Conseil européen : l’essentiel du Conseil des 19 et 20 octobre 2017

, par Lucie-Hélène Pagnat

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Conseil européen : l'essentiel du Conseil des 19 et 20 octobre 2017
Donald Tusk, Président du Conseil européen. CC - European Council

Dès sa lettre d’invitation aux dirigeants européens, Donald Tusk, président du Conseil européen, souhaitait que les dirigeants européens soient guidés par trois principes : la recherche de solutions pratiques aux vrais problèmes des citoyens de l’Union européenne, avancer pas à pas et enfin préserver l’unité.

“L’unité ne peut devenir prétexte à stagnation mais, dans le même temps, l’ambition ne peut être source de fractures”, déclara Donald Tusk à la veille de l’ouverture du Conseil européen. Clos vendredi 20 octobre dernier, la réunion des dirigeants européens est-elle parvenue à une telle conciliation entre unité et dynamisme ?

Il est temps de passer à l’Europe numérique

Moins d’un mois après le sommet numérique de Tallinn du 29 septembre dernier, les dirigeants sont fermement décidés à impulser une Europe numérique “plus forte et plus cohérente” sur la base des conclusions du premier ministre Ratas. [1] Au-delà de contribuer à la compétitivité mondiale de l’Union européenne, le passage au numérique est un défi collectif qui vise à renforcer notre “diversité créative et culturelle”.

Pour basculer dans cette nouvelle ère numérique, le Conseil européen préconise de mettre en oeuvre la déclaration de Tallinn sur l’administration en ligne [2] afin d’aider les administrations et les secteurs publics à se conformer à cette volonté qui s’inscrit dans la stratégie pour un marché unique numérique. [3] D’autre part, les 28 ont convenu qu’il était indispensable de se doter d’une infrastructure et d’un réseau de communications de premier ordre afin de mettre en place des réseaux fixes et mobiles (5G) à très haut débit.

Concernant la cybersécurité, le Conseil européen a également pris position pour assurer une sécurité plus proactive dès le stade de la conception dans toutes les politiques numériques en vue d’établir une approche commune efficiente.

Une considération opérationnelle élargie à toutes les routes migratoires

L’épineuse question des routes migratoires n’a pas empêché les dirigeants européens de convenir que leur stratégie “globale, pragmatique et résolue”, qui vise à rétablir un contrôle des frontières extérieures et à réduire le nombre d’arrivées et de décès en mer, porte ses fruits et doit être consolidée. [4]

Les débats ont fait ressortir la nécessité d’être vigilant à l’égard de toutes les routes migratoires et la volonté d’intensifier les retours et l’efficacité des arrangements de réadmission. À ce titre, le Conseil européen préconise le renforcement des actions de l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (FRONTEX [5]). Concernant la Méditerranée orientale, une pleine coopération avec la Turquie et les Balkans occidentaux est aujourd’hui indispensable pour améliorer les programmes de réinstallation volontaires, les opérations PSDC [6] et les échanges d’informations en matière de JAI. [7] Concernant la Méditerranée centrale, la contribution de l’Italie est félicitée et les 28 appellent à déployer des efforts supplémentaires en matière de coopération avec la Libye ainsi qu’avec les partenaires du G5 Sahel pour soutenir les communautés locales situées sur les routes migratoires.

C’est en concluant sur le volet migratoire que le Conseil européen n’hésite pas à réaffirmer “son attachement au système Schengen et fait part de l’intention de “revenir à l’esprit de Schengen” dès que possible”. Constatant les progrès concernant la réforme du système de Dublin sur le régime d’asile européen commun, [8] les 28 incitent vivement à plus de convergence pour parvenir à un équilibre pérenne entre responsabilité et solidarité via un consensus au premier semestre 2018.

Défense & relations extérieures

Concernant le volet Défense, la Coopération Structurée Permanente (CSP) a été reprise dans les discussions afin d’inciter les États membres à élaborer une liste commune d’engagements, le but étant de lancer la CSP avant la fin de l’année. Le Fonds européen de la défense et l’examen annuel coordonné en matière de défense (EACD) doivent encourager cette coopération transnationale renforcée ainsi qu’une participation des PME en vue de fournir des capacités et de doter l’industrie de défense européenne d’une base compétitive, innovante et équilibrée à l’échelle de l’Union.

