COP 21 : l’accord… et après ?

, par Sarah Bonnefoix

COP 21 : l'accord… et après ?
Les délégations ont travaillé deux semaines durant pour arriver à un texte final, approuvé par les 195 délégations étatiques présentes. L’accord de Paris devient le premier accord universel sur le climat. - COP Paris (CC/Flickr).

Le 12 décembre, les 195 parties de la COP 21 se sont vues remettre « l’accord de Paris », un texte de 31 pages, s’inscrivant dans la longue lignée des accords universels engagés depuis Kyoto en 1997 et ayant pour objectif de répondre à l’urgence climatique. Il s’agit néanmoins d’un texte juridiquement « hybride » : il est constitué à la fois de décisions prises lors de la COP, et également d’un traité international qui, s’il est ratifié, aura force obligatoire pour les signataires. Ce texte, salué par Laurent Fabius, ministre français des Affaires étrangères et président de ces négociations, comme un « accord historique », n‘est donc toutefois que la première pierre d’un processus bien plus long.

S’il est deux points forts à retenir de l’accord universel sur le climat défini par les cent-quatre-vingt-quinze Etats composant la 21e conférence des parties, ce sont bien les ambitions qu’il se donne et les moyens établis pour les atteindre.

Un volontarisme à saluer

De nouveaux objectifs ont été définis lors de cette rencontre. L’ambition initiale de maintien de la température en dessous du seuil de 2°C a été revue : il est désormais question de limiter la hausse de la température à 1,5°C par rapport à la période préindustrielle. Une urgence selon les ONG qui soulignent, en accord avec le GIEC, que les prévisions de réchauffement oscillent désormais entre 2,7 et 3°C.

La neutralité carbone quant à elle, c’est-à-dire le principe qui consiste à compenser les émissions de gaz à effet de serre par des « puits de carbone » (comme les arbres ou les océans qui captent le carbone naturellement par exemple), est un objectif à atteindre après 2050.

De la même manière, le fonds vert de 100 milliards de dollars par an promis par les pays du Nord aux pays du Sud en 2009, pour les accompagner dans leur transition énergétique et dans leur lutte contre les effets du réchauffement climatique, a été qualifié par le texte de « plancher » à atteindre dès 2020. Autrement dit, cette somme constitue désormais un palier minimum d’aides financières, qui devrait être augmentées année après année.

Les oubliés de l’accord

Si le texte a été salué avec enthousiasme par l’ensemble des dirigeants politiques et une bonne partie des ONG, à l’instar de Greenpeace, le texte n’évoquent pas certains points jugés fondamentaux. Qu’en est-il de la réduction des émissions mondiales de gaz à effet de serre ? Quid des énergies fossiles, des énergies renouvelables ?

C’est le point d’achoppement de l’accord. L’avenir des énergies fossiles n’est pas mentionné dans le texte. Or, il s’agit là d’un point central du défi climatique. L’usage des énergies fossiles encore non-utilisées n’est également pas évoqué. Une récente étude, publiée par le magazine scientifique Nature, a ainsi démontré que l’objectif de maintien de 2°C de réchauffement par rapport à la période préindustrielle ne peut être atteint qu’à condition de laisser 80% des énergies fossiles restantes dans les sols. Dans la même perspective, le terme « énergie renouvelable » n’est pas présent dans le texte. Enfin, la réduction des émissions mondiales de gaz à effet de serre s’inscrit dans un objectif de long-terme qui n’est pas quantifié, mais renvoyé à « la seconde moitié du siècle », notion relativement floue.

Dans la même perspective, le texte prévoit un mécanisme de révision des contributions des Etats-parties tous les 5 ans, proposition chère à Laurent Fabius, qui permettra d’approfondir l’accord à la suite des sommets annuels pour le climat. Toutefois, ces engagements ne sont pas parties intégrantes de l’accord : ils ne constituent qu’une annexe et n’ont donc pas de valeur contraignante.

Un premier pas vers des engagements globaux

Un point crucial à garder à l’esprit est que le texte, établi ce 12 décembre, n‘a pas encore toute sa valeur. En effet, bien qu’approuvé par les Etats présents à la COP21, pour entrer en vigueur, l’accord doit encore être ratifié par au moins 55 pays représentants plus de 55% des émissions de gaz à effets de serre. L’entrée en vigueur de l’accord, s’il est ratifié, n’est en outre prévue que pour 2020. Enfin, une possibilité de retrait est également confortablement ménagée pour tout pays souhaitant se retirer après un délai de trois années d’entrée en vigueur. Cependant la ratification devrait être plus simple, puisque certains Etats, qui auraient pu craindre les votes de leur Parlement, comme le cas du Congrès américain, pourront l’adopter par décret.

A ce jour, le groupe du G77 qui regroupe 134 pays, a reconnu être « satisfait » du projet d’accord. Mise à part la réserve du Nicaragua, l’accord a été jugé « bon et équilibré » par bon nombres d’observateurs.

