Citoyens européens, demain nous roulerons vert !

, par Marine Privat

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Citoyens européens, demain nous roulerons vert !

La Commission européenne a enfin dévoilé à la fin du mois d’avril sa nouvelle stratégie concernant les voitures propres à meilleurs rendements énergétiques. Antonio Tajani, vice-président de la commission et commissaire chargé de l’entreprenariat et de l’industrie veut en faire une des priorités des présidences espagnoles et belges de l’Union.

Cette stratégie concernant les véhicules propres s’inscrit plus largement dans une dynamique de refonte du système productif industriel européen. Le vice-président de la commission souhaite d’ailleurs passer des mesures de court terme à de véritables dynamiques de moyen terme, un engagement qui s’inscrit donc dans l’avenir… Poudre aux yeux ou réelles avancées ?

Les trois objectifs majeurs de la stratégie

D’après le communiqué de la Commission européenne, trois grands objectifs se dessinent. Certains Etats européens se sont déjà engagés à promouvoir les véhicules propres, parmi lesquels on retrouve la France, l’Allemagne, le Danemark, le Portugal ou encore l’Espagne. Mais l’électromobilité nécessite davantage de mesures, et surtout elle appelle une perspective d’ensemble pour les 27 États de l’Union européenne, et non pour une partie limitée d’entre eux.

Un des premiers objectifs de la stratégie est avant tout de réduire les émissions de gaz à effet de serre. L’échec du protocole de Kyoto a tout de même permis à l’Union de renforcer son rôle moteur dans la lutte contre les émissions de CO2. La Commission va poursuivre son programme législatif de diminution des émissions, notamment en contraignant les véhicules légers neufs à émettre au maximum 95 grammes de CO2 d’ici 2020, au lieu de 135 grammes aujourd’hui.

Le deuxième objectif annoncé de la stratégie est de rendre l’Europe moins dépendante du pétrole. En effet, l’or noir importé est extrêmement couteux et se raréfie. Aujourd’hui, il faut trouver des moyens alternatifs à cette unique ressource. L’Union souhaite donc renforcer la production de véhicules hybrides et des véhicules entièrement électriques. Bien entendu, les véhicules nécessitant du carburant n’auront pas disparu, et la Commission prévoit que d’ici 2020, ce type de véhicule restera majoritaire en Europe mais sera de plus en plus concurrencé par les véhicules propres. L’évolution de la consommation de ces véhicules conventionnels sera intimement liée aux évolutions des prix et des quantités de pétrole disponibles.

Le troisième objectif affiché et non des moindres, consiste à adapter l’Union européenne aux mutations technologiques. Il s’agit de participer activement aux mutations par le rayonnement du tissu industriel européen. Pour cela, la stratégie propose de soutenir l’innovation et la recherche dans les technologies vertes mais aussi la demande des citoyens européens. A plus long terme, l’objectif est de rendre l’électromobilité complètement autonome. Les nouveaux véhicules verts devront présenter les mêmes garanties de sécurité et de technicité que les anciens véhicules. Au niveau du continent, il sera nécessaire d’édicter des normes communes non seulement en matière d’installation de stations de recharge ouvertes au public, mais aussi en matière de traitement et de recyclage des batteries et des piles. Cette stratégie s’inscrit vraiment dans le long terme et appelle une coordination des politiques nationales en terme de transports et de développement industriel propre, que certains Etats ne sont peut-être pas disposés à mettre en place.

Et après ?

La Commission semble vouloir faire de cette stratégie une des priorités des présidences espagnole et belge de l’Union européenne. Une stratégie peut-être plus concrète que feu la stratégie de Lisbonne. Pour autant, les mesures proposées par la Commission demeurent très larges et parfois même imprécises. On en revient au débat de savoir comment mettre en place des mesures concrètes concernant les réductions d’émissions de CO2, ou de promotion d’une conduite verte, sans fixer des objectifs chiffrés. Les mesures envisagées donneront leurs premiers effets à partir de 2020, voire 2030 pour certaines. Un programme européen de recherche à long terme va être mis en place et révélé d’ici 2011. Des crédits devraient d’ailleurs être attribués pour la recherche et l’innovation en terme de recyclage des batteries et des piles, car si on sait comment les produire, on reste encore limité quant à la prise en charge de ce type d’énergie.

La stratégie provoque quand même de vifs débats au sein des institutions. En effet, certains considèrent ce programme comme une réelle avancée en matière de mutation industrielle et de promotion du respect de l’environnement. Il est vrai que la stratégie s’inscrit dans l’objectif de renforcer la compétitivité européenne en matière d’industrie des transports. Mais pour d’autres, cette stratégie n’est qu’un artifice qui prône avant tout la compétitivité et qui met de coté la lutte contre le réchauffement climatique et contre les émissions des gaz à effet de serre. L’argument régulièrement avancé consiste à dire que l’essentiel de l’électricité est produite par l’énergie nucléaire, et on a du mal à croire aux ambitions écologiques de l’Union.