Concernant les relations extérieures, les dirigeants européens appellent la République populaire démocratique de Corée à abandonner ses programmes nucléaires dans l’objectif d’une paix durable pour la péninsule coréenne et au-delà. Cette position pérennise l’adoption le 16 octobre dernier de nouvelles mesures autonomes de l’UE, comme l’interdiction totale des investissements de l’UE en Corée du Nord dans tous les secteurs, visant à accroître la pression sur ce pays afin qu’il se conforme à ses obligations internationales dont la dénucléarisation. [9] Corrélativement, le Conseil réaffirme qu’il est “pleinement attaché à l’accord sur le nucléaire iranien”.

Une certaine “satisfaction” des négociations sur le Brexit

Vendredi matin, le Conseil européen réuni à 27 s’est penché sur l’évaluation présentée par le négociateur de l’Union suite au cinq premiers cycles de négociations ayant pris place depuis le déclenchement de l’article 50 TUE le 29 mars dernier .

Les 27 “accueillent avec satisfaction” les progrès accomplis en matière de droits des citoyens. Concernant l’Irlande, après avoir observé la convergence sur les principes et les objectifs relatifs à la protection de l’accord du Vendredi saint [10] et au maintien de la zone de voyage commune, l’UE attend que le Royaume-Uni présente des solutions “souples et imaginatives” pour éviter la mise en place d’une frontière physique. Le Conseil note également que le Royaume-Uni a déclaré qu’il allait honorer les obligations financières qu’il a contractées alors qu’il était membre de l’Union. En conclusion, le Conseil demande à ce que les négociations se poursuivent afin de pouvoir passer à la deuxième étape des négociations. À ce titre, les 27 ont accepté d’engager les “discussions préparatoires internes”, - que Londres semblait attendre impatiemment - qui impactent directement les relations post-Brexit, si des progrès suffisants sont observés lors de la réunion du Conseil européen en décembre prochain.

La crise catalane passée sous silence

Si Mariano Rajoy est resté particulièrement discret, le président Tusk a été clair sur ce sujet “L’Union européenne ne peut pas résoudre cette crise. Nous avons tous nos propres émotions, opinions, évaluations, mais d’un point de vue formel, il n’y a pas d’espace pour une intervention de l’UE”. Si l’échelon européen se défend ainsi de toute critique non-interventionniste, Paris et Berlin martèlent toutes deux leur soutien à Madrid.

Vers une nouvelle méthode de travail du Conseil européen

Donald Tusk l’avait déjà évoqué aux dirigeants européens en affirmant que “dans certains cas, l’innovation institutionnelle peut constituer un moyen efficace au rétablissement de la confiance en l’avenir, mais nous devons nous garder de nous enliser dans de vains débats théoriques ou institutionnels”. Il s’agit de mettre en place le système de notes décisionnelles qui fixent en termes clairs les problèmes politiques à résoudre et ont pour but de faire état des points de désaccords entre dirigeants pour permettre une discussion sérieuse d’ordre politique.

Puisque le programme des dirigeants est un “document évolutif”, rendez-vous le 17 novembre prochain pour constater les divergences entre Etats européens lors du Sommet social de Göteborg !

Notes

[1Tallinn Declaration on eGovernment, 6 October 2017 : https://www.eu2017.ee/fr/political-meetings/sommet-numerique-de-lunion-europeenne

[2L’omniprésence du marché unique numérique : http://www.europarl.europa.eu/atyourservice/fr/displayFtu.html?ftuId=FTU_5.9.4.html

[6La Politique de sécurité et de défense commune, PSDC, fait partie intégrante de la politique étrangère de l’Union visant à donner la possibilité d’utiliser des moyens militaires ou civils pour prévenir les conflits et la gestion des crises.

[7Le Conseil Justice et affaires intérieures, JAI, réunit régulièrement les ministres concernés pour développer la coopération européenne en la matière. Actuellement, le Conseil JAI discute du parquet européen, du projet de règlement concernant la reconnaissance des décisions de gel et de confiscation entre les pays de l’UE et l’amélioration de l’échange d’informations sur les casiers judiciaires concernant les ressortissants de pays tiers.

[10The Good Friday Agreement (accord de paix pour l’Irlande du Nord) a été signé le 10 avril 1998 par les forces politiques en présence à savoir le premier ministre britannique, le premier ministre de la République d’Irlande, les unionistes et les nationalistes. Cette solution politique met fin aux 30 ans de conflits sanglants entre les 2 parties de l’Irlande.

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