Dépasser l’Union européenne : le nécessaire choc démocratique

, par Valéry-Xavier Lentz

Dépasser l'Union européenne : le nécessaire choc démocratique
À Bruxelles, le 13 juillet dernier, Wolfgang Schäuble, Pierre Gramegna, Jeroen Dijsselbloem. © Union européenne

#NoGrexit, #YesFederation, proclamaient sur Twitter les militants JEF et UEF au cours du weekend du 11-12 juillet où l’Eurogroupe négociait à Bruxelles dans la perspective d’un 3e plan d’aide à la Grèce. Le spectre d’une expulsion de facto de l’euro de ce pays, qu’ont osé évoquer des irresponsables, semble à présent écarté. Mais l’évolution de la gouvernance de l’Eurozone et de l’Union vers la démocratie reste un chantier à ouvrir d’urgence.

La gestion de la crise grecque par les représentants des gouvernements des États-membres est indéfendable par toute personne sérieuse. C’est pourtant sans état d’âme que les communiqués satisfaits des acteurs de cet épisode ou de leurs affidés se sont multipliés lundi 13 juillet. « Bon accord, permet sortie impasse et maintien #Grèce zone euro : compromis très exigeant mais viable » nous dit — au hasard — Pierre Moscovici sur Twitter. Mais rares sont les remises en cause profondes de la « gouvernance » de l’Eurozone.

Il est pourtant à l’évidence essentiel aujourd’hui de la repenser complètement et plus généralement, cette Union européenne intergouvernementale post-démocratique. La confiscation du pouvoir politique européen par un praesidium de représentants des intérêts des élites politiques nationales doit cesser. Ils n’ont pas été élus pour exercer un pouvoir européen. Ils se satisfont de compromis a minima, dont l’objectif n’est pas de satisfaire l’intérêt général des citoyens européens, mais de préserver leur base de pouvoir sans jamais la remettre en cause.

On a affirmé que l’Europe dite « communautaire » constituait un modèle politique original, innovant, sui generis, qu’il conviendrait de préserver un juste équilibre entre une Europe des nations que l’on admet devoir dépasser et l’utopie dangereuse ou farfelue de fédéralistes qui oublieraient que les peuples ne seraient « pas prêts ». Au mieux évoque-t-on pour un avenir lointain la perspective d’une « fédération d’États-nations », oxymore dont la vocation est avant tout de préserver ce fameux État-nation, c’est-à-dire les privilèges des élites politiques dominantes en Europe.

L’imposture de cette approche éclate aujourd’hui au grand jour

La déclaration Monnet-Schuman du 9 mai 1950 traçait ouvertement la perspective d’une fédération européenne, c’est-à-dire d’une union qui serait non seulement une union d’États, mais aussi une union de citoyens, une communauté politique nouvelle. Les gouvernements successifs, pourtant tous soi-disant « pro-européens », s’en sont éloignés. Pourtant, l’Union européenne comporte des éléments de fédéralisme : une initiative autonome des gouvernements nationaux, des lois communes, une cour suprême, un Parlement et une monnaie.

Tout ce qui fonctionne dans la construction européenne est ce qui est basé sur un modèle fédéral. Mais ces progrès ont été systématiquement accompagnés par les gouvernements nationaux auteurs des traités d’un renforcement parallèle de mécanismes intergouvernementaux.

Cette approche, basée sur la logique diplomatique, mène au règne la connivence entre pairs, aux marchandages derrière des portes closes, à des prises de décision en amont où les assemblées d’élus sont mises devant le fait accompli. Ces mécanismes bafouent les principes démocratiques.

Fondé sur la confrontation de représentants dont la légitimité est uniquement nationale, l’intergouvernementalisme exacerbe jusqu’à la caricature les désaccords. Les raccourcis médiatiques qui assimilent un dirigeant à un État et un État à un peuple transforment bien vite une divergence en conflit symbolique entre « nations ».

Les absurdes sommets de la dernière chance à répétition, les conférences de presse simultanées où chacun tente d’imposer à « ses médias » son récit des événements sont non seulement inefficaces et a-démocratiques, ils sont aussi ridicules et dangereux.

Le contraste est frappant avec le processus habituel de production des lois européennes qui relève en revanche, avec ses consultations et ses travaux parlementaires, d’une formule démocratique exemplaire à laquelle il ne manque que la visibilité qu’apporterait une couverture médiatique adaptée.

