Conflit israélo-palestinien : l’Europe peut-elle agir ?

, par Servane de Pastre

Conflit israélo-palestinien : l'Europe peut-elle agir ?
L’eurodéputé Manu Pineda (Parti de la Gauche européenne) lors du débat sur le conflit israélo-palestinien, en séance plénière le 18 mai 2021. (Source : EP)

Neuf jours après le début des hostilités, les parlementaires européens débattent du conflit israélo-palestinien. Devant l’urgence de la situation et à la faveur de la plénière du mois de mai, les eurodéputés ont tenté de trouver des réponses. L’UE doit-elle intervenir ? Oui, selon la grande majorité des députés. La forme que devrait prendre cette intervention divise cependant.

Des eurodéputés divisés

Faut-il apporter un soutien univoque à Israël dans son combat contre une force terroriste armée soutenue par l’Iran, le Hamas ? Ou au contraire condamner ainsi ses attaques meurtrières sur la Bande de Gaza ? La question du conflit israélo-palestinien polarise l’hémicycle. Cela faisait longtemps que la droite et la gauche n’avaient pas adopté des positionnements aussi distincts. Au risque d’être caricaturales.

Les eurodéputés de gauche soutiennent majoritairement la Palestine. Maria Arena (S&D) décrit un affrontement entre un « occupant » (Israël) et un « occupé » (la Palestine) et appelle l’Union européenne à « stopper la violence rampante » ainsi que « l’occupation et l’apartheid en Palestine ». Manu Pineda, un keffieh (châle) noir et blanc, symbole de la Palestine, sur les épaules, interpelle l’audience : « l’Union européenne condamne seulement les tirs d’obus depuis Gaza, mais que fais l’UE contre Israël ? ». Et de continuer, « ici on dit que seuls les Etats Unis peuvent régler le problème, mais les Etats-Unis sont en faveur d’Israël ! ». Il appelle les eurodéputés à « suspendre la participation d’Israël aux programmes financiers européens ». Grace O’Sullivan (Verts/ALDE) va dans le même sens : « nous trahissons le peuple palestinien », lance-t-elle, appelant l’Europe à demander la « fin des expulsions forcées et de la colonisation ».

La droite quant à elle affiche un soutien sans faille à Israël. Anna Bonfrisco (ID) estime ainsi que le sionisme est une « richesse pour le monde » et qu’Israël, « allié fiable [...] qui sait respecter la liberté religieuse » a « le droit de répondre » face au Hamas, un « ennemi de la démocratie » guidé par la « haine » et la « rancœur ». Jörg Mandl et Antonio Lopez-Isturiz White, tous deux au PPE, s’inquiètent de la montée de l’antisémitisme en Europe. « L’Union européenne doit faire de son mieux pour aider et non pour prendre parti, disait Antonio Lopez-Isturiz White. Elle doit également mettre un terme à l’antisémitisme ». Nombreux sont les députés de droite à avoir en outre condamné les manifestations du week-end dernier dans certaines capitales d’Europe. Interdites en France, des défilés en soutien à la Palestine avaient bien eu lieu à Berlin, Bruxelles ou Madrid. C’est le « signe de l’importation d’un conflit qui n’est pas le nôtre sur le territoire européen » estime Jérôme Rivière (ID), qui décrit des manifestations « antisémites », « antisionistes », soutenues par des « partis islamo-gauchistes ».

Entre la dénonciation d’un « apartheid » de la part d’Israël et la critique d’un « antisémitisme » plus ou moins latent de la part des propalestiniens, on comprendra que la discussion n’est pas aisée. Cependant, malgré le clivage politique, un certain nombre de points rassemblent les eurodéputés. Tout d’abord, la violence doit s’arrêter dans la région, un cessez-le-feu doit être mis en place. Et pour que cela se fasse, l’Union européenne doit intervenir. Certains, tel que Nicola Beer (Renew), poussent à une solution diplomatique : « L’Union européenne doit prendre contact avec les deux parties pour favoriser la réconciliation et la coexistence pacifique » en Israël. La solution à deux Etats est également évoquée. D’autres demandent à ce que l’Union européenne s’engage de manière plus affirmée en prenant parti pour l’un des deux camps.

Mais dans les deux cas, l’UE peut-elle vraiment agir ? Le Parlement n’a pas de pouvoir de décision en matière de politique extérieure (aucun vote n’est d’ailleurs prévu sur la question israélo-palestinienne), celle-ci étant l’apanage du Haut Représentant et des États membres.

L’Europe paralysée

Avant de discuter de cela, voilà une petite mise en contexte. Le conflit qui oppose Israël et la Palestine depuis dix jours est l’aboutissement de longues années de tensions, d’une forte instabilité politique du côté d’Israël et de l’influence croissante du mouvement du Hamas, soutenu par l’Iran, en Palestine. L’expulsion mi-avril de six familles palestiniennes de leur domicile à Jérusalem-Est avait provoqué de nombreuses manifestations de la communauté palestinienne, dans un contexte policier tendu. Les tensions ont explosé le 7 mai dernier, lorsque des forces armées israéliennes ont effectué un raid sur l’esplanade des Mosquées à Jérusalem. S’en est suivie une escalade de violences. En neuf jours de combat, 37000 roquettes ont été tirées, dont 90% ont été interceptées par système de défense israélien, relève un article du Figaro. Plus de 230 personnes ont été tuées, plus de 200 en Palestine et une dizaine du côté israélien. 72 000 palestiniens sont en outre déplacés et 2500 personnes ont perdu leur maison selon l’ONU. Face à cela, la communauté internationale est divisée. L’ONU est bloquée par les États-Unis, qui refusent d’adopter une déclaration de conflit. La résolution en faveur d’un cessez-le-feu déposée par la France mardi en coordination avec l’Égypte et la Jordanie n’a pas non plus gagné le soutien américain.

Du côté européen, les prises de position ne sont pas plus unies. Les ministres des vingt-sept pays membres se sont réunis en urgence mardi 18 mai pour réfléchir à une stratégie unifiée face aux combats. En est ressortie une déclaration commune, un appel au cessez-le-feu, signée cependant par...vingt-six pays membres. La Hongrie, alliée d’Israël, ne l’a en effet pas ratifiée. L’UE est encore une fois paralysée, estiment un certain nombre d’observateurs. L’Europe pourrait agir, il faudrait pour cela une véritable volonté de la part de l’ensemble des pays membres. Ou un changement du mode de décision.

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