Une sanction exemplaire par la Cour de destitution danoise
L’ancienne ministre danoise de l’Intégration, Inger Støjberg, a été condamnée à 60 jours de prison pour violation délibérée de la loi, des conventions internationales et de la CEDH. En 2016, elle avait ordonné la séparation de couple de demandeurs d’asile syriens au motif que la femme était mineure. Son ministère avait rendu la séparation systématique en présence d’un partenaire mineur, une pratique qui vient d’être jugée contraire à la loi par la Cour de destitution du Royaume scandinave. Elle avait fourni des informations faussées et trompeuses au Folketing, le parlement danois, afin de justifier les mesures de séparation des demandeurs d’asile. En 5 ans, la ministre a fait adopter plus de 110 amendements pour restreindre le droit des étrangers comme la confiscation de leurs biens à leur arrivé pour financer leur prise en charge, ou la participation à une cérémonie de naturalisation un peu spéciale, dans laquelle les demandeurs de la nationalité danoise devaient obligatoirement serrer la main de l’ex-ministre.
Pour l’ancienne ministre, ces séparations de couples mariés ou non se justifiaient au nom de la lutte contre les mariages forcés. Au total, 23 couples ont été séparés. Plusieurs d’entre eux avaient des enfants. Certaines de ses femmes ont fui des mariages forcés dans leur pays d’origine. Juste après sa condamnation par la Cour de destitution, Inger Støjberg a évoqué une « défaite pour les valeurs danoises », car les jeunes filles qui arrivent au Danemark ne seraient alors plus protégées. Au contraire, cette sanction souligne l’importance pour l’Union de veiller au respect effectif des droits de l’Homme autant pour ces ressortissants que pour les étrangers arrivant sur son sol. Cette sanction permet donc de renforcer les valeurs fondamentales de l’Union européenne. Il est également à noter que la ministre se trouve être, seulement, la 3ème responsable politique à être condamnée par le Conseil en 111 ans d’existence.
La question de la protection effective des droits des étrangers
Avec la montée en puissance de la mondialisation, la multiplication des zones de conflit et un terrorisme toujours présent, le renforcement des contrôles aux frontières extérieures de l’Europe est devenu une priorité depuis le sommet européen de Tampere de 1999 où les États membres de l’Union européenne avaient décidé de mettre en place une politique commune en matière d’asile et d’immigration. En mai 2002, l’Europe créa un corps spécial pour la surveillance des frontières extérieures de l’Union, FRONTEX. Malheureusement, de nombreux incidents aux frontières de l’Europe ont poussé le Parlement européen à adopter une résolution, dans laquelle les députés demandaient « que le mandat de FRONTEX inclut l’obligation expresse de respecter les normes internationales en matière de droits de l’Homme et un devoir de sollicitude envers les demandeurs d’asile lors d’opérations de sauvetage en haute mer ». De plus, l’agence Frontex avait du mal à respecter l’entrée effective des étrangers sur le territoire européen lorsque ces derniers étaient confrontés à des situations de grand danger. Ainsi la question de la protection effective des droits des étrangers est une question centrale pour les juridictions nationales, ainsi que pour la Cour de Strasbourg.
En témoigne le droit à la vie privée et familiale, droit évincé par l’ex-ministre danoise. A titre d’exemple, le Tribunal fédéral suisse a confirmé qu’une personne ne pouvait être placée en détention uniquement parce qu’elle se trouve dans une procédure dite de Dublin. En effet, l’autorité compétente peut mettre l’étranger en détention quand des éléments concrets font craindre que la personne concernée n’entende pas se soustraire au renvoi, que la détention est proportionnée, et que d’autres mesures moins coercitives ne pourraient être appliquées de manière efficace. Dans cette affaire, la famille avait refusé de partir arguant que les autorités suisses ne leur avaient pas rendu tous les papiers d’identité. Finalement, le Tribunal fédéral a jugé que les mesures de séparation et l’interdiction de contact entre les membres de la famille étaient disproportionnées. La Cour suprême a fondé son verdict sur la CEDH ; conformément à l’article 8 CEDH, les autorités ont l’obligation de permettre aux personnes ayant des liens de parenté proches de vivre ensemble. Le placement dans des lieux séparés va à l’encontre de l’article 8 CEDH, et ne peut être implémenté que comme ultime mesure. Cet exemple montre que les actes de séparation des couples de réfugiés ordonnés par l’ex-ministre danoise viennent également violer l’article 8 de la CEDH.
Vers une meilleure coopération des Etats membres pour prévenir la séparation et la disparition des réfugiés
Le 15 octobre dernier s’est tenue la conférence du Réseau européen des migrations (REM) portant sur « La séparation et la disparition de migrants : les approches des États membres pour prévenir la séparation des familles et les mécanismes de recherche des migrants portés disparus ». L’objectif de cette conférence était simple, explorer les approches privilégiées par les États membres de l’UE afin de prévenir la séparation des familles de migrants, et présenter les mécanismes de recherche mis en place pour retrouver les migrants portés disparus.
Résultat concluant, puisque la conférence a permis la mise en place dans différents pays de mesures pour prévenir la séparation des familles au moment de leur arrivée sur le territoire et pour les orienter vers des centres d’accueil. De manière générale, les familles de réfugiés sont placées ensemble dans des centres de rétention administrative spécifiques. Tout est fait dans l’intérêt supérieur de l’enfant et des familles afin de limiter l’impact psychologique des séparations. La création d’un guide de bonne pratique peut servir à certains Etats afin d’améliorer la situation au sein de leur pays. Même si certaines dérives sont toujours possibles, comme a pu le déceler l’affaire danoise.
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