Vendredi 11 décembre se terminait le 13ème Conseil européen de l’année 2020, un record dans l’histoire de cette institution, créée dans les années 1970, sous l’impulsion de Valéry Giscard d’Estaing (décédé en début de mois, et à qui les chefs d’États et de gouvernements ont tenu à rendre hommage) et d’Helmut Schmidt. En cette année marquée par la pandémie de coronavirus, les partenaires européens se sont donc focalisés sur les réponses à cette crise sanitaire majeure, ce qui a donné lieu à de nombreuses crispations, mais qui ont (presque) toujours débouché sur des accords salvateurs pour l’Union européenne.
C’est un doux euphémisme que de dire que la réunion de décembre était attendue fébrilement : la proposition de cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027, d’une valeur de 1090 milliards d’euros (selon les termes d’un compromis de novembre) et le plan de relance de 750 milliards d’euros étaient bloqués depuis le 16 novembre par les vétos de deux pays d’Europe centrale, la Pologne et la Hongrie, furieux de voir que le respect de l’Etat de droit devait rester une condition sine qua non dans le versement des crédits budgétaires de l’UE.
Ce Conseil européen de décembre avait donc une saveur de dernière chance, dans la mesure où ces deux instruments financiers doivent être mis en place à partir du 1er janvier 2021. Le Parlement européen, réuni cette semaine en session plénière à Strasbourg, puis à Bruxelles, aura le dernier mot, mais nul doute qu’il suivra les résultats aux forceps des négociations intergouvernementales.
Feu vert pour le budget européen et le plan Next Generation EU
Le pire n’est finalement pas advenu. La Pologne et la Hongrie ont levé leur véto après un accord trouvé entre ces derniers, la présidence allemande du Conseil et les 24 autres partenaires européens, sur un règlement instituant un régime général de conditionnalité pour la protection du budget de l’UE. Censé contourner la lenteur du processus de l’article 7 du Traité de l’Union européenne (TUE), ce règlement doit établir une définition des « violations » de l’État de droit et un lien de causalité strict entre de telles actions perpétrées dans un État membre, et la menace des intérêts financiers de l’Union européenne.
Grâce à ce compromis de dernière minute, obtenu grâce à une présidence allemande du Conseil qui n’aura pas eu la partie facile durant ce semestre, le budget européen et le plan de relance Next Generation EU qui y est adossé pourront donc prendre le relai du CFP précédent (2014-2020) marqué, lui, par la crise des dettes souveraines. L’augmentation des crédits alloués au budget européen (1074 milliards d’euros pour le prochain CFP contre 960 milliards pour le précédent et 995 milliards pour le CFP 2007-2013) est une bonne nouvelle, en particulier en période de Brexit, et ce, même si cet instrument budgétaire représente toujours une infime partie du RNB de l’Union européenne.
Le plan Next Generation EU viendra quant à lui en appui aux plans de relance nationaux (il représentera ainsi 40% de l’argent mobilisé en France). Avec un emprunt européen de 750 milliards, dont 390 milliards d’euros distribués sous forme de subventions, et non de prêts remboursables immédiatement, ce plan constitue une double innovation dans le processus de construction européenne.
L’État de droit une nouvelle fois mis de côté ?
Pourtant, tout n’a peut-être pas été rose durant ce Conseil européen. Malgré le fait que les fonds européens représentent encore près de 4% de leur PIB, la Pologne et la Hongrie se trouvaient dans une position de force face à leurs partenaires européens, dans la mesure où des compromis devaient être trouvés très rapidement pour ne pas perturber le calendrier budgétaire européen. Il faut dire que les négociations autour de ce règlement traînaient en longueur depuis… 2018.
Alors que les amendements initiaux ajoutés par le Parlement européen en janvier 2019 avaient créé la notion de « carences à l’État de droit », un cadre large d’interprétation des manquements, le compromis final a préféré les termes « violations de l’Etat de droit », bien plus restrictifs. La liste des cas concrets de ses violations a aussi été réduite par le Conseil de l’UE, qui gardera de surcroît la main sur le processus, reléguant le Parlement à un rôle d’observateur.
Certains observateurs pourraient quand même dire que cet accord moins ambitieux était la condition sine qua non pour débloquer le processus budgétaire. C’est une assertion soumise à discussion, et l’avenir dira si ce mécanisme est adapté pour faire face à une situation de plus en plus compliquée en Europe centrale, mais également partout ailleurs sur le continent.
Relations extérieures, transition énergétique… le Conseil a tranché
Les conclusions du Conseil ont également mentionné la décision de rehausser les objectifs de transition énergétique dans l’Union européenne, eu égard à la stratégie du Pacte Vert pour l’Europe lancée l’année dernière par Ursula von der Leyen. Les objectifs de réduction des gaz à effet de serre à l’horizon 2030 sont passés de 50% à 55% (par rapport à l’année-pivot 1990), en dépit toutefois de ce que préconisait le Parlement européen depuis début octobre, à savoir une réduction de 60%, tout cela dans le but d’atteindre la neutralité climatique en 2050. Cet objectif intermédiaire sera rendu contraignant grâce à son incorporation dans la loi climatique européenne.
Concernant la politique étrangère, les relations avec les États-Unis ont occupé le devant de la scène. Alors que les grands électeurs américains ont officiellement élu Joe Biden à la présidence américaine cette nuit (heure française), le Conseil européen a rappelé l’importance « d’un partenariat transatlantique stratégique solide, fondé sur des intérêts communs et des valeurs partagées ». Concernant la mer Méditerranée orientale, la fermeté face à la Turquie a été renforcée. De manière générale, les 27 ont réitéré l’importance d’un voisinage méridional « démocratique, plus stable, plus écologique et plus prospère ».
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