Il semble que dans ce débat, la prise de position soit extrêmement délicate. L’Europe roulera vert d’ici un certain temps, mais les véhicules conventionnels ont encore de beaux jours devant eux, au plus grand désarroi des défenseurs de l’environnement.

Illustration : Zero Emission Concept - Renault

Source : Flickr

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Vos commentaires
  • Le 11 juin 2010 à 18:00, par Ségolène URBACT En réponse à : Mettre la voiture électrique dans la rue !

    « A terme, la voiture électrique sera la technologie dominante donc plus tôt les villes s’intéresseront aux facteurs de son développement, mieux elles seront prêtes lorsqu’elle aura atteint son niveau d’industrialisation" explique Matthew Noon, Chef de file du projet EVUE en tant que représentant de la ville de Westminster City (Grand Londres). C’est ce postulat qui a présidé à la création d’EVUE (Electric Vehicles in Urban Europe), nouveau projet URBACT lancé en décembre 2009 et qui rassemble aujourd’hui 10 villes partenaires. Parmi elles, certaines font figure de pionnières, comme Stockholm (Suède) qui possède une expérience de 15 ans sur des flottes électriques à destination des personnels municipaux et des entreprises.

    Oslo (Norvège) s’est fixée un objectif de 200 points de recharge électrique publics à fin 2010. Londres a annoncé en mai 2009 un plan ambitieux pour atteindre 100 000 véhicules électriques "dès que possible". Pour d’autres, l’enjeu est de mettre en œuvre à l’échelle locale les stratégies de développement décidées au niveau national. C’est le cas de Madrid (Espagne), de Francfort en Allemagne, mais aussi de Beja et Lisbonne au Portugal, qui sont également membres du consortium européen EVA (Electric Vehicules for Advanced Cities) qui réunit 23 villes, des constructeurs automobiles, des fournisseurs d’électricité, ainsi que des instituts de recherche. Mais à l’instar de villes partenaires d’EVUE comme Katowice (Pologne), Suceava (Roumanie) et Zografou (Grèce), beaucoup reste à faire en Europe pour que le véhicule électrique devienne une réalité en milieu urbain. »

    Plus d’infos sur le projet : http://urbact.eu/fr/header-main/actualites-et-evenements/view-one/infos-urbact/?entryId=4943

  • Le 12 juin 2010 à 12:29, par José En réponse à : Citoyens européens, demain nous roulerons vert !

    Merci pour cet article de qualité sur lequel j’aurai malgré tout une remarque à faire. Vous nous dites que « L’argument régulièrement avancé consiste à dire que l’essentiel de l’électricité est produite par l’énergie nucléaire » or, si la production électrique d’origine nucléaire est critiquée du fait des risques pour l’environnement et la santé humaine liés au fonctionnement des centrales et au traitement des déchets radioactifs, elle rejette en fait très peu de GES dans l’atmosphère.

    Le véritable problème d’une stratégie de développement massif des véhicules électriques réside dans le fait que dans l’Union, mises à part la France et la Lituanie jusqu’à la fermeture récente de leur centrale de type Tchernobyl, l’électricité est issue majoritairement des énergies fossiles, fortement émettrice en GES. Pour exemple, le charbon constitue 94% du bouquet énergétique polonais.

    Ainsi, sans un accroissement considérable de la part des énergies renouvelables dans la production électrique de l’Union, et dès lors qu’une solution viable n’a pas été trouvée au problème des déchets radioactifs, cette stratégie ne sera en rien une solution pour la réduction des émissions de GES mais plutôt, comme vous le soulignez à juste titre, un moyen pour l’UE de se placer sur le marché des technologies ’vertes’.

  • Le 15 juin 2010 à 01:55, par Johan En réponse à : Citoyens européens, demain nous roulerons vert !

    Pour revenir sur ce problème, un scénario GRIP (Greenhouse Gases Regional Inventory Protocol) particulièrement illustratif a été présenté cet après midi lors du colloque « Villes durables : quelle contribution la société civile peut-elle apporter » organisé à Bordeaux par le CESE.

    Ainsi, un membre du Ministère du développement urbain et de l’Environnement de Hambourg faisait remarquer que, d’après le modèle GRIP, si l’on substitue à Hambourg pour le fonctionnement des véhicule 50% d’énergie fossile par de l’énergie électrique, cela se traduirait par un accroissement de 7% des émissions de GES !

    Cela s’explique par le fait que le mix énergétique allemand est particulièrement carboné, contrairement à celui de la France qui repose essentiellement sur le nucléaire et à celui par exemple de la Norvège qui est composé pour une part importante d’EnR.

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