Ceux qui défendent plus ou moins ouvertement un tel statu quo oeuvrent pour les partisans du recul et portent une responsabilité immense. Laisser croire, qu’entre le nationalisme des Le Pen et l’Europe post-démocratique des Hollande-Merkel, il n’y a pas d’alternative, c’est mener le continent vers de nouveaux drames. Les « eurosceptiques » proclamés ne sont pas les plus dangereux adversaires du projet européen : ce sont les européistes officiels qui refusent les évolutions radicales nécessaires qui tuent l’Europe aux yeux de ses citoyens.

Nous entendons à nouveau des souhaits de la part des nos dirigeants de voir l’Europe évoluer. Le 14 juillet, le président de la République française annonçait souhaiter un Parlement de la zone euro, l’une des demandes des organisations fédéralistes. Naturellement le risque est grand de voir ces voeux sombrer dans l’oubli dès le bruit médiatique autour des événements dissipé.

Les Européens sont désormais prêts à une rupture : la croyance dans l’Europe des gouvernements disparaît, mais l’espoir d’une autre Europe subsiste. Il reste à la concrétiser.

Cet objectif est à portée de main à condition de se mobiliser en sa faveur et de ne pas se contenter naïvement du bon vouloir de nos dirigeants politiques nationaux. Cette rupture indispensable implique d’oeuvrer, aujourd’hui, à l’instauration d’une République fédérale européenne, c’est-à-dire d’une Europe démocratique en parallèle des démocraties nationales. Le seul engagement européen sincère est celui-ci.

Vos commentaires
  • Le 24 juillet 2015 à 11:19, par Jean-Luc Lefèvre En réponse à : Dépasser l’Union européenne : le nécessaire choc démocratique

    Des fédéralistes utopiques « qui oublieraient que les peuples ne sont pas prêts » ? Un mensonge ! Parce que vers 1950, au sortir de la guerre, aucune peuple n’était prêt à suivre les fédéralistes farfelus qui ont décidé de la C.E.C.A. : les uns rétifs à mettre en commun des ressources stratégiques avec un agresseur de longue date, les autres rendus méfiants par un possible humiliation comme celle qui avait succédé à la première guerre ! Mais les décideurs de l’époque, qui savaient que leurs opinions publiques n’étaient pas prêtes, ont pourtant osé faire le pas ! Les peuples étaient même tellement frileux que l’un d’eux, celui de France ( ou plutôt ses élites, car il n’a pas été consulté !) ont refusé la Communauté de Défense en 1952 ! Les peuples ne sont jamais prêts mentalement à un saut dans l’inconnu et le radicalement nouveau. Prétendre le contraire relève de la démagogie ! L’opinion publique française, bercée par le ronronnement de ses élites, était-elle prête à admettre la pilule d’août 1914 et celle de mai 1940 et donc aussi le discours avant-gardiste d’un obscur colonel sur l’importance des blindés ? C’est même parce que les peuples ne sont jamais préparés à la rupture toujours insécurisante qu’il existe des hommes d’état, qui, comme était intitulé un ouvrage de J.F. KENNEDY, savent ce que signifie le courage en politique et assument le risque de ne pas être réélus ! Ces gens-là, on les cherche aujourd’hui, parce que la plupart confondent démocratie et démagogie ! Quant à consulter « le peuple », c’est le slogan cache - sexe des opportunistes, qui savent que le peuple est, par nature, frileux, conservateur et jaloux de ses droits acquis.

  • Le 24 juillet 2015 à 14:02, par Valéry-Xavier Lentz En réponse à : Dépasser l’Union européenne : le nécessaire choc démocratique

    @Jean-Luc Lefèvre : en réalité les citoyens semblent largement prêts à plus d’innovation que l’establishment politique national semble prêt à l’admettre. Le fait est que les critiques envers l’Union européenne concerne beaucoup plus souvent ce qu’elle ne fait pas (mais qu’elle devrait faire) que ce qu’elle fait. L’inaction , la non-Europe contribue au désenchantement tant il est est vrai que de traité en traité les gouvernements se payent de mots et promettent monts et merveilles alors qu’ils inscrivent dans le même temps dans les règles des mécanismes de blocage, destinés à préserver leur propre pouvoir, qui assurent pourtant que rien de sérieux ne sera fait. Ce décalage entre discours et mots n’est pas pour rien dans la méfiance que suscite aujourd’hui l’Union européenne.

