« Chtche ne vmerla Ukraïny » : histoire du drapeau de l’Ukraine

, par Alexis Vannier

« Chtche ne vmerla Ukraïny » : histoire du drapeau de l'Ukraine
Source Pixabay

« L’Ukraine n’est pas encore morte », il est visiblement toujours utile de le rappeler, même le 24 août, en ce jour de fête nationale. Ce pays, qui s’est nommé lui-même « frontière », lutte encore aujourd’hui pour défendre ses propres délimitations, face au voisin russe avide de territoires. L’Ukraine est une république parlementaire qui peine à mettre un terme à une société viciée de corruption et de clientélisme et à voir la qualité de vie de ses habitants durablement augmenter.

Un drapeau difficilement brandi

Les couleurs bleu et jaune de l’Ukraine apparaissent dès avant l’ère chrétienne durant certaines cérémonies officielles. Ce sont alors les couleurs de nombreux nobles et soldats cosaques et galiciens. Le Royaume de Rus’ (1253-1349), dont l’Ukraine est l’héritière indirecte, arborait durant son existence un drapeau carré avec une pointe côté flottant supérieur, arborant un lion jaune sur fond bleu azur. Différentes versions se sont ensuite succédées, agrémentées de certains symboles traditionnels. La fameuse bataille de Grunwald entre le Royaume de Pologne-Lituanie et l’Ordre teutonique de 1410 a vu des factions ukrainiennes, côté polono-lituanien, monter au front avec des étendards bleu et jaune. Le Printemps des peuples de 1848, série de soulèvements populaires partout en Europe, profite à de nombreuses nationalités opprimées. Le Conseil suprême de Ruthénie (région russe limitrophe de l’empire autrichien) en profite pour adopter le bicolore bleu et jaune le 22 avril et le faire flotter dans la ville de Lviv. C’est la première fois que ce drapeau, dans sa composition actuelle, vogue au vent. Il sera cependant très vite avalé par l’appétit de grandes puissances étrangères. Le bicolore fut brandi par certains révolutionnaires de l’empire russe en 1905, mais surtout durant l’accession à la première indépendance en 1917-1918. La disposition des couleurs n’étant pas fixé, le drapeau flotta dans les deux sens : le bleu ou le jaune en haut. Très vite cependant, le pouvoir soviétique met un terme au bleu-jaune. En 1919, un nouveau drapeau est adopté pour la République socialiste soviétique d’Ukraine Oukrayins’ka Radians’ka Sotsialistytchna Respoublika, avec ces initiales en lettres dorées sur fond rouge. En 1949, au profit d’une plus grande prise en compte des nationalités soviétiques, une bande bleu azur est ajoutée au bas du drapeau et les initiales disparaissent au profit du fameux duo faucille et marteau ainsi que de la non moins fameuse étoile rouge. Une partie de la résistance à l’occupation soviétique, l’Organisation des nationalistes ukrainiens (OUN) arborera elle un drapeau bicolore vertical rouge et noir. Au profit de l’implosion de l’immense Union des Républiques socialistes et soviétiques en 1991, une quinzaine de nouveaux États surgissent des cendres et le drapeau bleu et jaune peut de nouveau couvrir l’Ukraine de son aura. Ainsi, il est provisoirement arboré pour les cérémonies qui suivent la déclaration d’indépendance du 24 août. Le nouveau parlement, la Verkhovna Rada, adopte une version raccourcie du drapeau national le 28 janvier suivant.

De bleu d’or

Comme souvent, il n’existe pas de version officielle pour la signification des couleurs du drapeau. Une lecture historique y voit les coupoles dorées des églises orthodoxes ukrainiennes ainsi que le fleuve Dniepr qui coupe le pays en deux ; une lecture romantique y voit un champ de blé, symbole de prospérité, sous un ciel bleu, symbole de liberté. Depuis 2004, la veille de la fête nationale, le 23 juillet est célébré comme la Fête du Drapeau. On retrouve ces couleurs sur les armoiries du Grenier à blé de l’Europe : elles reproduisent le sceau de la dynastie des Riourikides qui a régné sur le pays au Xème siècle. Ce trident est également la reproduction d’un faucon fondant sur sa proie, stylisé d’après une influence viking (résultant des nombreuses pénétrations nordiques dans ce coin de l’Europe). Il est présent sur le pavillon du Président de la République, ceinturé de vignes. Le bicolore ukrainien a servi de modèle pour un projet avorté d’établissement d’une « Ukraine verte » aux confins orientaux de l’Empire russe à la fin des années 1910. Un triangle vert a été rajouté du côté de la hampe, sur le bleu et le jaune. C’est un triangle gris qui est rajouté à la même place pour un autre projet avorté d’une "Ukraine grise" dans une région située entre Sibérie méridionale et Kazakhstan, du fait de la déportation de nombreux ukrainiens à partir de 1860.

Le drapeau ukrainien est quasiment le même, à des nuances de bleu et de jaune près, que celui du Land de Basse-Autriche, de la ville allemande de Chemnitz, d’une région polonaise, de l’ancien duché de Brunswick, d’une province du Panama et d’un ancien État princier indien. La faible originalité du pavillon national mais également les nombreuses fluctuations des frontières européennes peuvent expliquer certaines de ces similitudes.

Mots-clés
Vos commentaires
  • Le 25 août 2021 à 19:19, par Josy En réponse à : « Chtche ne vmerla Ukraïny » : histoire du drapeau de l’Ukraine

    Bonjour,

    Croyez-vous que les Ukrainiens sont des demeurés au point d’appeler leur pays « frontière ». C’est tout le contraire.

    Le préfixe « U » (У en ukrainien) signifie « dans » donc « Ukraïna » (Україна) veut dire « dans le pays ». Ne pas confondre avec "Okraïna (Окраїна) qui veut bien dire territoire frontalier. La Belgique est une Okraïna pour la France. Voilà.

Vos commentaires
modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?

Pour afficher votre trombine avec votre message, enregistrez-la d’abord sur gravatar.com (gratuit et indolore) et n’oubliez pas d’indiquer votre adresse e-mail ici.

Ajoutez votre commentaire ici

Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Suivre les commentaires : RSS 2.0 | Atom