Christine Lagarde, meilleur atout de l’UE face à la crise de la COVID-19 ?

Article paru à l’origine dans le Taurillon en Flam’s (n°18 / Septembre - Novembre 2020)

, par Yohan Peccavy

Christine Lagarde, meilleur atout de l'UE face à la crise de la COVID-19 ?
Christine Lagarde, Angela Merkel et Ursula von der Leyen lors du Conseil européen de décembre 2019. Crédit : Union européenne, 2019. Source : EC – Service audiovisuel

Durant la conférence de presse de la BCE du 10 septembre à Francfort, Christine Lagarde a su jouer de l’outil médiatique, son instrument privilégié. Les nouvelles problématiques posées en terme de relance asymétrique en Europe furent soulignées lors de la conférence de l’Eurozone le 21 septembre. Entre utilisation d’outils asymétriques et diplomatie politique, focus sur la “méthode Lagarde”.

Les chiffres sont inquiétants mais le ton est calme : pour 2020 une chute du PIB de 8 % est prévue dans l’UE, suivie d’une reprise en 2021 et 2022. Bien que nous soyons dans une crise profonde, la reprise de l’activité est déjà amorcée. Cette reprise reste néanmoins pétrie d’incertitude dû à la deuxième vague qui déferle actuellement sur le continent, entraînant de nouvelles mesures drastiques, comme en France.

Cela a des conséquences graves sur les moyens d’action de la BCE. En effet, son intervention sur la masse monétaire en circulation est bridée si la consommation et l’investissement des agents n’est pas à l’appel. Pire encore ! Une trappe à liquidité causée par l’épargne de précaution généralisée pourrait-être désastreuse pour la prochaine décennie, chômage de masse et rupture de capitaux seraient à prévoir alors.

L’Enjeux est double : faire repartir la machine en rassurant et assistant les acteurs économiques d’une part, et d’autre part, tenter une reprise durable et homogène dans l’union afin que la crise n’engendre pas une aggravation des inégalités de richesse entre Etats membre. Le défis est délicat : assister les pays du Sud dans le redémarrage, sans désolidariser ceux du Nord.

Démarche volontariste

La présidente s’affirme. Elle justifie la continuité de l’assouplissement monétaire entrepris par son prédécesseur, Mario Draghi. Elle annonce des rachats de titres à hauteur de 20 milliards par mois et 120 milliards de façon temporaire jusqu’à fin 2020, cumulé avec des taux directeurs inchangés afin de dynamiser l’accès au crédit.

Pour ce faire, la banque impose son indépendance en affirmant que le programme se poursuivra tant que le Conseil des Gouverneurs le juge opportun. Ce qui avait le don d’exaspérer les conservateurs allemands dont l’ancien ministres des finances Wolfgang Schäuble.

Des programmes innovants voient le jour. Le Pandemic Emergency Purchase Programme à hauteur de 1350 milliards contient en outre le fameux plan de relance de 750 milliards Next Generation EU. Le génie de cette stratégie réside dans la vision écologique de ce plan Marshall. En effet, 30 milliards d’euro de « greens bonds » s’adressant aux projets de croissance verte sont émis.

Il s’agit désormais de ne pas faire fuir les investissements directes étrangers afin d’éviter une récession violente et destructrice pour le capital productif. A cette fin, la Française met à contribution tous les moyens bancaires à sa disposition.

Critiques persistantes

L’assouplissement monétaire n’est pas du goût de tous. En effet, elle appauvrit les épargnants bien qu’elle soulage les endettés par l’effet d’ inflation. L’Allemagne et les Pays-Bas, grands prêteurs en Europe, entendaient jusque-là défendre leurs intérêts. De plus, l’accessibilité au crédit immobilier provoque mécaniquement une hausse du prix de l’achat de logement, n’arrangeant rien à la bulle spéculative de ce secteur. Les conservateurs Allemands ne se gênent pas d’ailleurs pour accuser la BCE de la flambée des prix immobilier dans les grandes villes.

La stratégie des états récalcitrants réside à dénoncer l’empiétement de la Banque dans les compétences des gouvernements nationaux. Ainsi, les décisions macroéconomiques de Francfort marcherait sur la souveraineté des états membres. C’est ce qu’il faut comprendre de la passe d’arme entre le Conseil des Gouverneurs et la Cour Constitutionnelle de Karlsruhe depuis l’arrêt du 5 mai 2020.

Réponse charismatique

Dans ces moments cruciaux, la personnalité de la nouvelle cheffe de l’Euro se révèle. C. Lagarde utilise la méthode de la prophétie auto-réalisatrice. Les journalistes sont mis à contribution comme émissaires privilégiés afin de diffuser ses annonces, et rendre populaire sa stratégie dirigée vers le morale des ménages pour le climat des affaires.

L’on remarque cependant l’héritage de M. Draghi. L’italien s’adressait aux trésoriers d’états et aux fonds d’investissements pour créer un cercle vertueux contre le chômage. La française s’inspire de son prédécesseur mais en ciblant sa communication pour atteindre les foyers et petites entreprises qu’elle entend sauver de la faillite à tout prix.

Surtout, La nouvelle tête de Francfort arrive à convaincre. L’indépendance des décisions du Conseil des Gouverneurs est affirmée. Les programmes mis en œuvre pour soutenir la relance et l’inflation reste à la discrétion de l’institution. Même la chancelière Merkel autrefois figure des réticents de la politique bancaire accommodante, a fini par s’y rallier.

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