    Lire à ce propos : La présidence de l’Union européenne n’existe pas et Pourquoi les eurosceptiques ne sont pas les pires adversaires des fédéralistes européens

  • Le 24 juillet 2015 à 17:31, par Lame En réponse à : Dépasser l’Union européenne : le nécessaire choc démocratique

    La gestion de la crise grecque par les représentants des gouvernements des États-membres (...)

    La crise n’est pas gérée exclusivement par les Etats membres, au nom des Peuples créanciers, mais aussi par le FMI, la BCE et la Commission européenne, moteur du MESF, FESF et maintenant du MES. Ces créanciers-là ne sont ni les moins influents à la table des négociations, ni les plus charitables et ils ont été remboursés en priorité.

    Il faut aussi relever que l’activité des institutions européennes au cours des dernières décennies a consisté essentiellement à déconstruire les Etats au profit des eurocrates et plus particulièrement en restaurant le capitalisme dérégulé d’antan. Unprocessus largement encouragé par les lobbies entrepreneuriaux, plus particulièrement ceux des USA et de la Chine.

    La gestion de la dette grecque a été avant tout axée sur la préservation du secteur bancaire privé, entité qui a largement influencé le traitement de cette crise par une campagne de lobbying conduite auprès des Etats membres mais aussi de la Commission européenne dans le cadre de la comitologie.

    (...) est indéfendable par toute personne sérieuse.

    Quelles sont les solutions proposées par la Commission ? Le renforcement de son pouvoir vis à vis des Etats eurolanders.

    Comme d’habitude, face à une crise, la Commission ne sait rien faire d’autre que tenter de profiter de la situation et d’appliquer les solutions imaginées par les Etats. En l’occurence, lancer un programme d’austérité digne de 1929 et organiser la vente des actifs de l’Etat grec à l’ancan. Des solutions qui rappellent furieusement les solutions du FMI en Argentine.

    J’en profite donc pour en proposer une alternative : un fond d’investissement inspiré du fond souverain norvégien et destiné à donner un répit aux Grecs grâce à un mode de remboursement alternatif.

  • Le 24 juillet 2015 à 17:55, par Lame En réponse à : Dépasser l’Union européenne : le nécessaire choc démocratique

    Pourtant, l’Union européenne comporte des éléments de fédéralisme : une initiative autonome des gouvernements nationaux, des lois communes, une cour suprême, un Parlement et une monnaie.

    En tant que citoyen européen et français, il me semble nécessaire de procéder à certaines rectifications :

     Une initiative législative contrôlée par les fonctionnaires et la lobbies, le Parlement en étant dépourvu comme c’était le cas en France sous le Consulat , la République de 1852 et les deux Empires.

     Des lois communes qui ne sont pas toutes votées par « le Parlement », y compris une partie du budget. Un Parlement qui est aussi crédible, en tant garantie démocratique, que le Reichstag de la Confédération d’Allemagne du Nord (modèle institutionnel de l’UE) ou la Douma de Nicolas II.

     Une monnaie de prestige réservé à une élite d’Etat membre. La seule monnaie DE L’UE, c’est l’ECU, simple outil comptable. A ce sujet, je suis partisan de la transformation de l’ECU en une monnaie d’échange subsidiaire en complément (voire en remplacement) de l’euro.

    Pour ce qui est de la Cour suprême, les citoyens gagneraient beaucoup à ce que les juges européens soient élus au suffrage direct et révocables par référendum. Des juges dont le droit de veto devraient pourvoir être levé par référendum sans que les juges européens puissent exercer un contrôle de conformité au droit sur les résultats des référendums. De telles mesures nous offriraient de bien nécessaires garanties contre toute dérive krytocratique de cette institution.

    Posez-vous la question : combien de fonctionnaires et commissaires européens approuveraient l’institution d’un pouvoir judiciaire européen démocratique ?

  • Le 24 juillet 2015 à 19:19, par Lame En réponse à : Dépasser l’Union européenne : le nécessaire choc démocratique

    Tout ce qui fonctionne dans la construction européenne est ce qui est basé sur un modèle fédéral.

