d’intérêts ou le Secrétaire Général prendrait alors la parole au nom de l’association. Notre association-mère, l’Union des Fédéralistes Européens, a démontré de manière exemplaire que cela peut fonctionner. Lorsque Elmar Brok a défendu la position de sa fraction (le Parti Populaire Européen ndlt) et a parlé contre sa propre association, le Secrétaire Général a, dans une communication officielle et après l’échec du vote, clairement exprimé que l’Union des Fédéralistes Européens considérait les résultats du vote comme un échec.

Même avec ce mandat politique renforcé, nos difficultés à défendre nos idées ne seraient pas encore surmontées. Nous devons aussi parler de nos priorités et de nos stratégies, de la façon dont nous voulons nous organiser et qui devrait assurer quel rôle. Néanmoins, notre proposition pour un mandat politique plus fort pour le Secrétaire Général représenterait déjà une bonne solution temporaire, qui permettrait de régler simplement et rapidement un important problème.

Vos commentaires
modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?

Pour afficher votre trombine avec votre message, enregistrez-la d’abord sur gravatar.com (gratuit et indolore) et n’oubliez pas d’indiquer votre adresse e-mail ici.

Ajoutez votre commentaire ici

Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Suivre les commentaires : RSS 2.0 | Atom