Contrôles aux frontières – une preuve de l’indigence de la politique européenne d’asile

, par David Schrock, Traduit par Marie-Sixte Imbert

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Contrôles aux frontières – une preuve de l'indigence de la politique européenne d'asile
Après que 13 000 personnes soient arrivées à Munich dans la seule journée de samedi, le gouvernement allemand a réintroduit des contrôles aux frontières. © blu-news.org / Flickr/ CC BY—SA 2.0-Lizenz

Dimanche, dans le sillage de la crise des réfugiés, la République fédérale d’Allemagne a réintroduit les contrôles à sa frontière avec l’Autriche. Le Ministre fédéral allemand de l’Intérieur, Thomas de Maizière, a justifié cette mesure par des raisons de sécurité, afin de « limiter l’afflux actuel vers l’Allemagne, et [de] revenir à un processus ordonné d’entrée sur le territoire ». Cette réintroduction des contrôles aux frontières au sein de l’espace Schengen laisse « stupéfait » le président de la JEF-Allemagne, David Schrock. Commentaire.

L’Allemagne ferme temporairement sa frontière avec l’Autriche, et réintroduit des contrôles. Face à cette situation, l’auteur mène l’expérience théorique suivante : 200 élèves se rassemblent, par exemple dans un gymnase. Supposons que ces élèves ont tous autant les uns que autres peur de l’eau. Maintenant imaginons qu’un élève entre par l’une des portes avec un pistolet à eau, et doive semer le chaos parmi les autres en les arrosant en permanence. Vous serez probablement d’accord avec moi pour supposer que l’irritation grandirait rapidement, et que deux, trois jeunes costauds arracheraient le pistolet à eau des mains du « malfaiteur » pour le ramener à la raison – dans le gymnase, l’eau est strictement interdite. L’expérience serait finie, et les élèves se demanderaient ce que pouvait bien être cette expérience ennuyeuse.

Cette comparaison est évidemment polémique, mais elle nous aide néanmoins à bien comprendre ce que signifie réellement l’actuelle « crise des réfugiés » en Europe. Si ce sont effectivement deux millions et demi de réfugiés qui devraient arriver cette année dans l’Union européenne, ils ne représenteraient que 0,5 % du total de ses 500 millions d’habitants. Rares sont ceux qui pourraient prétendre que l’Union serait dès lors dépassée, d’autant plus qu’il serait malveillant de s’appuyer sur la comparaison ci-dessus : l’intention des réfugiés qui arrivent actuellement n’est pas de créer un véritable chaos.

La réponse à apporter est de deux ordres : à court terme, surmonter la grave crise à laquelle sont aujourd’hui notamment confrontées l’Autriche, la Suède et l’Allemagne, et par ailleurs résoudre la crise structurelle que connaît l’Union européenne – la crise grecque est encore loin d’être résolue – et qui est maintenant mise en lumière – même si les spécialistes s’y attendaient depuis des années – par les enjeux liés à la question de l’asile.

Il est urgent de condamner le comportement en particulier des Etats d’Europe centrale et orientale, mais également de la Grande-Bretagne et du Danemark tout comme des Etats baltes, comportement tout simplement honteux et suscitant un étonnement incrédule. Pendant ce temps les Britanniques s’indignent – ils disent en tout cas avoir déjà des problèmes à intégrer leurs immigrants – et postent des mitrailleuses à l’entrée du tunnel sous la Manche. Les Slovaques veulent prendre 200 (!) réfugiés, mais demandent à ce qu’ils soient uniquement chrétiens. Face à la guerre et la misère, où sont donc passées nos valeurs supérieures ? Celles-là même que certains Etats membres ont énergiquement mobilisées alors qu’ils contribuaient à déstabiliser le Proche-Orient – pensons à la guerre en Irak et à la « coalition des bonnes volontés ». Notre réponse ne peut pas se limiter à simplement fermer nos frontières et les yeux – jamais depuis que je m’engage pour l’Europe, je n’ai été aussi stupéfait par le comportement de pays dits européens, qui par ailleurs se targuent d’agir en tant qu’héritiers des Lumières.

« Oui, nous pourrons les aider, mais ils sont tous musulmans ». Cette phrase flotte de manière implicite dans le discours public. Quelle déclaration de faillite ! L’auteur de ces lignes ne niera jamais que le défi d’intégration qui se pose est sans précédent – la plupart des réfugiés qui arrivent ne vont pas comprendre, sous le mot tolérance, exactement la même chose que nous. Mais ce « nous » existe-t-il vraiment ? Au regard du comportement de nombreux chefs d’Etat et de gouvernement ces dernières semaines, on peut sérieusement en douter.

Pour les 200 personnes dans le gymnase, il s’agit d’expliquer à un nouveau venu les règles en vigueur, nouveau venu qui n’est très probablement pas flanqué d’un pistolet à eau. Quels lâches sommes-nous pour penser ne pas en être capables ? Nous avons ici la chance de prouver notre capacité d’intégration, nous avons la chance de prouver que le mode de vie européen vaut mieux que la dictature chinoise ou la façon américaine de construire une clôture vis-à-vis du Mexique.

Nous avons besoin, tout de suite, de standards uniformes en matière d’asile dans tous les pays européens, nous avons besoin de standards uniformes en matière d’asile : qui peut demander l’asile, combien de temps peuvent durer les procédures, et de quelle manière les réfugiés seront intégrés dans les sociétés d’accueil, lorsque toute perspective de retour dans le pays d’origine est impossible. Il n’est pas question de prendre des gants avec les réfugiés, mais simplement de faire respecter leurs droits. C’est parce qu’ici règne l’Etat de droit que les réfugiés veulent arriver chez nous.

Et si un seul d’entre eux arrive avec un pistolet à eau, chaque cours d’intégration aborde, dès la première heure, les thèmes des « valeurs, du droit et de la loi de même que de la tolérance et de la liberté de religion ». Les libertés et droits fondamentaux ne sont pas les victimes complaisantes de l’indifférence, mais les principes les plus convaincants et les plus solides qui n’aient jamais été imaginés.

Au lieu de nous brider et de nous retrancher jalousement derrière des frontières, nous devrions peut-être nous rappeler cela, et agir de manière offensive. Non pas uniquement en développant à court terme une culture de bienvenue, mais également en agissant à long terme, de manière structurelle et respectueuse de nos valeurs. Il est grand temps.

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