    Il a trois intégrations européennes parallèlles :

    a. Celle des institutions communautaires. Elle produit des normes sur tout et rien et des dérégulations. Après l’adoption d’accord inégaux à l’OMC, son plus important chantier est la construction du Grand Marché Transatlantique. Encore des initiaves qui vont renforcer la popularité de « l’Europe qui protège » et qui permet aux Européens « d’être plus forts face aux grandes puissances ».

    b. Celle des Etats. Elle a produit l’ESA, Airbus, la Zone euro, l’Espace Schengen, les agences de l’UEO reprises par l’UE. Autant de réalisations dont les institutions européennes s’attribuent la paternité...tout en critiquant la mauvaise gestion des Etats membres au moindre problème.

    c. Celle des organisations subrégionales de l’UE : Benelux, Conseil nordique, Assemblée balte, Triangles de Weimar, Groupe de Visengrad, etc... Encore méconnue, cette forme d’intégration jouera certainement un rôle majeur dans le développement d’une vraie défense européenne commune.

    Fondé sur la confrontation de représentants dont la légitimité est uniquement nationale, l’intergouvernementalisme exacerbe jusqu’à la caricature les désaccords.

    Certes mais y aurait-il tellement de désaccord si les institutions européennes s’étaient attellés à développer l’esprit de corps entre les citoyens européens plutôt que la concurrence « libre et non faussée » ?

    Quand la Commission européenne a-t-elle proposé une monnaie commune adoptable par tous les Etats membres sans condition ? Quand a-t-elle proposé la création d’une sécurité sociale européenne ou, au moins, l’équivalent des medicaid et medicare de l’Etat fédéral américain ? Quand la Commission européenne a-t-elle repéré Où sont les politiques de coopération qui auraient permis aux citoyens de l’UE de développer des intérêts communs et un esprit de solidarité. L’UE fait beaucoup pour déréguler la circulation des marchandises et des capitaux. Par contre, en matière d’accès à l’emploi et de liberté d’établissement, l’UE n’est même pas au niveau de la Confédération en dépit des affirmations de sa propande. Quand les parlementaires européens lui ont-ils émis la moindre protestation sur cette situation ?

    Comme l’indique l’article, ce sont les eurocrates qui tuent l’UE dans le coeur des citoyens. Incriminer systématiquement les Etats membres n’y changera rien. Un début de solution serait la démocratisation des institutions européennes plus au plan électoral et référendaire, pour permettre aux citoyens européens de s’opposer à l’action des lobbies. Par exemple, ceux qui représentent les « fonds vautours » et autres usuriers au sein de la comitologie.

  • Le 24 juillet 2015 à 19:41, par Lame En réponse à : Dépasser l’Union européenne : le nécessaire choc démocratique

    Le 14 juillet, le président de la République française annonçait souhaiter un Parlement de la zone euro, l’une des demandes des organisations fédéralistes.

    On remarquera que le projet de communauté politique de l’euro est surtout soutenu par des associations et parfois par des mandataires des Etats membres. Ce n’est pas la Commission qui militera pour promouvoir cette idée, elle qui l’a critiqué plusieurs fois par le passé au nom de l’unité de l’UE.

    Cette rupture indispensable implique d’oeuvrer, aujourd’hui, à l’instauration d’une République fédérale européenne, c’est-à-dire d’une Europe démocratique en parallèle des démocraties nationales.

    Imaginons alors que l’on batisse cette Europe des régions à laquelle les fonctionnaires européens aspirent tant. Une Europe divisée en plusieurs centaines d’Etats régionaux au lieu d’une trentaine. Une Europe centralisée où les institutions européennes sont pérennisées et ne souffrent plus aucune contestation. Qui croit que les institutions européennes seraient dès lors plus aptes à résoudre les crises qu’elles ne l’ont fait jusqu’à présent au vu de leur comportement passé et présent ?

    Au mieux évoque-t-on pour un avenir lointain la perspective d’une « fédération d’États-nations », oxymore dont la vocation est avant tout de préserver ce fameux État-nation, c’est-à-dire les privilèges des élites politiques dominantes en Europe.

    Une fédération démocratique logiquement doit remplir trois conditions : a. Avoir une autorité fédérale démocratique. b. Avoir des entités fédérées démocratiques. c. Fonctionner selon les principes du fédéralisme.

    De ce point de vue trois constats s’impose : 1° Supprimer les Etats-Nations ne crée aucune démocratie européenne. 2° Seul les Etats-Nations sont assez forts pour être les entités fédérées et non de simples préfets de la commission. 3° La tutelle budgétaire institué par le pacte budgétaire s’inscrit dans la construction d’un Etat européen unitaire, pas d’une fédération.