La salle des négociations a été le théâtre de rebondissements à plusieurs reprises - COP Paris (CC/Flickr).

Et l’Union européenne dans tout ça ?

L’Union européenne avait déjà fait savoir en mars 2015 qu’elle entendait réduire d’au moins 40% ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. Cette contribution avait été jugée clairement insuffisante par l’expertise scientifique. Et elle n’avait annoncé à l’époque aucune contribution financière.

A l’issue de la COP21, l’ensemble des pays membres de l’Union a pourtant reconnu le tournant historique que constitue l’accord de Paris en matière de lutte contre le changement climatique. La déléguée de l’Union européenne a en outre qualifié d’ « exploit » cet accord. David Cameron, Premier ministre britannique, a lui qualifié la journée d’ « importante », soulignant la participation équitable de chaque Etat à l’élaboration du texte.

Toutefois, une fois le temps de l’autocongratulation passée, quel premier bilan de la situation dresser en ce qui concerne les engagements effectifs des différents Etats membres ?

Carole Dieschbourg, ministre de l’environnement du Luxembourg, a ainsi rappelé la nécessité de « transformer cet accord en action concrète ». Rappelons en effet que l’Union européenne est responsable de près de 10% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, sans compter son impact historique. Comme tous les autres Etats-parties, ceux de l’Union devront se soumettre aux injonctions du texte final, lorsque celui sera unanimement ratifié. Parmi les points d’avancés, résultats de l’accord élaboré par les Etats eux-mêmes et de l’évolution de leur position, on peut noter par exemple des engagements financiers concrets et chiffrés en direction de l’Afrique.

Electrifier le continent africain

Les gouvernements du Danemark, du Royaume-Uni et de l’Italie se sont ainsi unis afin de soutenir les projets de développement proposés par la Banque Africaine de Développement (AFDB), parmi lesquelles l’ambition d’électrifier l’ensemble du continent africain durant la prochaine décennie et mettre un terme au déficit énergétique des pays avant 2025. Un projet porté initialement par la fondation de Jean-Louis Borloo pour l’électrification du continent africain et valoriser depuis plusieurs mois auprès des participants à la conférence. Le gouvernement italien a ainsi annoncé verser 13 millions de dollars à la Banque Africaine de Développement (AFDB) afin d’accompagner les Etas africains dans leurs politiques de transition énergétique, tout en destinant 8 millions de dollars au Fonds des Energies Durables pour l’Afrique (SEFA), géré par la Banque Africaine de Développement, faisant ainsi passé la valeur totale du fonds de 87 à 95 millions de dollars.

Le zèle diplomatique français salué

L’agilité diplomatique française a été saluée par l’ensemble des délégations. Depuis plusieurs mois, les services français sont à l’initiative pour faire de cette conférence un succès. C’est surtout l’habilité et la finesse diplomatique de Laurence Tubiana, ambassadrice française en charge des négociations climatiques, qui a fait date. Menant un travail acharné depuis plus de 18 mois maintenant, la spécialiste du climat et des relations internationales s’est vue félicitée pour le travail accompli. « On a eu un exemple de diplomatie exemplaire », reconnaît Nick Mabey, directeur de l’ONG E3G. Bon nombre de commentateurs ont ainsi reconnu que, pour la diplomatie française, la conclusion de l’accord est un succès inouï.

L’accord de Paris, un enjeu de politique nationale en Europe

Aussitôt établi, l’accord de Paris s’est changé, dans l’espace public comme un catalyseur de crispations intérieures et un formidable outil de monnayage politicien. L’exemple de la Grande-Bretagne est à cet effet édifiant. En vue de futurs scrutins en 2016, les partis britanniques se sont empressés de s’approprier les enjeux de l’accord, quitte à lui faire perdre de sa consistance « écologique ». Ainsi Ed Miliband, ancien leader du parti travailliste, entend faire de la ratification de l’accord un point de cristallisation de sa campagne. Il souhaiterait que l’accord soit l’occasion pour la Grande-Bretagne d’être le premier pays au monde à placer l’objectif de « zéro émission carbone » au sein de son corpus juridique. Le gouvernement de David Cameron avait été fermement critiqué pour avoir réduit les subventions aux énergies renouvelables. A l’heure actuelle, seulement 5,1% de l’énergie britannique est renouvelable.

D’autres partis nationaux reprendront sans doute la ratification de l’accord comme enjeu politique. « Aujourd’hui, nous célébrons, demain, nous agissons », a conclu Miguel Arias Cañete, commissaire européen en charge du Climat et de l’Energie. Ne reste plus qu’à attendre, comme toujours, les retombées politiques et juridiques d’un tel accord au niveau des Etats membres, qui restent libres d’appliquer et de faire ratifier ces nouveaux objectifs mondiaux.

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