Une présidente sortante en haut du sapin
Les Croates étaient appelés le 22 décembre dernier à voter pour renouveler la présidence du pays.
La présidente sortante, Kolinda Grabar-Kitarović (souvent raccourcie en KGK), se présentait une seconde fois. En effet, en 2014, les Croates ont décidé de placer pour la première fois de leur histoire une femme à la tête de l’État. C’est avec 32000 voix d’écart sur 2,2 millions (50,74% des suffrages) que KGK a été élue devant le président sortant Josipović soutenu par le SDP de gauche.
Avec Grabar-Kitarović, c’est le parti de la droite nationale-conservatrice, le HDZ qui était revenu à la tête de l’État après 15 ans d’absence. Les élections législatives qui ont suivi en novembre 2015 ont vu une nette progression du parti de droite, mais un seul député séparait son score du SDP. Après dix mois de difficiles négociations, le HDZ parvient à une coalition avec le Most, formation de centre-droit. Coalition qui sera vite emportée par de multiples scandales autour du passé nationaliste et pronazi de la Croatie. Un nouveau scrutin a donc eu lieu en 2016 : le HDZ l’emporte et allie ses 61 sièges aux 15 du HNS libéral.
Dernier scrutin pré-présidentiel, les européennes de mai 2019 ont vu une remontée des socialistes qui égalent le nombre de sièges (4) du HDZ.
KGK bénéficie d’un grand soutien populaire. Tour à tour députée, ministre de l’intégration européenne puis des affaires étrangères, elle a également occupée les sièges très enviables d’ambassadrice aux États-Unis et de Secrétaire générale adjointe de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN). Membre du HDZ, elle adopte des positions fermes, voire nationalistes sur le passé croate en Yougoslavie. KGK a néanmoins dérouté une partie de ses sympathisants catholiques en tempérant les positions de son parti sur des questions sociétales comme l’homosexualité et l’avortement.
Une guirlande de candidats qui penche à droite
À gauche, le principal opposant à Kolinda Grabar-Kitarović est l’ancien premier ministre Zoran Milanović qui a ainsi participé à la phase finale de l’adhésion de son pays à l’Union européenne le 1er juillet 2013, à la suite du référendum d’adhésion ayant vu la victoire du Oui à plus de 66% en 2012.
À droite cependant, les candidats se bousculent pour ravir le trône présidentiel. Ainsi, Miroslav Škoro est un ancien joueur de musique pop-folk, proche du HDZ, et soutenu par plusieurs formations de droite dure anti-immigration et eurosceptiques. Il se prononce en faveur d’un renforcement des pouvoirs présidentiels alors que le chef de l‘État n’a qu’un rôle de représentation nationale et internationale dans ce régime parlementaire.
Autre sensation du casting, le jeune Ivan Pernar. Passé par les écolos, il fonde en 2011 le parti « Bouclier humain » qui, comme son nom l’indique, prône un populisme, un protectionnisme hostile à l’OTAN et à l’UE et une lutte sans vergogne contre la corruption et la puissance des banques contre les intérêts de l’État. Il fait sécession en 2019 pour revendiquer une opposition claire à l’immigration illégale et l’accueil de nouveaux demandeurs d’asile.
Quelques surprises au déballage !
Le premier tour avait lieu le 22 décembre dernier, à la veille de Noël, et la liste des sondeurs n’a pas été tout à fait respectée. En effet, alors qu’elle dominait les sondages, KGK termine à la deuxième place du 1er tour avec 26,6% des voix, derrière le socialiste Milanović qui a effleuré les 30%. La surprise vient du côté du chanteur folk Škoro qui, avec plus de 24% des suffrages, parvient à siphonner une partie de l’électorat de droite au détriment de Kolinda Grabar-Kitarović.
En outre, pour la première fois depuis quinze ans, la participation au premier tour dépasse les 50%. Le trio de tête est suivi par des scores ne dépassant pas les 6%.
Finalement, et contrairement à l’élection de 2014-2015, la dynamique du premier tour s’est confirmée le 5 janvier : contre les sondages, c’est le socialiste Zoran Milanović qui est élu Président de la Croatie battant la sortante Kolinda Grabar-Kitarović, avec plus de 52% des voix. Il est intéressant de noter que beaucoup d’électeurs de la droite radicale ne se sont pas reportés vers elle, alors que les votes blancs et nuls ont été multipliés par 4.
L’élection de Milanović ne devrait pas nuir au bon déroulement de la présidence tournante du Conseil de l’UE (qui a commencé le 1er janvier), première édition croate pour le dernier arrivé dans l’UE, puisque c’est le gouvernement qui dirige les réunions et établit le programme, et encore moins la ville de Rijeka désignée, avec l’irlandaise Galway, capitale européenne de la culture pour 2020.
Cette élection peut néanmoins être un symbole d’un certain renouveau de la social-démocratie en Europe, face à la montée des populismes, comme l’attestent par exemple les dernières victoires de la gauche en Finlande, aux Pays-Bas, au Portugal ou en Espagne.
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