    La fédération d’Etats-Nations, c’est donc simplement les "Etats-Unis d’Europe" au sens où l’entendent les citoyens. Diaboliser ce projet est absurde lorsqu’on est un eurofédéraliste sincère et non un partisan d’un SuperEtat unitaire déguisé en fédéraliste.

    A ce titre, une meilleure gestion de la Zone euro passera par la réduction du pouvoir de la BCE au profit de l’électorat de la Zone euro, pas par l’affaiblissement des Etats de la Zone euro au profit des fonctionnaires européens et des lobbies.

  • Le 25 juillet 2015 à 02:08, par thomas En réponse à : Dépasser l’Union européenne : le nécessaire choc démocratique

    Jean-Luc Lefebvre,

    Un authentique démocrate assume la démocratie et les choix politiques de son peuple et de ses représentants, même s’il ne les partage pas. Le courage politique que tu décris, et que tu appelles de tes voeux, c’est le courage de fouler au pied la démocratie, la souveraineté et l’expression des peuples. Ni plus, ni moins. Comme quoi, fédéralisme européen et démocratie ne riment peut-être pas l’un avec l’autre... Quant à ta tirade sur le conservatisme des peuples, « frileux » et « jaloux de leurs acquis » par nature, me fait penser à ceux qui, au lendemain d’une bataille perdue, dénonçaient l’esprit de jouissance chez les français qui avait jusqu’alors prévalu et ont, en vrais hommes d’Etat qui foulent au pied les opinions publiques, fait des choix politiques qui ont couvert de honte notre peuple.

  • Le 25 juillet 2015 à 13:05, par Alexandre Marin En réponse à : Dépasser l’Union européenne : le nécessaire choc démocratique

    Les accords à l’OMC et le TAFTA sont faits avec l’aval des Etats-membres. Ce sont eux qui demandent à la commission de négocier. Si le TAFTA ne passe pas, ce sera en grande partie du fait du Parlement européen qui doit le valider. D’ailleurs, lors de l’accord ACTA, qui contenait des dispositions similaires à ce qui devrait figurer dans le TAFTA, les Etats-Membres ont tous validé l’ accords, qui a été ensuite massivement rejeté par le Parlement européen, et n’est donc pas entré en application. Ce qui rectifie ce stéréotype du Parlement croupion.

    Quant à l’intégration parallèle des Etats, les avancées que vous citez n’auraient jamais vu le jour sans les institutions communautaires qui ont tout fait pour que les Etats trouvent un terrain d’entente, et ce n’était pas gagné.

    Dans le dossier grec, la commission a surtout un rôle d’arbitre dans les négociations s’efforçant de concilier les deux parties. Quant à la BCE, elle a tout fait pour que la Grèce demeure dans l’euro en rachetant ses obligations.

    D’ailleurs, je ne vois pas en quoi les institutions européennes dérégulent à tour de bras. Sans doute faîtes-vous référence au droit de la concurrence. Le droit de la concurrence est tout le contraire de la dérégulation : c’est un ensemble de règles visant à protéger les consommateurs des dérives de l’économie de marché, en interdisant que les opérateurs économiques se mettent d’accord pour ne pas baisser les prix, en interdisant les pratiques déloyales de certaines entreprises visant à se constituer un monopole artificiel, ou en interdisant aux Etats de donner de l’argent à de grandes entreprises, comme le fait l’Irlande avec Apple. Google risque une amende de 6 milliards d’euros pour n’avoir pas respecté les règles de concurrence et microsoft a du payer une amende d’1 milliard d’euros pour cette même raison.

    Un autre exemple, en 2008, lors du sauvetage des banques, la France était le seul pays à accepter un sauvetage des banques sans aucune condition, l’opération de sauvetage ayant été dirigée par un banquier de la BNP (chercher le conflit d’intérêts...). La commissaire à la concurrence a donc engagé des négociations avec la France pour imposer de conditionner l’aide aux banques pour ne pas avantager les grosses banques (comme la BNP) qui s’étaient mal comportées au détriment de banques plus modestes qui avaient eu un comportement beaucoup plus prudent et nettement moins opaque. Cette commissaire a été accusée d’ultra-libéralisme et d’aveuglement idéologique.

    L’Union bancaire est d’ailleurs une création des institutions communautaires qui vise à éviter que les citoyens ne payent pour les banques. Elle a difficilement été acceptée par les Etats.

  • Le 25 juillet 2015 à 13:07, par Alexandre Marin En réponse à : Dépasser l’Union européenne : le nécessaire choc démocratique

    Pour casser le mythe de l’Europe néo-libérale, je peux aussi vous citer le droit de la consommation. L’U.E est un des leaders mondiaux dans la protection des consommateurs grâce aux initiatives prises par la Commission et du Parlement européen.

    « Quand a-t-elle proposé la création d’une sécurité sociale européenne ou, au moins, l’équivalent des medicaid et medicare de l’Etat fédéral américain ? »

    Sur le droit du travail et la sécurité sociale, les intitutions communautaires n’ont aucun pouvoir du fait des traités signés par les Etats.

    La Commission européenne a cependant essayé à de nombreuses reprises d’adopter des initiatives dans le sens d’une Europe plus sociale, mais elle a toujours été bloquée par la France au début, puis par l’Allemagne et le Royaume-Uni. Pour les initiatives qui ont abouti, comme l’école de la seconde chance, visant à réinsérer des jeunes déscolarisés ou la garantie jeunesse, mécanisme de lutte contre le chômage des jeunes, les Etats-membres refusent d’accorder des budgets adéquats pour que ces politiques soient vraiment efficace, malgré les demandes et les protestations de plusieurs députés européens de différents courants politiques et de différentes nationalités.

    Le budget du gouvernement fédéral américain, c’est plus de 20% du budget des Etats fédérés. Le budget des institutions de l’U.E, c’est 1%. Là aussi, les parlementaires européens réclament depuis plusieurs années que les budgets communautaires destinés à la recherche, à l’innovation et au social soient augmentés.

    « Un début de solution serait la démocratisation des institutions européennes plus au plan électoral et référendaire, pour permettre aux citoyens européens de s’opposer à l’action des lobbies »

    Malheureusement, les Etats-membres demeurent très réticents à démocratiser le système européen. Les lobbies existent aussi en France, mais il n’y sont pas reconnus, ce qui fait que les pressions se font en toute opacité, ce qui les rend d’autant plus forts. A Bruxelles, on a décidé de reconnaître le phénomène pour mieux le contrôler.

    Je ne vois pas quand la Commission s’est opposée à une union politique, économique et monétaire, au contraire. Ce sont, là aussi, les Etats qui bloquent, notamment l’Allemagne. Tous les approfondissements économiques sont le résultat d’initiatives des institutions européennes et ont été très difficilement acceptés par les Etats.

  • Le 25 juillet 2015 à 13:07, par Alexandre Marin En réponse à : Dépasser l’Union européenne : le nécessaire choc démocratique

    Enfin, les juges, européens ou nationaux doivent être impartiaux, donc indépendants du pouvoir politique. C’est une garantie de la justice, qui ne peut être satisfaite,s i les juges ont peur de leur révocation. Imaginez qu’un citoyen soit condamné à mort en Hongrie sans avoir la possibilité de se défendre au cours d’un procès. Les juges européens pourraient valider cette condamnation par crainte d’un référendum les révoquant alors que la condamnation serait illégale.

    D’ailleurs pourquoi les juges européens devraient être élus et révocables par référendum, et pas les juges nationaux ?

  • Le 30 juillet 2015 à 10:42, par tralilou En réponse à : Dépasser l’Union européenne : le nécessaire choc démocratique

    Je cite : « Sur le droit du travail et la sécurité sociale, les intitutions communautaires n’ont aucun pouvoir du fait des traités signés par les Etats. La Commission européenne a cependant essayé à de nombreuses reprises d’adopter des initiatives dans le sens d’une Europe plus sociale, mais elle a toujours été bloquée par la France au début, puis par l’Allemagne et le Royaume-Uni ».

    Donc ce sont les Etats membres qui freineraient cette Europe sociale tellement voulue par la Commission ?

    Pourtant, juste 2 exemples, c’est en 2008 que cette Commission Européenne, si « sociale », propose d’augmenter la durée hebdomadaire de travail jusqu’à 60h... C’est le Parlement qui a rejeté ce texte et maintenu la durée maximale de référence à 48h. J’ajoute que cette proposition de directive de casse sociale était soutenue par le PPE...personne ne s’en étonnera.

    Autre exemple plus récent de la Commission Européenne, si soucieuse de (casse) sociale : la directive travailleur détaché, qui ne fait qu’aller plus avant vers le moins disant social, puisque poussant à une concurrence entre salariés vers l’appauvrissement, et poussant à une précarisation encore plus grande... Là encore, les députés du PPE ont voté oui comme un seul homme...

    Vraiment, oser dire que la Commission Européenne est « sociale » et que ce sont les Etats qui freinent des 2 pieds a quelque chose d’assez surprenant.

    Le vrai problème, c’est que l’UE, enfin les autocrates de Bruxelles soumis et vendus aux lobbys, est antisociale. Regardez ce qui se fait en Grece, en Espagne, au Portugal...recul des droits sociaux, recul des retraites, recul des salaires, pour le seul profit de quelques uns. C’est bien plutôt ça le social version Commission.

  • Le 31 juillet 2015 à 11:06, par Alexandre Marin En réponse à : Dépasser l’Union européenne : le nécessaire choc démocratique

    Quand vous avez un budget limité à 1% du PIB des Etats-membre, difficile de faire une politique sociale. Mais c’est la commission qui a mis en place la garantie jeunesse pour lutter contre le chômage des jeunes, l’école de la seconde chance, qui permet la réinsertion scolaire de jeunes qui ont déserté l’école, qui investit dans des programmes de mobilité pour des jeunes issus des quartiers et des régions défavorisées qui ont été quasiment désertés par l’Etat et les services publics depuis les années Mitterand. Les Etats ne freinent pas l’Europe sociale, mais ils refusent d’apporter les fonds nécessaires à la rendre efficace.

    Certes, tout n’est pas parfait. La proposition de 2008 visait à autoriser les Etats-membre à augmenter la durée du travail jusqu’à 60 heures hebdomadaires. Je rappelle toutefois qu’à cette époque, comme aujourd’hui, la majorité des gouvernements d’Europe sont à droite, que les commissaires sont majoritairement de droite, et que le PPE est toujours le groupe majoritaire. Cela dit, le Parlement a bloqué, ce qui casse le stéréotype de parlement croupion ou de chambre d’enregistrement qu’on lui prête.

    La directive du travailleur détaché a été adoptée à la fin des années 1990, avant l’entrée des pays de l’Est, quand on l’U.E avait encore 15 états-membres.

    Ce texte permet aux travailleurs qui travaillent dans un autre pays de bénéficier des prestations sociales de leurs pays d’origine. Certes, il y a des abus, mais je rappelle que sur ce terrain la France est gagnante, puisque 175 000 Français sont détachés dans d’autres pays européens contre 145 000 travailleurs détachés en France, et pas seulement venus des pays de l’Est.

    La quasi-totalité des abus de travailleurs détachés viennent du secteur du BTP. Et la Commission européenne a pris des mesures de contrôle des entreprises de ce secteur employant des travailleurs détachés.

    Quant à l’austérité au Portugal, en Espagne, et en Grèce, c’est l’eurogroupe, c’est-à-dire les Etats qui l’ont imposé. Ces pays continuent de bénéficier des aides régionales européennes qui ont énormément contribué à développer leurs infrastructures et leurs industries. Ce ne sont pas les lobbyies qui imposent l’austérité, les services publics nationaux, les syndicats, et les ONG sont aussi des lobbyies et les ONG ont bonne presse car elles sont vues comme défendant une cause de manière désintéressée.

  • Le 22 août 2015 à 21:06, par Lame En réponse à : Dépasser l’Union européenne : le nécessaire choc démocratique

    @Alexandre Marin

    D’ailleurs pourquoi les juges européens devraient être élus et révocables par référendum, et pas les juges nationaux ?

    Je rejoins l’idée que les juges nationaux devraient être élus et révocables par référendum. Si les juges européens étaient soumis à un tel contrôle démocratique, il est évident que les Etats membres seraient forcés de mettre les magistratures nationales à niveau.

    Hélas, espérez que les institutions européennes dépasse le niveau de démocratie des Etats relève de l’utopie. Il faudrait déjà que les politiciens européens n’aient pas la volonté de s’affranchir autant que possible de tout contrôle démocratique. En admettant que ce ne soit pas le cas, il faudrait effectivement vaincre l’opposition des politiciens nationaux.

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